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Mangane, la patience d’un sage

Mangane, la patience d’un sage

31 octobre 2024 - par Arnaud Galy 
 - © Jean-Baptiste Millot
© Jean-Baptiste Millot

Il en a fait du chemin, le gamin de Thiès. Lui qui a grandi au son des musiques apportées par les gens du train. Les travailleurs maliens, mauritaniens, nigériens et sénégalais qui vendaient leur force de travail au centre ferroviaire et se retrouvaient dans sa maison familiale hospitalière. Son père, enseignant à l’école coranique et cheminot, n’en était pas moins amoureux des rythmes traditionnels, blues, jazz et cuivrés qui gagnaient leur place en cette période de décolonisation. Une ambiance musicale qui conduisit le gamin devenu grand au Conservatoire de Dakar, puis... arrivent les années 90.

Puis... en tournée avec Nakodjé, un groupe qu’il mène dans la verdoyante et grimpante Suisse. Guitare, balafon et percussions y trouvent leur public avant de traverser la frontière française. Limoges ! Oui, Limoges sera son fief. Mangane y rencontre une âme collective qui lui convient. Une ville tranquille et pourtant ouverte sur le monde. Le festival des « Francophonies  », aujourd’hui « les Zébrures » , entre autres. De là, il sillonne, va et revient, repart... multiplie les expériences, les concerts, s’essaye à toute opportunité artistique passante. Mangane s’autoproduit, ne renonce jamais même si la COVID lui savonna la planche...
Jusqu’à cette année 2024, année de ses 60 ans. Enfin un label, enfin un album qui jette à la face du monde musical un bon paquet de vérités : une carrière se construit malgré ce que l’industrie du disque tente de faire croire en activant la promotion de bébé-artistes autodidactes jetés et jetables, aux trajectoires d’étoiles filantes.
Ces derniers jours, Mangane propose au public, un stupéfiant Zoom Zemmat, en wolof teinté de Français et d’Anglais. De sa voix perchée, à l’instar des Grands frères du blues maliens ou de l’afrobeat nigérian, Mangane abat toutes ses cartes et rafle la mise. Toute une vie de musique, de concerts, d’apprentissages, de rencontres et de patience pour un feu d’artifice. Comme si le gamin de Thiès avait fait macérer en lui les musiques entendues depuis sa naissance, comme si les cordes, les peaux tendues et les cuivres s’étaient faites siennes, comme si les histoires de la vie quotidienne s’étaient transformées en épopées blues, comme si le Nigéria de la grande époque Femi avait rallié Limoges.

Car, oui, Mangane, pour réaliser ce moment de grâce est resté fidèle à Limoges. Enregistrement local. Des musiciens et une choriste, sur mesure, rassemblés par le label Laborie Jazz donnent une ampleur universelle à ce chant qui vient des tripes et d’un ailleurs envoûtant. Un tel bonbon « fait à Limoges », apporte sur un plateau la preuve que la musique existe au-delà de Paris, Londres et Berlin. Limoges, une fois de plus, se distingue aux yeux de ceux qui acceptent s’être trompés.
Mangane, citoyen d’honneur de la ville de Limoges, c’est pour quand ?

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