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LIBAN - Retour sur l’année 2017

LIBAN - Retour sur l’année 2017

1er janvier 2018 - par Pascale Asmar  , Wassim Manssouri 
 - © Flickr - normalsanik
© Flickr - normalsanik

- Par Wassim Manssouri

POLITIQUE

Ph : Flickr - paolo mutti

Le Liban a rencontré dernièrement des soubresauts politiques qui l’ont mis dans des situations assez délicates (1).

L’élection du Président de la République
Suite à un long labeur et au changement dans les coalitions traditionnelles représentées par les partis du 8 et du 14 mars (1), le 13e Président de la République libanais a enfin été élu 31 octobre 2016 en la personne de Michel Aoun.
Cette élection a affranchi le pays de la crise politique profonde dans laquelle il se trouvait cloisonné depuis deux ans et demi parallèlement à la vacance de la présidence. En effet, cette élection a réhabilité l’ordre et la stabilité dans les services publics étatiques, d’autant plus que le Président de la République avait convié le chef du gouvernement Saed Hariri à constituer le nouveau gouvernement ; nominations qui ont été effectuées avec une rapidité certaine le 18 décembre 2016. Le gouvernement a tiré parti de cette conjoncture pour recouvrir la confiance qui lui revenait et combler les vacances qui avaient eu lieu dans les services publics de l’état : nombreux postes ont pu ainsi être pourvus grâce par la nomination de fonctionnaires et de directeurs généraux qui attendaient impatiemment le déblocage d’une situation politique qui s’éternisait.


Saed Hariri, de retour aux affaires, et Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne - Ph : Flickr - Service des actions extérieures UE

Lutte contre le terrorisme
L’action terroriste de Daech a fortement ébranlé le pays et l’ombre de ce groupe hors-la-loi plane toujours et encore sur les têtes. Toutefois, l’intervention du Hezbollah libanais dans l’opération de libération lancée dans les régions montagneuses limitrophes aux frontières libanaises contre les membres de Daech et de la Nosra ont abouti au retrait des djihadistes. De son côté, l’armée libanaise ayant repris ces offensives dans la limite des frontières libanaises en menant des attaques militaires vastes a, de même, entrainé la totale libération de la région du « Jouroud » ce qui a entrainé un soulagement réel dans les milieux internes notamment auprès de la population.

Cependant, malgré la victoire de l’armée libanaise, la libération des « Jouroud » et l’endiguement de l’action de Daech, les défis internes restent importants et les forces de sécurité libanaise n’arrêtent de désactiver des cellules éparses terroristes qui tentent inlassablement de déséquilibrer la sûreté de l’état.
C’est ainsi que les forces de sécurité ont récemment arrêté un acteur libanais du nom de Ziad Itani accusé d’actes préparatoires d’assassinats et de collaboration avec les Israéliens.

Cet événement a remis à jour le danger du terrorisme et sa présence permanente et réelle. Mais l’action des forces de sécurité et la lutte inlassable qu’elles mènent contre toute forme de terrorisme, qu’il ait un visage israélien ou djihadiste, rassurent la population et encouragent le tourisme.

Adoption du budget et promulgation de la loi électorale
Dernièrement, la collaboration des trois pouvoirs politiques incarnés par la législature, l’exécutif et la présidence de la République a permis l’adoption du budget annuel de 2017 alors que le Liban dépensait depuis 2005 (!) en dehors de tout acte légal de prévision et d’autorisation annuel de perception des impôts et des dépenses des deniers publics. Cette victoire ne pouvait que stimuler, là encore, la confiance dans le domaine cette fois économique du pays.

Par ailleurs, et pour la première fois dans l’histoire libanaise, la loi électorale 44/2017 a adopté le vote proportionnel. Changement qui aura en pratique deux conséquences sûrement palpables, l’une liée à l’écriture de l’épilogue de l’épisode de la reconduction subie du parlement à laquelle nous avons assisté depuis les élections de 2009 et ce pour un mandat complet, et l’autre, l’apparition d’un nouveau parti politique sur la scène libanaise qui, nous espérons, mènera, grâce aux élections parlementaires de mai 2018, au remplacement, tant et si bien attendu, des figures politiques déjà existantes.

Démission du chef du gouvernement Saed Hariri lancée de Riad
Le 4 novembre 2017, dans le cadre d’un voyage surprise à Riad, capitale de l’Arabie Saoudite, Saed Hariri lance une véritable bombe annonçant aux Libanais sa démission. Le Président de la République Michel Aoun refuse cette démission considérant d’une part, qu’elle ne peut être effectuée de l’étranger et d’autre part, qu’elle résulte d’une contrainte forcée. Cette position a été immédiatement et largement partagée par le chef du parlement Nabih Berri.
Ces déclarations ont vite été accompagnées par une tournée substantielle du ministre des Affaires étrangères libanais dans les états européens qui ont exercé une pression non négligeable sur Riad. Ce dernier a finalement accordé la permission de quitter le pays à Saed Hariri et à sa famille, et ce, à destination du Liban via Paris.

Il est à noter que le Président français Emmanuel Macron a suivi cette crise de manière personnelle et s’est employé à dépêcher des invitations privées à Hariri et à sa famille pour le sortir de cette situation critique. L’attitude de la France confirme, là encore, le soutien historique qu’elle accorde au Liban, soutien conforté par la « Conférence en faveur du soutien du Liban » datant du 8 décembre 2017.

Malgré le brouillard qui véhicule les circonstances de cette démission, Saed Hariri a accepté de revenir sur sa démission si le Liban prenait la décision de ne plus s’immiscer dans les affaires des pays de la région, c’est à dire bien évidemment la Syrie, le Yémen et l’Irak.
Les puissances internes se sont accordées sur cette question et une nouvelle phase s’est ouverte au Liban sous le signe de la non immiscions dans les crises régionales, le maintien et l’entretien des meilleures relations avec les états arabes environnants.
Toutefois, reste la question capitale des rapports futurs avec la Syrie à l’aube de la fin du conflit qui s’y déroule.

La décision du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem
Cette décision a entrainé une ola non seulement libanaise, mais arabe, régionale et internationale. Le parlement libanais s’est réuni le 8 décembre 2017 pour réfuter au premier abord cette déclaration en attendant la prise de mesures nécessaires sur ce sujet dans le but de geler la décision émise et de maintenir cette ville sous le signe arabe.

Notes :
(1) Sur la division politique au Liban, voir l’année francophone internationale 2007, p. 260.


Un art de vivre, entre hommes ! Ph : Flickr - bagolina

Par Pascale Amar

SOCIÉTÉ et CULTURE

Une paralysie politique au niveau de certains dossiers
Le vide présidentiel comblé en octobre 2016, le Liban jouit d’une relative stabilité toutefois perturbée par des dossiers épineux dont notamment l’affaire des migrants syriens. Le Président de la République sonne le glas vu le fait que le Liban n’arrive plus à gérer la situation des migrants, appelant les pays à favoriser leur retour dans des zones pacifiques de leur pays d’origine. Côté libanais, cet appel ne conduit pas à l’examen du dossier qui, pour le finaliser, nécessite un dialogue avec le régime syrien – chose que certains ministres et députés refusent d’entamer. La suspension constante de ce dossier délicat entraîne des conséquences sur le plan social, économique, démographique et sécuritaire ainsi qu’une montée des tensions entre Libanais et Syriens.

Une crise de déchets qui persiste
Même si les acteurs locaux, notamment certaines municipalités, associations ou ONG, sont arrivés à trouver des solutions écologiques modestes à la crise des déchets qui a atteint son point culminant en 2015 lors des protestations et les manifestations, le gouvernement n’a pas encore réussi à élaborer un plan durable et écologiquement responsable, optant toujours pour l’amplification des déchargent nocives qui provoquent la pollution de l’air, de la terre et de la mer qui accueille des tonnes d’ordures. A cet égard, un cri a été lancé à l’égard des pays du contour de la Méditerranée pour contrecarrer les actions du gouvernement. Quant à la deuxième solution proposée – les incinérateurs –, elle reste un scénario litigieux et risqué tant pour l’environnement que pour la santé de la population. Les activistes plaident pour un plan écologique et responsable : recyclage, compostage et production d’énergie dans le respect de l’environnement. Mais le gouvernement ne semble pas ouvert à une option pareille.

Une victoire tronquée pour les femmes
Sous la pression de la société civile, le Parlement libanais a (enfin) abrogé la loi du mariage suite au viol : en effet, selon l’article 522 du Code pénal libanais, le mariage qui survient après le viol ou le rapt libère l’auteur du crime de ce dernier. L’abrogation de cette loi, datant de 1948, reste toutefois lacunaire et insuffisante avec le maintien de deux autres articles similaires (505 et 518) qui garantissent l’effet de l’article 522. Le combat pour le regain des droits basiques de la femme libanaise risque d’être long.


Encore du chemin à faire... - Ph : Flickr - cristian viarisio

Une violation des biens publics
Le combat mené par les activistes afin de libérer la plage publique de Ramlet el Bayda de la mainmise de la privatisation a échoué. Alors que les travaux ont a maintes fois été gelés, le projet a repris de plus belle, violant une propriété publique et la volonté de la population. Cette privatisation illégale, qualifiée par les activistes et la population de « colonisation », menace de nombreux sites publics et archéologiques ou encore des réserves et la vie animale qui y a trouvé refuge.

Difficile cohabitation entre Histoire et urbanisme - Ph : Flickr - Gaetano Virgallito

Un patrimoine en perdition
Le patrimoine libanais, et plus spécifiquement beyrouthin, perd de nombreux sites en dépit des efforts des activistes qui arrivent à en sauver quelques-uns. Le 12 octobre 2017, le gouvernement a approuvé un nouveau texte de loi visant à protéger le patrimoine et les sites archéologiques du pays. Cependant, cette loi devrait être approuvée par le Parlement pour devenir effective.

Floraison culturelle
Malgré une pesanteur politique qui n’arrive pas à régler certains problèmes urgents, la vie culturelle au Liban est en constant épanouissement.
En septembre 2016, le 36e congrès de l’Association internationale des Maires francophones rassemble, autour de sa Présidente, Anne Hidalgo, maire de Paris, et de la Secrétaire générale de l’OIF, Michaëlle Jean, les élus locaux francophones autour du thème : « Construire la ville du vivre ensemble ».
La visite de la SG de la Francophonie constitue une occasion pour décerner le prix de la femme entrepreneure 2016 organisé par le bureau Moyen-Orient de l’AUF. Cette initiative entend distinguer deux projets mis en place par des femmes francophones dans le but de les encourager à entreprendre en français. Toujours dans le cadre de la Francophonie, le Liban accueille la cérémonie finale de la 4e édition des Trophées francophones du cinéma dont le jury a été présidé par le réalisateur Costa Gavras.

Le mois de la Francophonie est traversé de nombreuses manifestations et constitue un moment de mobilisation en faveur de la promotion du français et de la Francophonie notamment dans le domaine numérique qui, d’ailleurs, constitue le thème de l’édition de 2017. Grâce à un programme riche et apte à répondre à tous les goûts et à tous les âges, la Francophonie attire un public varié intéressé par le Championnat international du débat francophone, le Forum de la langue française et de la francophonie, une série d’événements autour de l’art et des nouvelles technologies à Station Beirut, la finale du concours du Mot d’Or de la francophonie et le quatrième match d’improvisation interuniversitaire.

Aux Jeux de la Francophonie à Abidjan, le Liban décroche une médaille d’or grâce à son candidat dans la catégorie peinture, l’artiste et calligraffiteur Yazan Halwani dont l’œuvre – un autoportrait réalisé grâce à la technique de la peinture par calligraphie et une toile exécutée à Abidjan – est saluée par le jury « pour la sobriété de son expression, la pertinence de son questionnement, l’adéquation entre ces questions, et les matériaux utilisés et la démonstration de sa capacité à se laisser imprégner par les problèmes du milieu où il se trouve ». Le Liban remporte également 2 médailles de bronze.


Dans Beyrouth, une oeuvre de Yazan Halwani - Ph : page FB de l’artiste

Le 24e Salon du Livre francophone de Beyrouth, organisé du 4 au 12 novembre 2017, est un moment fort pour le français et la francophonie. Le Choix Goncourt de l’Orient 2017 est décerné à Véronique Olmi pour son roman Bakhita en présence d’Eric-Emmanuel Schmitt et de Leila Slimani, lauréate du Prix Goncourt 2016.

Le duo Joana Hadjithomas et Khalil Joreige reçoit le prestigieux Prix Marcel Duchamp 2017 qui vient récompenser leur projet : « Discordances/Uncomformities » et saluer leur «  art [qui] suggère une archéologie de la mémoire, au cœur d’un présent troublé  ».

Malgré tout, une censure qui subsiste…
Avec son nouveau film, L’Insulte, le Libanais Ziad Doueiri remporte le prix de la meilleure interprétation masculine – Volpi Cup à la Mostra de Venise. Le prix, décerné pour la première fois à un acteur arabe, distingue l’interprétation humaine et puissante de l’acteur palestinien Kamel Elbasha. Le Liban, via le ministère de la Culture, choisit le film pour le représenter dans la course aux Oscars du meilleur film étranger. Mais, dès son retour au Liban, le réalisateur est arrêté et interrogé par le tribunal militaire après une plainte déposée à son encontre. Le réalisateur est accusé de « normalisation » avec l’État hébreu où il s’était rendu en 2011 pour filmer une partie de son film L’Attentat, interdit de projection au Liban et dans les pays arabes. Le tribunal militaire acquitte le réalisateur qui bénéficie d’un non-lieu. Quant au film, et jusqu’à la date de rédaction de cet article, il rafle des prix internationaux dont notamment trois prix au Festival international du film de Valladolid, deux au Festival international du Film d’Histoire de Pessac, encore trois aux 30es Rencontres Cinématographiques de Cannes et le prix du Public de l’Institut du film américain aux États-Unis.



Wassim Manssouri
Avocat au barreau de Beyrouth,
professeur à la Faculté de droit
wm@manssouri-law.com
Pascale Asmar
Docteure en Sciences du Langage-Linguistique (Sorbonne Nouvelle-Paris 3 & Université Libanaise)
Enseignante à l’Université Libanaise et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth
Encadrante d’un mémoire à l’Université de Balamand
Déléguée de l’APFA pour le Liban
Experte associée aux travaux du groupe « économie et gestion » du Collège de terminologie
pascale.asmar@hotmail.com

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