Deux langues officielles
Malgré les 18 ethnies qui ont chacune leur parler, une langue commune, le malgache, s’est mise en place. C’est le merina, la langue de la région de Tananarive et des Hautes-Terres, qui a obtenu le statut de langue officielle en raison d’une longue tradition d’écriture remontant à la première moitié du XIXe siècle, au moment de l’unification du territoire. Mais cette hégémonie n’est pas totale, puisque localement subsistent bien des dialectes locaux, malgré tout suffisamment proches pour que la compréhension de base reste possible.
Le malgache est la langue du foyer, de la religion, de la culture traditionnelle. Le français, lui, est la langue des échanges internationaux. Il a une place privilégiée dans les médias, l’administration, la justice, l’enseignement ou le tourisme. Le français reste la langue de l’élite, suite à un large courant de malgachisation qui s’est produit fin des années 70. À cette époque, l’hostilité populaire à l’égard de l’héritage colonial pousse le gouvernement à remplacer le français par le malgache comme langue d’enseignement, et les contenus pédagogiques sont recentrés sur Madagascar. Cependant, cette malgachisation n’atteint pas l’objectif qu’elle vise, au contraire : elle accentue l’écart entre les enfants des milieux défavorisés, n’ayant pas d’autre accès au français que l’école, et ceux de la bourgeoisie urbaine francisée. Selon le Rapport « La langue française dans le monde » publié en 2022 par l’OIF, seuls 26 % de la population autochtone est francophone (et encore, à des degrés divers).
La Francophonie
La République de Madagascar devient membre de la Francophonie en mars 1970 jusqu’à décembre 1977, où elle quitte l’OIF pour des raisons politiques (la malgachisation) puis
redevient à nouveau membre en décembre 1989. En novembre 2016, Madagascar a été l’hôte du XVIe Sommet de la Francophonie.
Le Bureau de l’OIF pour l’océan Indien est situé à Tananarive. C’est le lieu de la mise en place de nombreux projets pour Madagascar, comme l’explique Faouzia Abdoulhalik, responsable de programme. Quelques exemples parmi d’autres : - la formation en français de diplomates ; - la mobilité d’enseignants en français qui viennent, pour un an, en soutien dans les écoles malgaches ; - l’autonomisation économique des femmes avec le projet « La Francophonie avec Elles » qui a formé plus de 200 femmes à l’agroécologie et à la gestion de leur coopérative ; - l’enregistrement à l’état civil des enfants « fantômes » (un enfant sur quatre n’a pas d’existence légale) ce qui doit permettre d’ajuster les actions sanitaires et éducatives, en fonction du nombre réel d’habitants ; - la formation professionnelle au numérique via le projet D-CLIC ; - la lutte contre la désinformation avec la formation de journalistes à la vérification des faits ou encore ; - le tourisme durable et solidaire avec une formation à l’accueil, l’hygiène, la cuisine, la conversation en français en vue d’une labellisation d’hébergements touristiques.
L’enseignement
La situation du système éducatif malgache est dramatique tant au niveau des infrastructures (bâtiments scolaires, mobilier, matériel pédagogique, ... ) qu’au niveau de la qualité de la formation pédagogique et linguistique des enseignants surtout dans le primaire. Le taux d’analphabétisme avoisine les 30 %. Il y a de grandes disparités entre l’éducation des filles et celle des garçons, entre les populations des zones urbaines et rurales, entre les établissements d’enseignement public et privé. Un enfant sur deux ne termine pas l’école primaire et 82,5 % des élèves se situent en dessous du niveau de compétence en lecture en fin de scolarité.
Maria Andriamahefson, professeur de français formée au département d’études françaises et francophones de l’université de Tananarive, confirme ces chiffres alarmants. « Le pays manque cruellement d’enseignants surtout au niveau primaire. On a recruté des gens sans formation qui connaissent peu ou pas le français et se retrouvent aujourd’hui à devoir donner des cours en français sans le maîtriser. » Une situation confirmée par Michel Saint-Lot représentant de l’UNICEF à Madagascar, en juillet 2021. « Quand on a un illettré qui forme des gens, on a des générations d’illettrés qui sortent ». Et il ne mâche pas ses mots pour dénoncer la régression dans presque tous les domaines, et même le sens des priorités du gouvernement malgache.
Au primaire et premier cycle secondaire, le malgache est la langue d’enseignement et le français est introduit comme langue seconde dès la deuxième année du primaire ; le français devenant première langue d’enseignement dans le second cycle du secondaire. À partir de la sixième année primaire, les petits Malgaches doivent apprendre une langue étrangère, le plus généralement l’anglais. Dans le supérieur, la langue d’enseignement est à 100 % le français. Ce qui réserve la réussite de ces études à une élite maitrisant la langue de Molière.
La culture
Institution culturelle emblématique de la capitale, l’Institut français de Madagascar est l’un des principaux leviers (voire le principal) de la francophonie dans la Grande Ile. « L’appui à la francophonie et à l’enseignement du et en français est une priorité au regard de la dégradation de la pratique de la langue française à Madagascar », précise son directeur, François Maugrenier. Le dispositif culturel français est imposant avec pas moins de 29 Alliances françaises réparties sur tout le territoire. Une offre exceptionnelle d’activités culturelles et formations linguistiques. À Tananarive, la volumineuse médiathèque et la grande salle de projection de l’Institut attirent beaucoup de monde, dont de nombreux étudiants, puisque le pays ne dispose ni d’une bibliothèque publique ni même d’un cinéma.
La littérature
Parmi les auteurs malgaches, Michèle Rakotoson fait figure de proue. Cette romancière, dramaturge, professeur de lettres, a longtemps travaillé à RFI, collaboré à RFO-AITV, et dirigé la partie littéraire de la Revue noire. En 2008, elle a fondé Opération Bokiko, association favorisant l’émergence de jeunes écrivains malgaches. Elle a reçu, en 2012, la grande médaille de la Francophonie décernée par l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre centrée essentiellement sur la recherche de la culture et de l’identité malgaches. En 2023, elle s’est vu décerner le Prix Orange du livre en Afrique, pour son roman « Ambatomanga, le silence et la douleur » qui revient sur l’invasion de Madagascar par la France. « Par ce roman, j’ai voulu que tout le monde comprenne ce qui s’est passé lors de cette époque complexe et douloureuse. » Et d’ajouter : « Pour moi, ce Prix est la consécration de toute une vie qui a été vouée à l’écriture, la mienne et celle des autres ».
On l’aura compris, les relations de Madagascar par rapport à la langue française, à la France et à la Francophonie auront toujours été (et seront sans doute encore longtemps) tributaires des aléas de la situation politique et des dirigeants malgaches.