POLITIQUE
La fin tragique, à un mois d’intervalle, de deux personnalités politiques a marqué cet hiver 2014. Celle de Ahmed Zaïdi, député socialiste farouchement opposé à Driss Lachgar, secrétaire général de l’USFP (Union socialiste des forces populaires) le 9 novembre, et celle de Abdalla Baha, ministre d’État, confident et bras droit du Premier ministre islamiste Abdelilah Benkirane, le 7 décembre. Les deux hommes ont péri chacun suite à un accident survenu pratiquement au même endroit : Oued Cherrat, au sud de Rabat. Des journalistes rappellent que le célèbre opposant à Hassan II, Mehdi Ben Barka avait failli y perdre la vie, lui aussi, le 16 novembre 1962, alors qu’il menait une campagne pour boycotter la première Constitution du pays. S’adressant au cours d’un meeting à Agadir, aux nombreux sympathisants de son parti consternés, Benkirane insinue, en versant de chaudes larmes (cela lui arrive souvent), que Baha a été victime d’un attentat, et que lui-même risque de subir le même sort, mais que, loin d’avoir peur, il est prêt à mourir « pour la cause de Dieu ». Une foule immense assistera aux obsèques de Zaïdi et de Baha.
Après la mort de son ami, le Chef du gouvernement semble atterré et terriblement seul. Quelques mois plus tard, il rebondit de façon impressionnante, en s’attaquant vigoureusement à ses adversaires politiques : Ilyas El Omari, figure de proue du PAM (Authenticité et Modernité, proche du Palais), Hamid Chabat, secrétaire général de l’Istiqlal, et Driss Lachgar, S.G. de l’USFP (socialiste), en les traitant, devant la Chambre basse, de voyous. Furieux, et en dépit de leurs divergences au niveau des principes affichés, les chefs de l’opposition constituent une délégation commune et prennent, d’un air résolu, le chemin du Palais pour se plaindre au roi des agissements du Premier ministre, offrant ainsi à leurs compatriotes, gracieusement et d’une manière inattendue, un spectacle digne des plus grands comiques. Ils seront fraîchement reçus par quelque conseiller du monarque.
Le Maroc compte une bonne trentaine de partis politiques. Un nouveau-né vient gonfler leurs rangs : les Néo-démocrates dirigés par Mohamed Darif, enseignant chercheur spécialiste des mouvements islamistes. De leur côté, les frondeurs socialistes quittent l’USFP et créent leur propre parti. Dans ce contexte, les notables, qui ont pris l’habitude de miser, en particulier à l’approche des élections, sur les formations politiques bénéficiant de la bénédiction du Makhzen, ne savent plus sur quel pied danser. Le Makhzen veut-il se débarrasser du PAM tant décrié, ou pense-t-il, au contraire, que ce groupe peut encore servir à quelque chose ?
Sur le plan diplomatique, les relations du royaume avec son voisin de l’Est demeurent passablement tendues. Ainsi, à l’occasion du 31e anniversaire de la Marche verte (6 novembre), Mohamed VI prononce un discours assez ferme à l’égard de l’Algérie, mais dénonce également le désir ardent de beaucoup de ses sujets de mener une vie de rentier. En décembre 2014, le Polisario brandit la menace de reprendre la lutte armée contre le Maroc. Puis au grand dam de cette organisation et de l’Algérie qui la soutient, l’ONU ne tient pas compte du rapport de l’OUA qui appelle à étendre le rôle du MUNORSO à l’observation des droits de l’Homme au Sahara. Le Conseil de Sécurité accepte même la demande du Maroc de recenser la population de Tindouf, où vivent des Sahraouis dans des conditions extrêmement difficiles.
Suite à la convocation de Abdellatif Hammouchi, directeur général la DST marocaine par la police française à un moment où il se trouvait à l’ambassade du Maroc en France, les rapports avec l’ancienne puissance coloniale passent, elles aussi, par une phase critique. En effet, Hammouchi faisait l’objet d’une plainte pour torture. Mais au lendemain des attentats contre Charlie, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, s’envole pour Paris et présente ses condoléances au président Hollande, tout en se gardant de participer à la grande manifestation du 11 janvier. De son côté, El Mostafa Ramid, ministre de la Justice et des Libertés finit par rencontrer son homologue Christiane Taubira. Les responsables marocains ne seront plus tracassés par la police française. Il est même question de décorer Hammouchi le 14 juillet. La brouille qui aura duré toute une année est oubliée. Lutte contre le terrorisme exige. Les deux états semblent bien privilégier l’approche sécuritaire. Enfin, sûr de lui-même et persuadé d’être réélu président de la République Nicolas Sarkozy, qui dispose de somptueuses demeures au sud du royaume, vante longuement le Maroc au cours d’une visite de deux jours en juin 2015.
D’autre part, jouant à merveille aux pyromanes et aux pompiers, les Américains lancent un appel aux pays arabes pour combattre Daech. Des avions de l’armée marocaine (F 16) participent au début de décembre 2014, à cette guerre, en bombardant les positions de Daech en Iraq et en Syrie. Le Maroc prêtera main-forte aussi à l’Arabie saoudite dans son combat contre les Houtis du Yémen, où un pilote des FAR (Forces Armées Royales) trouvera la mort en mai 2015. Précédemment, une manifestation dénonçant cette guerre devant le parlement à Rabat est dispersée à coups de matraque. Des militants se demandent ici, parfois naïvement, pourquoi certains états comme la France courtisent les riches pays du Golfe qui fourmillent de bailleurs de fonds des groupes obscurantistes et destructeurs.
Jusqu’à présent, malgré la répression, plusieurs centaines de jeunes Marocains continuent à aller brandir le drapeau noir de Daesh. Issus en majorité des régions du nord, où l’on cultive souvent du cannabis pour survivre, et où le taux d’analphabétisme et de chômage est assez élevé, leur nombre est estimé, fin décembre 2014, à 2000 jihadistes. Deux Marocains figurent parmi les terroristes coupables de l’attaque du musée Bardo à Tunis (18 mars 2015). Au cours du même mois, une cellule composée de six individus (colporteurs et marchants ambulants) ayant tissé des liens solides avec des chefs de Daech, est démantelée à Fès…
Pour faire face à cette situation, Ahmed Toufiq, ministre des Affaires islamiques, est tenté d’œuvrer à l’initiation des imams aux nouvelles technologies afin de les rendre capables de réfuter la propagande jihadiste qui exploite inlassablement Internet. Or, plusieurs voix s’élèvent pour signaler que même l’école, la radio et la télévision doivent être remises en cause, dans la mesure où ces institutions propagent des idées plutôt rétrogrades, excluant tout esprit critique. Ainsi, la philosophie est souvent considérée comme suspecte, sinon subversive. Tout se passe comme si l’on voulait former des ascètes résignés. On fabrique beaucoup de fanatiques.
- Quelque part à Chefchaouen (Flickr - josep castell)
ÉCONOMIE
Jusqu’en octobre 2014, le gouvernement tablait sur un taux de croissance de 4 %. Cet objectif semblait difficile à atteindre, en raison notamment du coût extrêmement élevé de la facture énergétique (le pays importe 90 % des hydrocarbures dont il a besoin) et de la conjoncture économique préoccupante en Europe, principal partenaire du Maroc.
Mais au début de l’hiver, la chute du prix de l’or noir se révèle particulièrement bénéfique tant au niveau de la Caisse de compensation que celui de la balance commerciale, dont le déficit commence à se réduire considérablement. Cependant, le tarif des carburants baisse peu à la pompe. Au contraire, celui du super augmente (10,35 dirhams dès le 1er avril 2015). C’est donc le gouvernement qui tire profit de cette situation.
- Eoliennes vers Tanger (Flickr - amina tagemouati)
D’autres facteurs permettent d’envisager une reprise de la croissance. Ainsi, grâce à une pluviométrie favorable, la campagne agricole s’annonce assez satisfaisante. L’exportation des phosphates aboutit à la réduction du déficit commercial de 37 %. Le pays accueille entre 8 et 10 millions de visiteurs (dont 4 millions de Marocains résidant à l’étranger). Selon l’Office des changes, d’autres secteurs participent remarquablement à la réduction du déficit commercial : automobile (usine Renault à Tanger), aéronautique (fabrication de câblages et réparation de réacteurs d’avion) et électronique (confection de composants et montage de cartes électroniques), dont les produits sont destinés fondamentalement aux pays européens. Au niveau de la téléphonie mobile, le nombre des abonnés atteint 44 millions en 2014. Ajoutons que l’industrie pharmaceutique est en plein essor. Le royaume compte actuellement 35 usines pharmaceutiques dont le chiffre d’affaires s’élève à 5 milliards de dirhams. Ce secteur emploie 37 000 personnes et exporte ses produits vers l’Europe, le Monde arabe, l’Asie et l’Afrique. Il faut ajouter qu’au lendemain d’une campagne menée tambour battant contre la fuite des capitaux, l’État parvient à récupérer au terme de l’année 2014, la coquette somme de 18 milliards de dirhams. De son côté, la Bourse de Casablanca finit l’année 2014 à la hausse.
Le Maroc devient, par ailleurs, le second investisseur au niveau du continent noir, juste derrière l’Afrique du Sud, même si ses relations économiques se limitent souvent aux pays africains francophones. En effet, il investit notamment au Mali, en Côte d’Ivoire et au Gabon dans différents domaines tels que les banques, la téléphonie, l’immobilier et l’agriculture.
Cependant, le tourisme commence à battre de l’aile (suite aux attentats en Tunisie) au même titre que l’immobilier, alors que le nombre des demandeurs d’emploi augmente. Il atteint au début de février 2015 un million huit cent mille personnes, touchant essentiellement les jeunes entre 15 et 24 ans et les diplômés, y compris les lauréats des écoles professionnelles. Cela n’empêchera pas la Chambre des représentants de consacrer 200 millions de dirhams aux indemnités des députés, et autant aux travaux d’innovation du bâtiment du parlement.
En somme, les signes de reprise économique sont là, mais comme le reconnaît Benkirane, qui s’évertue à séduire les investisseurs des pays du Golfe, cette embellie n’est pas profitable à tout le monde. Le gouvernement majoritairement islamiste pratique une politique libérale sur le plan économique et typiquement conservatrice sur le plan social, les ministres affiliés au PJD se montrant souvent d’une pudibonderie quasi burlesque. D’ailleurs, si le FMI et le patronat semblent satisfaits, les étudiants, les veuves et les divorcées doivent se contenter de miettes, alors que le tarif de l’eau et de l’électricité flambe même pour les ménages au revenu modeste. De surcroît, l’état continue à se retirer de bon nombre de secteurs essentiels, tels que la Santé et l’Enseignement.
Il faut reconnaître, cependant, que contrairement aux gouvernements précédents, l’équipe actuellement au pouvoir, a eu le courage de s’attaquer à deux problèmes majeurs : la Caisse de compensation et la Caisse des retraités. De plus, Houcine Louardi, ministre de la Santé (« communiste »), s’est efforcé de faire baisser le prix de nombreux médicaments. Il a également fait évacuer l’infernal sanctuaire de Bouya Omar, dans la région de Marrakech, où des charlatans, qui prétendaient soigner des malades mentaux, exploitaient la détresse de beaucoup de familles en les ruinant.
- 70% des 34 millions de Marocains vivent en ville (Flickr - Hernan Pinera)
Par ailleurs, les résultats du dernier recensement de la population sont rendus publics en mars 2015. Le royaume compte désormais 34 millions d’habitants, dont 70 % sont installés dans les villes. Le taux de croissance de la population a baissé (1, 25 % alors qu’il était de l’ordre de 1, 38 %), mais l’écart se creuse de plus en plus entre le « Maroc utile » et le « Maroc inutile »
SOCIÉTÉ
En septembre 2014, un véritable bras de fer oppose le Ministère de l’Intérieur aux associations de droits de l’Homme, dont les militants se disent sous pression. Cependant, à la veille de la 2e édition du Forum international des droits de l’Homme, tenue à Marrakech entre le 27 et le 30 novembre 2014, un tribunal administratif condamne le ministère de l’Intérieur à verser la somme de cent mille dirhams à l’AMDH, dirigée par Khadija Riyadi lauréate 2013 du prix des Nations unies pour la cause des droits de l’homme, et annule la décision d’interdiction de cette association. Ce forum sera, pourtant, boycotté par de nombreux militants afin de dénoncer ce qu’ils estiment être une régression manifeste dans ce domaine.
Le torchon brûle davantage entre les deux parties en décembre de la même année. L’AMDH (Association marocaine des droits de l’homme) est accusée de recevoir 6 millions de dirhams de l’étranger et de faire le jeu des « ennemis de la Nation et de l’intégrité territoriale du royaume ». Vers la même période, la Fédération internationale des droits de l’homme publie un rapport nuancé sur le Maroc : certes, des progrès ont été réalisés, mais beaucoup de chemin reste à faire. Il s’agit notamment d’abolir la torture et de cesser de persécuter des journalistes et des militants. En février 2015, des policiers font irruption dans les locaux de l’AMDH pour expulser 2 journalistes de France 3. Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, approuve cette démarche, conforme, d’après lui, à la loi.
Mais même certains partis, y compris dans la majorité, manifestent leur méfiance à l’égard du ministère de l’Intérieur. En effet, le PJD, au pouvoir, l’Istiqlal et les socialistes de l’USFP, dans l’opposition, se demandent, avec anxiété, si ce ministère n’est pas tenté de renouer avec les vieilles habitudes héritées notamment de Driss Basri, redoutable bras droit de Hassan II, qui se livrait à des fraudes massives lors des élections.
De leur côté, 28 des 33 syndicats que compte le royaume déclenchent une grève générale le 29 octobre 2014 pour protester contre les décisions unilatérales du gouvernement concernant le régime des retraites (retraite à 65 ans pour les enseignants, par ex.) et exiger une augmentation des salaires de 20 %. Le débrayage sera suivi à 80 % selon les organisateurs, et à 40 % d’après le gouvernement. Mais, à l’instar de la Banque mondiale, Benkirane estime que la masse salariale est déjà excessive au Maroc. Pour désavouer ce blocage, les principales centrales syndicales décident de boycotter les manifestations du 1er mai.
D’autre part, excédées par les multiples propos misogynes du chef du gouvernement, des militantes féministes crient leur colère, le 24 juin 2015, en face du parlement. Repérés par une manifestante, Lachgar et Chabat, qui ont pu se faufiler on ne sait comment au milieu de la foule, seront chassés sans ménagement. Habitués à faire feu de tout bois, les deux hommes voulaient, visiblement, récupérer aussi ce mouvement.
En mars 2015, le débat sur l’avortement témoigne de l’abime séparant les partisans de l’IVG (Louardi, ministre « communiste » de la Santé, et l’infatigable Mme Chenna, notamment) et leurs adversaires (tels que l’ancien ministre islamiste des Affaires étrangères, le psychiatre El Othmani, par ex.). Là encore, c’est le roi qui tranche : l’avortement ne sera permis que dans des cas de force majeure : malformation du fœtus, inceste… Les libéraux seront déçus, également, par le maintien de la peine de mort. Le journaliste Taoufik Bouachrine leur rappelle que leurs représentants ont bien voté, à la Chambre des députés, une loi autorisant l’état-major des armées à prononcer la peine capitale dans différentes situations.
Toujours en mars de la même année, la Cour des comptes, dirigée par l’économiste et ancien Premier ministre Driss Jettou, publie un rapport accablant sur les irrégularités et dysfonctionnements de la gestion du groupe immobilier Addoha, et surtout de la ville de Casablanca : enrichissement illicite, sous-traitance douteuse, dépenses exorbitantes dépassant les moyens disponibles… Mais jusqu’à présent, ce type de rapports n’est jamais suivi d’effet.
Autre scandale : des directeurs de la société immobilière Al Omrane s’emparent de terrains donnant sur l’Atlantique, au sud de Rabat, après en avoir fixé eux-mêmes le prix d’achat. D’anciens ministres sont soupçonnés d’avoir profité pleinement de cette aubaine…
Un numéro vert est mis par le ministère de la Justice au service des victimes de la corruption. Cela permet d’empoigner, de temps à autre, quelque fonctionnaire véreux…
Par ailleurs, des faits relatifs aux mœurs défraient la chronique. Ainsi, dans un pays où la polygamie a tendance à disparaître, deux ministres islamistes, follement amoureux l’un de l’autre, M.Choubani (qui a déjà une première épouse) et Mme Benkhaldoun (fraîchement divorcée) s’avisent de convoler en justes noces. Ils seront invités à présenter leur démission. Puis, suite à la diffusion sur YouTube d’extraits du dernier film de Nabil Ayouch, Much loved sur la prostitution à Marrakech, les réseaux sociaux s’emballent. Choqués par les propos résolument crus des personnages féminins et l’aspect jugé pornographique de ces séquences, des internautes se déchaînent et profèrent même des menaces de mort à l’encontre du réalisateur et des actrices ! Khalfi, ministre islamiste de la Communication interdit le film. Cependant, toute la majorité ne parle pas de la même voix. Ainsi, tout en regrettant que le metteur en scène privilégie, dans ce long métrage, le sordide au détriment de l’esthétique, Benabdallah, ministre de l’Habitat (« communiste »), se dit hostile à la censure. D’autres épisodes viennent exacerber les tensions entre « modernistes » et conservateurs : la seconde chaîne de télévision publique marocaine retransmet en direct, à l’occasion du Festival international Mawazine, rythmes du monde à Rabat, un spectacle de chant et de danse passablement érotique de la sensuelle chanteuse américaine Jennifer Lopez. Benkirane somme la HACA (Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle) présidée par Mme Lemrini, une ancienne militante de gauche, de s’expliquer. Elle rejette sa requête. Quelques jours plus tard, deux activistes homosexuelles du mouvement femen s’embrassent, en exhibant leurs seins nus, sur l’esplanade du mausolée Mohamed V, au cœur de la capitale. Puis lors d’un autre concert à Rabat, le chanteur suédois Stefan Olsdal montre sur scène son torse nu où il a barré le numéro de l’article du Code pénal marocain proscrivant l’homosexualité. Le 14 juin, dans un souk à Inezgane, près d’Agadir (sud-ouest), deux jeunes filles font appel à la police pour les protéger d’une foule qui les trouve trop légèrement vêtues. Elles seront embarquées et subiront une garde à vue de vingt-quatre heures. La société civile se mobilise en leur faveur, fait signer une pétition dénonçant la dérive liberticide, organise des marches dans diverses villes, pendant que plusieurs avocats s’engagent à défendre les deux victimes. Vers la fin du même mois, un travesti est lynché sur la voie publique à Fès, par une horde d’excités. Deux de ses agresseurs sont arrêtés pour être jugés par un tribunal.
Concernant le problème de l’immigration, le ministère de l’Intérieur annonce, en février 2015, la régularisation de la situation de 28 000 Subsahariens, mais aussi sa détermination à ne plus tolérer la mise en place de nouveaux campements illégaux comme ceux qui se trouvent près de Ceuta et de Melilla. De même, les autorités dispersent un regroupement d’étrangers rêvant, apparemment, d’accéder à ces deux villes, encore sous domination espagnole. Madrid s’en réjouit.
Enfin, l’hécatombe continue sur les routes et ailleurs : un camion transportant clandestinement du carburant (qui coûte moins cher au Sahara) percute en avril 2015 un bus, dans la région de Tan-Tan, au sud du Maroc. Bilan : 34 morts, en majorité des enfants. Dix autres enfants membres d’un club de sport meurent, début juin, emportés par un courant à Oued Cherrat, entre Rabat et Casablanca.
CULTURE
Le 20 septembre 2015, le journaliste et écrivain Réda Dalil reçoit à Marrakech, pour son livre Le Job (Ed. Le Fennec, 2014) le prix littéraire de la 5e édition de la Mamounia, destiné au meilleur roman francophone de l’année. Puis en décembre, cet ouvrage obtient le prix Gros Sel du Public, en Belgique. En octobre, le prix Grand Atlas couronne Nos plus beaux jours, récit de Moha Souag (Ed. de Sirocco, Casablanca, 2014). En outre, la Bibliothèque nationale du royaume du Maroc à Rabat organise la Nuit de la philosophie (21 — 22 novembre 2014). Quant à la 12e édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Casablanca (13 – 22 février 2015), elle accueille des éditeurs venus de quarante pays différents. L’invité d’honneur de cette édition est la Palestine.
Au niveau du 7e art, le Festival international des films de femmes a lieu à Salé, près de Rabat, en septembre 2014. La 14e édition du Festival international du film de Marrakech (5-14 décembre 2014) est présidée par Isabelle Huppert. Les longs métrages en compétition représentent divers pays : Japon, États-Unis, Suisse, Inde, Russie, France, Iran, Corée du Sud, Serbie, Égypte… Corrections Class du Russe Ivan Tverdovsky remporte l’Étoile d’or. En marge de cet événement, des cinéastes pilotent des ateliers de cinéma d’animation au profit d’un groupe d’étudiants. La ville de Meknès accueille, de son côté, les artistes invités à la 4e édition du Festival des courts-métrages (26 — 28 décembre 2014) et à la 14e édition du Festival international du cinéma d’animation (FICAM) (20-23 mars 2015). Par ailleurs, des cinéastes représentant 16 nations participent à la 21e édition du Festival international du cinéma des pays méditerranéens à Tétouan (28 mars-4 avril 2015).
Parmi les films marocains réalisés récemment, en dehors de celui de Much loved de Nabil Ayouch sur la prostitution à Marrakech, on peut citer La Danse du monstre de Majid Lahcen (la pédophilie et l’inceste), Formatage de Mourad El Khaoudi (les victimes du charlatanisme à Bouya Omar), Derrière les portes closes de Mohamed Ahed Bensouda (le harcèlement sexuel dans les administrations), L’Orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir (musique et années de plomb), Chaïbia, la paysanne des arts de Youssef Britel (biographie d’une artiste peintre autodidacte). Autres exemples : Les feuilles mortes de Younès Reggab, Fièvre de Hicham Ayouch, Aïda de Driss Lemrini… Mais l’une des œuvres les plus originales est, incontestablement, C’est eux, les chiens de Hicham Lasri, un road movie sur le Printemps arabe.
Concernant le domaine de la musique, de nombreux festivals sont organisés dans différentes villes : Mawazine, rythmes du monde à Rabat (29 mai-6 juin), jazz à Tanger (9-13 septembre) et à Casablanca (18-23 avril), Gnaoua à Essaouira (14-17 mai), Musiques sacrées à Fès (22-30 mai), raï à Oujda (août 2015)…
SPORTS
En raison de l’épidémie d’Ebola, le Maroc demande, en octobre 2014, de reporter d’un an la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) qu’il était censé organiser en 2015. Irritée, La CAF (Confédération Africaine de Football) exclut les joueurs marocains de la CAN 2015. En revanche, la Guinée équatoriale accepte d’abriter cette manifestation sportive. En février 2015, la CAF condamne le royaume à payer une amende de 9 millions d’euros et suspend l’équipe nationale des CAN 2017 et 2019. La Fédération marocaine de football saisit alors le TAS (Tribunal de l’arbitrage sportif) qui annule les lourdes sanctions prises à l’encontre du Maroc tenu de payer juste 50 000 dollars.
Le 10 décembre 2014, débute à Rabat la Coupe du monde des clubs. Le Maghreb de Tétouan (MAT) est éliminé suite à sa défaite face à Oakland City New Zélande (4 à 3). Le 13 décembre Cruz Azul (Mexique) affronte Western Sidney Wanderers (Australie) au complexe sportif Moulay Abdallah. Au bout de quatre heures de pluie, la pelouse se transforme en immense flaque d’eau. Pourtant 2 200 000 dirhams ont été dépensés pour améliorer l’état de ce complexe. Un scandale. Montré du doigt, Mohamed Ouzine, ministre de la Jeunesse et des Sports, reste insensible aux critiques. Le Real Madrid affrontera San Lorenzo, venu d’Argentine (2 à 0) à Marrakech et sera sacré champion du monde. De retour d’une tournée en Turquie et dans les pays du Golfe, le monarque destitue Mohamed Ouzine, le 7 janvier 2015.
Le 1er mai 2015, le Raja de Casablanca s’incline devant l’Entente de Sétif, en Algérie, après une séance de tirs au but (2-2, 4-1) et se trouve, par conséquent, éliminé des huitièmes finales retour de la Ligue des champions d’Afrique. La rencontre est vite suivie de bagarre entre les supporters des deux équipes et d’intervention musclée de la police. Mais le 12 juin 205, Les Lions de l’Atlas infligent une défaite à la Libye au Grand stade d’Agadir (1 à 0). Aussi le Maroc occupe-t-il la première position du groupe F des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations de football.
Les stades deviennent parfois des lieux de violence et de vandalisme au point que la Fédération marocaine de football se trouve contrainte de sévir contre certains clubs et leurs supporters. Ainsi, le 20 octobre 2014, les FAR (Forces armées royales) seront obligées de jouer trois matchs sans public et de payer 30 000 dirhams d’amende.
On peut signaler comme autres événements sportifs la course cycliste Tour du Maroc (du 3 au 12 avril 2015), la 31e édition du Marathon des sables (8-18 avril 2015) et le Rallye des gazelles (mars 2015).
Ajoutons, enfin, qu’en mai 2015, Nadia ben Bahtane, une habituée de la natation en eau libre, traverse le détroit de Gibraltar (16 km) en 4 heures 18 secondes.
BIBLIOGRAPHIE
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– Edmond Amran El MALEH, Lettres à moi-même, Le Fennec, Casablanca, 2010
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– Mohamed HMOUDANE, Le Ciel, Hassan II et Maman France, Éditions de la Différence, 2010.
– Mohamed HMOUDANE, Plus loin que toujours, Al Manar, Neuilly-sur-Seine, 2015.
– Driss KSIKES, L’Homme qui descend du silence, Al Manar, 2015
– Fouad LAROUI, Les Tribulations du dernier Sijilmassi, Julliard, 2014.
– Fouad LAROUI, D’un pays sans frontières, Zellige, 2015.
– Fouad LAROUI, Les Noces fabuleuses du Polonais, Julliard, 2015.
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– Jean-Claude MARINEZ, Le Roi stabilisateur, Jean-Cyrille Godefroy éditions, Paris, 2015.
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– Moha SOUAG, Nos plus beaux jours, Éditions du Sirocco, Casablanca, 2014.
– Abdellah TAÏA, Un Pays pour mourir, Le Seuil, 2015.