Herménégilde Razafitsihadinoina est un nom connu dans l’univers du film court à Madagascar. Son œuvre Coups de hache pour une pirogue a été primée Zébu d’or l’année dernière, dans la section documentaire. Cette année, il revient en force avec Le Périple du café, un film de 28 mn 42, en lice dans la même catégorie.
Tout commence dans le petit village d’Ambalarano, une commune rurale de Sandravinany, du district de Vangaindrano, au Sud-Est de la Grande île. Le Périple du café débute au cœur d’une petite communauté de cette région, loin du monde urbain et où des gens simples se contentent de vivre de moyens rudimentaires. Dans ce village, les produits de premières nécessités sont à procurer à 70 km de là.
Le riz, l’huile, le savon et surtout le sel sont devenus, du coup, des produits de luxe.
Herménégilde Razafitsihadinoina, originaire de cette région, porte à l’écran l’importance du café dans l’économie des gens d’Ambalarano. Vendre le café pour avoir le sel, une histoire qui rappelle justement l’enfance de ce fils de Sandravinany. « Quand j’étais petit, j’ai passé mes vacances chez ma tante, dans ce village. Le mets n’était pas toujours salé, il fallait vendre le café dans le village de Manambondro pour pouvoir acheter le sel. Un trajet de quelques jours, un périple qui n’était pas facile. Vingt ans après, le style de vie est resté le même, c’est quand même incroyable », raconte le réalisateur.
Ces souvenirs se rapportant à des condition de vie assez inhabituelles pour les citadins ont nourri l’esprit « réalisateur » de Herménégilde Razafitsihadinoina. Il s’est donc fixé comme objectif de partager ce mode de vie à travers un documentaire relevant simultanément du social, de l’économique et du culturel. Le scénario éclaire donc une réalité de Madagascar que même beaucoup de Malagasy ignorent.
Derrière Le Périple du café, d’Ambalarano jusqu’à Manambondro, il y a bien évidement le périple de celui qui tient la caméra. Pour le réalisateur, cela commence par l’écriture de son scénario qui est travaillé et retravaillé selon son inspiration. Le lieu du tournage se trouvant à 1 200 km de Toamasina, là où il réside, la réalisation n’est pas évidente. « J’ai préparé les villageois d’Ambalarano par l’intermédiaire de mon frère qui habite à 30 km de là. En arrivant sur les lieux, il m’a fallu quatre jours pour gagner leur confiance, pour qu’ils ne regardent plus la caméra et qu’ils agissent le plus naturellement possible. Les villageois craignent les gens extérieurs qui se ramènent avec du matériel qu’ils n’ont jamais vus », confie Herménégilde Razafitsihadinoina.
La réalisation de ce genre de documentaire nécessite des investissements. Emporté par sa passion pour le cinéma, il avoue avoir déployé ses propres moyens pour réaliser ses précédents films. Toutefois, pour Le Périple du café, en adoptant une approche participative, il a pu obtenir les soutiens de quelques mécènes, convaincus de son travail. Il a effectivement eu l’ingénieuse idée de faire une projection privée de ce qu’il avait déjà réalisé. Séduit, le public l’a encouragé à poursuivre son rêve, en lui octroyant des dons. Dans un contexte restreint, le réalisateur a donc adapté le crowdfunding pour le financement de son projet, une approche encouragée par les professionnels du cinéma.
Ainsi, Herménégilde Razafitsihadinoina a pu réaliser son projet d’informer ces compatriotes et le monde entier sur le « vrai » visage de Madagascar.