Gnomiyiranbougou, un des quartiers périphériques de Bamako, la capitale du Mali. Moussa Konaté s’appuyant sur ses béquilles franchit le seuil du domicile familial et s’installe dehors sous un hangar de fortune qui lui sert de salon de coiffure.
Juste une natte, une chaise, un peigne à cheveux, une aiguille, des fils en caoutchoucs et un morceau de tissu pour couvrir ses jambes. Ce métier, Moussa le pratique depuis plus de 46 ans. Il fit ses débuts au Burkina Faso à bas âge avant de rejoindre le Mali. Auparavant il réalisait plusieurs modèles pour les jeunes filles qui nécessitaient l’utilisation de mèches artificielles et beaucoup d’énergie. Mais avec l’âge, Moussa abandonne ses modèles originaux au profit des modèles plus simples et classiques réalisés à l’aide des fils en caoutchoucs « Mananikoun » en langue bambara.
Ce jour-là, six fillettes et deux jeunes demoiselles attendent avec impatience leur tour. Une petite table sur laquelle sont étalées des friandises attire les tous petits du quartier qui n’hésitent pas à se servir sans rien débourser. Le papa modèle les taquine et les laisse faire avec un sourire généreux.
Handicapable
Moussa n’a jamais été à l’école. En cause : son handicap et le manque de moyens financiers de ses parents. Avec une mobilité réduite, il ne pouvait pas se rendre seul à l’école et ses parents n’avaient pas les moyens pour lui en garantir l’accès. C’est donc par un coup du hasard que le destin le conduit au métier de coiffeur. « J’ai découvert ma passion pour ce métier en voulant pomponner ma petite sœur. Contrairement à moi elle allait à l’école et moi je la coiffais chaque fin de semaine. Ses camarades appréciaient ses coiffures et me sollicitaient pour les tresser, tout est parti de là », se remémore Moussa.
« À l’âge de 4 ans, on lui a diagnostiqué la poliomyélite. Il a perdu l’usage de ses jambes par la suite. Mais mon frère est le plus brave et le plus indépendant d’entre nous. Grâce à son travail de coiffeur, il nous assiste et nous aide du mieux qu’il peut à joindre les deux bouts », témoigne Djeneba Bagayoko, sa grande cousine. Selon elle, la famille n’aurait jamais cru que Moussa allait pouvoir marcher avec des béquilles, construire une famille et avoir une source de revenus digne.
Il a constamment été victime de moqueries, entre ceux qui le qualifient de « mauviette » et ceux qui mettent en doute son orientation sexuelle, notre interlocuteur n’a jamais cédé. Selon lui ce qui compte, c’est son indépendance et son autonomie financière. Pour le reste à « un moment donné les gens vont se ressaisir », clame-t-il.
« Dans notre société, être une personne en situation de handicap est déjà un fardeau à trainer, pour beaucoup de personnes. C’est synonyme de faiblesse, nous sommes réduits à mendier et à trainer sur le trottoir. Ajoutez à cela mon activité qualifiée de “’travail de femme”’, vous aurez un bon cocktail de préjugés », nous explique -t-il. Toujours positif et ouvert au débat, Moussa Konaté exprime son opposition à la marginalisation des personnes vulnérables.
« Beaucoup de membres de notre association font de la mendicité, moi j’ai dit non à cela. Grâce à ce travail, j’ai gagné de quoi épouser une femme, entretenir mes quatre enfants et soutenir mes proches. Je ne suis pas mendiant, la mendicité n’est pas un métier », affirme-t-il. Avant d’ajouter sur un ton comique « je ne refuse pas de l’aide non plus ». Il a toujours bénéficié du soutien de ses parents jusqu’à leur décès, ce qui lui a permis d’affronter les regards malsains et critiques.
Aujourd’hui divorcé et père de 4 enfants dont le plus jeune à 19 ans, il nous confie avoir été seul à élever ses enfants. Son premier garçon est devenu agent de protection civile et il compte sur eux pour lui garantir une retraite digne. Car il faut le reconnaitre, la vieillesse commence à gagner du terrain.
Article écrit dans le cadre de la création d’un réseau international de jeunes journalistes enquêtant sur les Objectifs de développement durable afin de sensibiliser les populations au respect de ceux-ci.
Organisation Internationale de la Francophonie ; Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France) ; Ministère de la Francophonie (Québec) : Principauté d’Andorre.
Avec le soutien de l’École supérieure de journalisme de Lille (France) et de l’Institut francophone du Développement durable (Québec).