L’année 2014-2015 a contribué à mieux faire connaître la Lettonie au sein de l’Union européenne avec l’organisation de la Capitale européenne de la culture à Riga de janvier à décembre 2014 et la présidence du Conseil de l’Union européenne qui s’est accompagnée de plusieurs actions de sensibilisation dans les pays européens.
- Jeu de miroir à Riga (Flickr - Avisionn Photo)
POLITIQUE
Une année électorale dense
Trois scrutins électoraux ont eu lieu en 2014-2015 : les élections européennes (24 mai 2014), législatives (4 octobre 2014), et présidentielles (3 juin 2015).
Les élections européennes ont conduit à la victoire de l’Unité, parti de la coalition gouvernementale, avec 46,2 % des voix (soit 4 sièges sur 8). Quatre autres partis ont envoyé un député au Parlement européen dont l’Union russe de Lettonie dirigée par Tatjana Ždanoka. Celle-ci a depuis manifesté son soutien aux séparatistes ukrainiens comme le 2 mars 2015 à Bruxelles en hommage aux 46 militants pro-russes brûlés à Odessa en mai 2014.
Lors des élections législatives, le parti social-démocrate Centre de l’Harmonie, considéré comme pro-russe, a obtenu le meilleur score avec 23 % des voix et 24 députés sur 100 à la Saeima (31 sièges en 2011). La coalition sortante de centre droit s’est pourtant maintenue au pouvoir malgré un mauvais résultat du parti Unité allié au Parti réformateur (23 sièges contre 42 en 2011) mais grâce à une progression de l’Union des verts et des paysans (21 sièges) et de l’Alliance nationale (17 sièges). Les analyses post-électorales, très délicates sur ce scrutin, ont insisté sur trois facteurs : les conséquences de la crise ukrainienne, une réaction aux réformes d’austérité menées après la crise et, plus marginalement, un regain d’euroscepticisme et de populisme.
- Le nouveau président letton Raimonds Vejonis (Flickr - karlis dambans)
Les élections présidentielles, enfin, ont abouti, au 5e tour de scrutin, au choix de Raimonds Vējonis, ancien ministre de la Défense et président de l’Union des verts et des paysans. Il est depuis souvent présenté comme le premier président écologiste en Europe malgré des positions ambiguës, notamment sur la construction européenne.
La Lettonie, présidente du Conseil de l’Union européenne
Les six mois de présidence lettone (janvier-juin 2015) ont commencé par un programme substantiel articulé autour de trois objectifs : une Europe à la compétitivité renforcée, plus digitale et davantage engagée sur la scène internationale.
Comme pour toutes les présidences, la Lettonie a dû composer ses priorités avec l’Italie et le Luxembourg tout en suivant le programme de la Commission européenne pour la période 2014-2020. Toutes les missions fixées n’ont donc pas relevé d’impulsions nationales, dans un contexte d’attente des Européens face à une situation économique encore fragile. Un accord sur les modalités du nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques, modeste colonne vertébrale du « plan Juncker », a ainsi été conclu le 28 mai 2015.
Le début de l’année 2015 a aussi généré de nouveaux enjeux dictés par l’actualité : attentats terroristes de Paris et de Copenhague, regains de violence en Ukraine, multiplication des naufrages de migrants en Méditerranée. Le retour d’un projet de directive sur l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR) ou le soutien à la création d’une unité consacrée au cyberterrorisme au sein d’EUROPOL s’inscrivent dans ce contexte.
La crainte d’une ingérence russe a également pesé dans les différentes mesures initiées, notamment sur la sécurité extérieure de l’UE. Le climat de tension avec la Russie est particulièrement perceptible en Lettonie, mitoyenne de l’Oblast de Pskov, voisine de l’enclave de Kaliningrad et comportant une forte minorité intérieure russophone. Le Conseil européen des 25 et 26 juin a ainsi porté sur l’orientation de la politique de sécurité et de défense commune et sur l’établissement d’une communication stratégique, cyberdéfense comprise, afin de contrecarrer les campagnes russes de désinformation alimentant une guerre « hybride » (actions de trolls et hackers sur internet, propagande via les médias russes dans les régions de l’Est du pays…). La dépendance encore trop importante de l’économie lettone envers le transit des hydrocarbures russes explique l’intérêt porté à une plus grande indépendance énergétique de l’ensemble de l’UE. Lors d’une Conférence des ministres européens de l’Énergie organisée à Riga le 6 février dernier, la Commission européenne a symboliquement décliné son plan pour une « Union de l’énergie » et lancé le processus de Riga devant conduire à son application. Le rappel du rôle particulier de l’Azerbaïdjan dans la réalisation d’un corridor gazier méridional dans la déclaration écrite du sommet de Riga sur le Partenariat oriental (21-22 mai 2015) a démontré une volonté de diversification des approvisionnements au milieu d’autres initiatives (liens renforcés avec la Norvège, interconnexion accrue entre les pays riverains de la mer Baltique, promotion des énergies renouvelables on et offshore).
Le Sommet de Riga sur le Partenariat oriental en mai a été un révélateur des difficultés rencontrées par la Lettonie pendant le semestre. Sa préparation s’est inscrite dans une volonté de renforcer les accords entre l’UE et les pays du voisinage avec lesquels la Lettonie entretient de fortes relations économiques et commerciales (axe mer Baltique-mer Noire) tout en ménageant la Russie. Dès le mois d’avril, Edgars Rinkēvičs, ministre des Affaires étrangères, avait ainsi déclaré sur twitter que la rencontre de Riga ne serait pas un forum dirigé contre la Russie. Avant le lancement des négociations, les initiatives les plus attendues ont dû être repoussées. Début mai, la Commission européenne a décidé de différer la levée des visas pour l’Ukraine et la Géorgie, l’ensemble des conditions préalables n’étant pas encore réuni. Quant à la gestion de la crise ukrainienne, l’absence de la Russie rendait difficile une avancée sur les accords de Minsk, ce qui explique un calendrier parallèle : réunion du Groupe de contact trilatéral (OSCE, Russie, Ukraine) le 6 mai, suivi du processus de Minsk le 10 juin à Paris. De fait, si la déclaration finale du sommet marque une condamnation unanime des 28 pays européens face à une annexion en Crimée qualifiée « d’illégale », elle rappelle aussi la division interne aux États du Partenariat oriental, la Biélorussie et l’Arménie n’ayant pas souscrit à cette position communautaire.
ÉCONOMIE
Une croissance économique maintenue malgré les pressions extérieures
Après trois années de récession (2008-2011), les taux de croissance lettons du PIB ont figuré parmi les plus élevés de l’UE en 2011 (5 %), 2012 (4,8 %) et 2013 (4,2 %) avant de suivre un rythme plus mesuré en 2014 (2,4 %) et vraisemblablement en 2015 (prévision de 2,9 %). Si le maintien de la croissance s’explique par l’augmentation de la consommation intérieure grâce à une combinaison vertueuse (hausse des salaires nominaux, réduction de la hausse des prix à la consommation, relâchement de la pression fiscale), le ralentissement observé par rapport à 2013 est imputable à des facteurs principalement externes (détérioration de la conjoncture russe, chute du rouble et atonie de la zone euro dont la Lettonie est membre depuis janvier 2014).
Le commerce extérieur letton a été impacté en 2014-2015 par la crise ukrainienne. À la suite des sanctions touchant la Russie, un embargo sur la plupart des produits alimentaires venant de l’Union européenne a été décrété par le Kremlin le 6 août 2014 pour une durée d’un an et étendu aux abats et farines animales en octobre. Le 4 juin 2015, la Russie a imposé un nouvel embargo sur les poissons ou produits de la mer importés d’Estonie et de Lettonie alors que près de la moitié de la production lettone se dirige vers le marché russe. Cette décision fait suite à la découverte annoncée d’un taux excessif de Benzopyrène, une substance cancérigène, dans les sprats lettons par le Service fédéral russe pour la Surveillance Vétérinaire et Phytosanitaire (Rosselkhoznadzor). Les sanctions russes n’ont cependant affecté que 0,5 % du total des exportations lettones en 2014 selon l’OCDE. L’impact des tensions géopolitiques régionales est cependant tout aussi indirect et pourrait engendrer un affaiblissement de la confiance des entreprises et des investisseurs, un resserrement des conditions de crédit ou encore une crise du secteur du transport.
Une autre conséquence des tensions avec la Russie est la redistribution des postes de budget. Une loi adoptée par le Parlement en juillet 2014 et actualisée début 2015 prévoit que le budget de la Défense, qui représente 0,9 % du PIB du pays en 2014, soit porté à 2 % d’ici à 2018.
SOCIÉTÉ
Intégration des minorités et cohésion sociale
La question de l’intégration des minorités russophones s’est à nouveau posée dans le contexte de la crise ukrainienne. Le gouvernement letton craignait notamment des campagnes de déstabilisation par l’intermédiaire de journaux, de chaînes de télévision et de sites internet (« usine à trolls » russe, hackers), notamment à l’est du pays (région de Latgale et ville de Daugavpils). L’accord du 31 mars 2015, conclu avec les Estoniens pour la promotion d’une chaîne nationale de télévision en langue russe, doit offrir une alternative aux programmes émis depuis la Russie.
- L’Europride LGBT à Riga (Flickr - Ieva Skrebele)
L’évolution vers plus de reconnaissance juridique pour les couples homosexuels a constitué un autre débat sensible. En novembre 2014, alors que le ministre des Affaires étrangères, Edgars Rinkēvičs, faisait son coming-out, Laimdota Straujuma, à la tête du gouvernement, réaffirmait son opposition au mariage homosexuel admettant cependant que la loi restait silencieuse sur les droits pour des couples de même sexe. En janvier 2015, un député de la Saeima déposait une proposition, finalement rejetée, de modification du Code civil en faveur d’une union offrant les mêmes droits et devoirs que ceux des couples mariés. Le 20 juin 2015, Riga a accueilli la première Europride LGBT à se tenir dans un ancien pays soviétique.
CULTURE
Riga 2014, capitale européenne de la culture
En 2014, Riga a organisé l’événement « Capitale européenne de la culture », après Vilnius en 2009 et Tallinn en 2011. Les différentes manifestations ont impliqué, selon les organisateurs, 12 000 participants, 1900 artistes et ont attiré un peu plus de 1,5 million de visiteurs. Près de 1500 articles et émissions ont directement couvert le programme dans 66 pays. Riga 2014 a constitué à la fois une vitrine et un miroir pour l’ensemble de la Lettonie.
- Photomontage de Gustavs Klucis
Riga 2014 a tout d’abord permis à la Lettonie de souligner ses apports au patrimoine européen. Ainsi faut-il entendre l’exposition organisée sur Gustavs Klucis, artiste reconnu pour ses photomontages, du 23 août au 26 octobre 2014 au Musée national des Arts de Lettonie. Au niveau régional, les coopérations avec Umeå ont été fructueuses par exemple sur la question des minorités (Samis et Lives). Plusieurs expositions sur l’ambre et ses potentialités (joaillerie, cosmétique, pharmacie) ont également ouvert des pistes de coopération en Baltique. Une grande partie du programme de Riga 2014 a d’autre part mis en évidence les symboles nationaux lettons : du 9 au 19 juillet, 460 chorales de 73 pays, soit 27 000 participants, se sont produites aux 8es Olympiades mondiales des chorales. La musique a d’ailleurs été le champ artistique le plus représenté au cours de l’année. Enfin, les événements ont eu un impact sur la ville elle-même en contribuant à un mouvement d’empowerment dans les quartiers péricentraux ou périphériques. Le Festival de cultures urbaines Urban Storytelling, présentant en août des œuvres réalisés par des habitants de Sarkandaugava, Zolitūde et Brasa sur leur cadre de vie a contribué à cette dynamique.