Inégalités, entrepreneuriat, cyberdéfense, protection des données, souveraineté numérique… à l’aube d’une nouvelle ère industrielle, les enjeux et les défis de l’économie digitale au sein de l’espace francophone sont foison. Le Rapport 2018 sur l’état de la francophonie numérique s’est attelé à les décrypter à la lumière des axes que l’OIF s’était fixés en 2012 avec sa Stratégie de la francophonie numérique. Il a été dévoilé en marge du XVIIe sommet de la Francophonie, au lendemain du lancement, le 10 octobre au Forum économique à Erevan, du Réseau des ministres francophones chargés du numérique, une instance qui vise à mutualiser les efforts en faveur de l’économie numérique et à peser dans la mise en place de régulations internationales.
La fracture numérique persiste
Premier enseignement de la 3e édition de ce rapport biannuel très dense, publié par l’OIF et réalisé par l’Institut du droit de l’espace et des télécommunications avec l’Université Bordeaux Montaigne : malgré les progrès réalisés, la fracture numérique persiste et des inégalités d’accès au numérique en tout genre sont encore nombreuses, à l’intérieur des pays francophones comme à travers le monde. Illustration, selon l’indice IDI, qui compare les évolutions des technologies de l’information et de communication entre les pays, la Suisse et le Luxembourg ou la France occupent respectivement la troisième, la neuvième et la quinzième place au rang mondial, loin devant, par exemple, Maurice, à la 72e place, le premier des États africains francophones dans ce classement. Un pays où l’accès au numérique se démocratise : 350 points d’accès WiFi ont été mis gratuitement à disposition des habitants, selon l’étude.
Catalyseur du développement
Bousculant désormais tous les pans de l’activité, le numérique est partie intégrante des économies occidentales des pays francophones. Mais il reste un chantier important dans la majorité des autres pays du même espace, estime le rapport. Catalyseur du développement socio-économique, le numérique permet de développer de nouveaux services, grâce entre autres à une pénétration de plus en plus grande de la téléphonie et d’Internet mobile. Exemples ? L’application Djantoli qui permet de suivre à distance la santé des enfants et des nourrissons au Mali et au Burkina, les kits solaires autonomes distribués par Qotto au Bénin et au Burkina Faso, la solution de CityTaps pour faciliter l’accès à l’eau au Niger via les compteurs prépayés et un paiement mobile… Pour démultiplier les usages et en faire un atout pour transformer les économies, le rapport préconise de travailler sur quatre piliers : les infrastructures, la formation, la législation et la numérisation de l’administration.
Cybersécurité : la nécessité d’une coopération internationale
Autre enseignement, à l’heure d’une cybermalveillance grandissante aux visages divers et complexes, une politique globale de sécurité est nécessaire. « Compte tenu de la globalisation des réseaux et des services, une réponse efficace repose sur une coopération internationale », estime l’auteur de ce volet de l’étude, notant que le débat doit se poursuivre dans toutes les instances internationales, y compris dans le cadre de la Francophonie. Au menu de ce chapitre également, un rappel de l’existence du Guide francophone de la cybersécurité et de la cyberdéfense, publié l’an dernier, l’analyse de quelques lois nationales sur la cybersécurité dans l’espace francophone, ou encore un classement des pays francophones d’après l’indice de cybersécurité dans le monde, où Maurice, la France et le Canada occupent le haut du pavé.
Le rapport se penche autant sur la gouvernance de l’Internet, la souveraineté numérique et les enjeux en matière de diversité culturelle et linguistique à l’heure de la concentration du pouvoir par les Gafa. Enfin, e-gouvernement, données ouvertes, production de contenu… sont autant de sujets décortiqués dans ce pavé de plus de trois cents pages d’analyses et d’avis, réalisé par un collectif d’auteurs. Sans oublier de rappeler la place de la langue de Molière dans l’Internet : elle occupe la quatrième place en termes de pourcentage d’internautes et de production de contenus, derrière l’anglais, le chinois et l’espagnol.