Remontons le temps. Années 80, en Côte d’Ivoire, au village, la petite Manou vit avec sa grand-mère. J’étais turbulente ! Facile à croire quand on la voit aujourd’hui jouer, passant du rire franc à l’émotion pure en un clin d’œil. Mais revenons au village, elle a alors 8 ans, tape sur toutes les casseroles et les assiettes qui passent à portée de paume et casse les oreilles des voisins. De sa grand-mère aussi sans doute, elle disait que j’allais la rendre sourde, mais que ne ferait pas une grand-mère aimante pour sa petite fille, à part l’encourager et la soutenir ? Tout ce qui peut servir de percussion passe entre les mains de la petite fille, puis de l’adolescente. L’apprentissage du terrain et le laisser-faire suffisent à lui donner les bases de ce qui va devenir par la suite de l’afro-funk assumé et maîtrisé. Pas d’école. Qu’importe. N’ayant pas de connexion avec les instruments modernes, les pauvres casseroles firent l’affaire...
« Avoir un don et travailler »
Hier soir, Manou Gallo, venue de Bruxelles où elle vit, faisait l’ouverture des Zébrures, accompagnée par ses musiciens belges et camerounais*. Quel chemin parcouru ! Parfaitement consciente que ce parcours est sinueux et piégeux, elle l’affiche pourtant volontiers en exemple pour ses petites sœurs africaines à qui elle souhaite de s’en inspirer. Les casseroles sont loin, aujourd’hui, la basse et le chant ont pris le relais. La basse, c’est le groove, c’est la rythmique et l’harmonique réunis, j’en joue comme si c’était une percussion. Je joue du tambour avec ma basse. À ceux qui s’étonnent de voir une femme à la tête d’un groupe, jouant de la basse, Manou Gallo répond sans détour que les femmes africaines ne sont pas condamnées à être chanteuses ou choristes ! Et toc !
Sur scène, Manou Gallo chante sa perception du monde et ses souvenirs d’enfance au village. Sa généreuse et intuitive grand-mère occupe une place de choix dans les mots énergisants qu’elle interprète avec la conviction de celle qui sait que si rien n’est impossible, il faut sérieusement bosser pour sortir de sa condition et s’offrir son espace de liberté. Défi accompli !
À écouter :
Afro Groove Queen (2018)
* Werther Yannick – guitare/Thomaere David – piano et clavier / Kassoung Tchango Amontete - batterie