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Liban - Une année d’actualité - 2018

Liban - Une année d’actualité - 2018

31 janvier 2019 - par Pascale Asmar 
Beyrouth - © Flickr - Thomas Leuthard
Beyrouth
© Flickr - Thomas Leuthard

Après maintes auto-prorogations du Parlement élu en 2009, malgré l’objection et un soulèvement populaires qui n’ont pas connu l’aboutissement espéré, et dans l’ombre pesante de crises continues, le Liban se retrouve dans une situation délicate. Alors que 2019 s’amorce, le pays peine encore à former un gouvernement. Les retombées de toute cette instabilité sur la vie sociale et culturelle ne passent pas inaperçues.


Beyrouth

Législatives 2018 : une volonté de changement avortée

Mai 2018 est marqué par le scrutin tant attendu après deux auto-prorogations du Parlement. Afin de contrecarrer le pouvoir traditionnel et sa logique confessionnelle, les soulèvements populaires ayant marqué les dernières années, se sont transformés en un mouvement civil visant à reconquérir le pouvoir des instances traditionnelles qui passent le flambeau de père en fils dans une logique féodale. Les législatives auraient pu consacrer le succès de ce mouvement, mais les dissidences au sein même du mouvement civil, la fragmentation en plusieurs listes électorales et l’incapacité de fédérer les efforts autour d’un programme unique et de personnalités consensuelles ont favorisé la réélection des mêmes figures au pouvoir, à l’exception d’une seule transgression de la part de Paula Yaacoubian (Paulette Yagobian), journaliste se présentant sur la liste électorale du parti émergent « Sabaa ». D’autres facteurs ont également favorisé l’avortement du mouvement civil, notamment la nouvelle loi électorale promulguée, le clientélisme dominant ainsi qu’une faible participation au scrutin qui a atteint les 49.2 % sur l’ensemble du territoire libanais. L’abstention dont fait preuve le peuple libanais a ainsi témoigné de la désillusion de celui-ci quant à la possibilité de changer le pays.

La crise syrienne et l’impossible retour

En l’absence d’une stratégie avec les instances concernées en mesure de faciliter le retour des migrants syriens, le Liban croule toujours sous le poids de la crise syrienne dont les retombées économiques, sociales, démographiques et sécuritaires ne cessent d’ébranler le pays et son faible équilibre. Quelques milliers de migrants regagnent leur pays dès juin 2018 avec la détérioration de leur situation au Liban, mais le chiffre reste de loin très timide par rapport aux 1.8 million estimés. Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), la présence des Syriens sur le sol libanais aurait aggravé le taux de chômage notamment auprès de la population active. Selon la Banque Mondiale, la population la plus touchée est celle des 15-24 ans. La Présidence de la République évoque un taux de chômage galopant qui a atteint, selon cette même source, 46 % auprès de la population active contre 9 % entre 1990 et 2010. En effet, le marché du travail, notamment dans les emplois sous-qualifiés, recrute les migrants syriens dont le salaire moyen est moindre par rapport à celui des Libanais (278 USD face à 600 USD) et qui ne nécessitent pas de couverture sociale. Les chiffres publiés viennent creuser davantage le fossé existant entre les deux populations et contribuer ainsi à plus d’hostilité.


Famille syrienne déplacée à Beyrouth

Une crise écologique qui empire

Aux crises politique et sécuritaire s’ajoute le fléau écologique. Dans ce contexte, les maladies, notamment le cancer et les problèmes cardiaques et respiratoires, ne font qu’augmenter. Selon le rapport de Human Rights Watch (HRW), l’incinération de déchets sous ciel ouvert a des répercussions néfastes sur la santé de la population. Les conclusions alarmantes du rapport surviennent face à l’impuissance des autorités à proposer une stratégie nationale en mesure de donner des solutions adéquates et éco-responsables à la crise de déchets qui a éclaté en 2015, mais qui remonte à bien des années, et dans un contexte favorable aux incinérateurs, une solution jugée par les écologistes et les médecins comme un désastre national sur la santé publique.
L’impuissance des autorités se double également d’un manque de transparence dans la gestion du dossier des ordures. Ainsi, les donations étrangères aux autorités locales et au gouvernement ne trouvent pas l’issue espérée : les décharges se multiplient, notamment du côté de la mer, posant ainsi une menace à l’aviation civile, les incinérations polluent gravement l’air que respire la population au quotidien et la Méditerranée se transforme en une large décharge d’ordures. Les solutions à ce problème qui provoque une pollution de l’air, de l’eau et de la terre restent individuelles ou confinées à des localités particulières qui plaident un tri depuis la source et un recyclage, une réduction de l’usage du plastique, etc. Cependant, malgré ces tentatives, et en dépit de la mise en place de structures de recyclage (notamment des usines), celles-ci se trouvent minées par le manque de ressources financières ou par une décision politiquement incorrecte.

Le patrimoine toujours en danger

À la crise environnementale chronique s’ajoute la crise du patrimoine perpétuellement en danger. La loi visant à protéger le patrimoine, notamment les bâtiments traditionnels, est toujours privée du vote du Parlement. En l’absence d’une protection des sites en danger, les infractions se multiplient : la muraille romaine de Bachoura est démontée, entraînant ainsi la disparition d’un site de grande importance historique et d’une partie de l’identité de la ville. De nombreux bâtiments typiques de l’architecture beyrouthine disparaissent également faute de moyens pour les restaurer et face à l’exacerbation urbaine dans un contexte d’indifférence générale.


Conserver le patrimoine, une affaire délicate

Un projet de loi contre le mariage précoce en voie de gestation

Cependant, ce contexte de crise n’entrave pas les efforts des activistes qui luttent pour établir un âge minimum pour le mariage dans le but de lutter contre les mariages précoces. En effet, la loi ne fixe pas un âge minimum ce qui ouvre la voie à des mariages précoces non seulement auprès de la population libanaise, mais également chez la population palestinienne et syrienne qui se trouve au Liban. Selon l’ONG belge « SB overSeas », l’âge du mariage serait de 15 ans pour les garçons et de 9 pour les filles. Les discussions ont conduit la commission parlementaire de la femme et de l’enfant à réactualiser le débat autour de l’urgence de fixer un âge minimum pour le mariage. Cependant, jusqu’à l’heure actuelle, les travaux n’ont pas encore abouti à un projet de loi. L’entreprise est épineuse notamment parce qu’au Liban, le mariage est tributaire des communautés religieuses.

Et malgré tout, la culture en lutte...

Et en dépit de ce paysage sombre, le pays arrive à survivre. Les activités culturelles pullulent : les salons du livre foisonnent dans le cadre francophone et arabophone, le mois de la francophonie se promeut en un événement phare dans le milieu universitaire, culturel et entrepreneurial, les signatures de livres se multiplient, la direction régionale de l’AUF arrive à valider le statut d’étudiant-entrepreneur auprès du Ministère de l’Enseignement supérieur, le 7e Prix Goncourt de l’Orient est décerné à David Diop pour Frère d’âme...
... et le Liban triomphe en images, malgré la censure ! Ainsi, pour la première fois dans son histoire, le Liban est représenté à la 90e cérémonie des Oscars grâce à L’Insulte de Ziad Doueiri, premier film libanais à avoir été nommé à la plus prestigieuse distinction dans le monde du cinéma, et qui – ironie du sort ? – plaide pour la tolérance et la réconciliation nationale dans le contexte mouvementé que connaît le pays et la région. À Cannes, la réalisatrice Nadine Labaki remporte le prix du jury pour son film Capharnaüm pour la deuxième fois après le réalisateur libanais Maroun Baghdadi.
Entre l’incertitude du présent et l’imprécision de l’avenir, malgré le contexte politique en perpétuelle instabilité, le Liban (sur) vit de culture, d’activisme et de rébellion.



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