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ROUMANIE - L’enseignement du français à Cluj : entre déclin et espoir

ROUMANIE - L’enseignement du français à Cluj : entre déclin et espoir

28 septembre 2024 - par Bianca-Livia Bartoș 
 - © Aimablement prêtée par Bianca-Livia Bartos
© Aimablement prêtée par Bianca-Livia Bartos

Avec son coloriage époustouflant, ce début d’automne marque également la rentrée pour les presque trois millions d’élèves roumains. Mais dans quelles conditions et avec quelle vision pour l’avenir ? Les écoles disposent-elles d’un nombre suffisant de professeurs qualifiés pour assurer les cours et accompagner les élèves sur le chemin de la réussite ? Ces interrogations se font pressantes en cette rentrée scolaire marquée par nombreux défis majeurs, qui fragilisent progressivement le système éducatif roumain.
Il y a à peine plus d’un moins, lors de l’examen national de titularisation pour les enseignants, plus de 27 500 candidats ont tenté leur chance pour décrocher l’un des 10 000 postes à contrat indéterminé disponibles, selon les statistiques données par le site edupedu.ro. Toutefois, pour accéder au statut de titulaire et avoir un contrat à durée indéterminée, une exigence demeure incontournable : obtenir une moyenne d’au moins 7 points sur 10 aux deux épreuves que chaque futur enseignant est tenu de passer. Ce 17 juillet, plus de 2 600 candidats ont préféré jeter l’éponge en cours de route, incapables de surmonter la complexité des sujets à l’examen écrit.

La situation est encore plus préoccupante du côté de l’enseignement du français comme langue étrangère. À Cluj-Napoca, un pôle universitaire et culturel reconnu, pour l’année scolaire qui vient de commencer ont été proposés 90 postes, dont seulement quatre offraient une norme complète, c’est-à-dire les 18 heures hebdomadaires requises par la loi. Les autres, avec des horaires fragmentés allant de 2 à 17 heures par semaine, obligent les enseignants à cumuler des heures dans deux, voire trois ou même quatre établissements, afin d’atteindre une charge de travail complète. Cette situation les pousse à se déplacer chaque année d’une école à l’autre, à changer sans cesse de salle des profs, rencontrer de nouveaux collègues et d’autres élèves, générant ainsi un tourbillon perpétuel qui désavantage tous les acteurs impliqués.

Face à ces conditions, seuls 17 candidats ont postulé pour les 90 postes de professeur de français à Cluj. Sur ce nombre réduit, seulement cinq ont obtenu la moyenne de 7 points, tandis que six candidats ont eu des notes entre 5 et 7, et les six autres moins de 5 points. Ce tableau sombre n’est, malheureusement, pas une surprise, reflétant le cercle vicieux qui mine l’enseignement du FLE en Roumanie : peu de professeurs qualifiés, peu d’étudiants attirés par cette filière (une trentaine sur la liste des admis cette année à la Faculté des Lettres de Cluj-Napoca) et, finalement, un enseignement qui perd en qualité.
Enfin, ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que, derrière ces statistiques se dessine l’avenir de toute une génération. Le constat est, donc, alarmant : si cette tendance continue, il deviendra de plus en plus difficile de trouver des enseignants qualifiés pour transmettre la richesse de la langue française aux nouvelles générations. Déjà, dans certaines écoles, faute de professeurs spécialisés, ce sont des enseignants d’autres disciplines scolaires, comme le roumain, ou encore pire, la biologie, la physique ou la chimie, qui se retrouvent à dispenser des cours de français, sans avoir la formation adéquate. Cela ne fait qu’aggraver le désintérêt des élèves pour cette langue, et le cercle vicieux se referme encore un peu plus.
De l’autre part de ce sombre panorama d’un enseignement « à deux vitesses » – selon la chanson de Grand Corps Malade – une lueur d’espoir persiste. Parmi les 17 candidats au poste d’enseignant de français à Cluj, une personne s’est pourtant particulièrement distinguée, en obtenant une note supérieure à 9 points sur 10. Cette candidate, qui a brillamment réussi là où tant d’autres ont échoué, est la preuve que la flamme du français ne s’est pas encore éteinte dans la région. Sa réussite exceptionnelle, bien que rare, laisse entrevoir un espoir pour l’avenir, témoignant de l’existence de jeunes passionnés et compétents, déterminés à défendre l’enseignement du français en Roumanie.

Il est, donc, crucial de s’appuyer sur ces succès pour catalyser un renouveau, car si des efforts sont faits pour valoriser la profession d’éducateur, augmenter leur rémunération et améliorer les conditions de travail, il n’est pas encore trop tard pour renverser ces tendances actuelles. Toutefois, la survie de l’enseignement (du français) repose sur des réformes profondes, visant à redonner aux professeurs la place qu’ils méritent dans la société, tout en stimulant l’intérêt des jeunes pour le métier d’artisan des esprits. En misant sur l’excellence et la passion de ceux qui croient encore en la valeur de l’éducation, un avenir meilleur peut encore être construit pour la Roumanie.

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