- Le président Enrique Peña Nieto (Flickr - Cancilleria Peru)
POLITIQUE
Le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) est revenu au pouvoir en 2012, soulevant des espoirs rapidement déçus. Le président Enrique Peña Nieto, dans lequel le Times Magazine voyait en février 2014 « le sauveur du Mexique », peine à convaincre et à faire avancer sa politique réformiste dans un pays miné par la violence, la corruption et l’impunité.
Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, une soixantaine d’étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa qui se préparaient à participer à la commémoration du massacre du 2 octobre 1968 ont fait l’objet d’une violente attaque par la police locale d’Iguala, dans l’État du Guerrero. Au cours de cet assaut, au moins six personnes ont trouvé la mort et 43 étudiants ont été portés disparus. Malgré l’arrestation d’une centaine de personnes impliquées dans l’enlèvement et le possible meurtre des étudiants, la version officielle soulève de nombreux doutes. Dans son quatrième rapport rendu en juin 2015, le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants qui participe à l’enquête insiste sur l’importance de recueillir les témoignages des militaires. Les manifestations pointant la responsabilité de l’État et exigeant que les étudiants soient retrouvés vivants se poursuivent toujours à l’échelle nationale et internationale, près d’un an après les événements. L’affaire Iguala est devenue une caisse de résonance des nombreux problèmes du pays. Elle a mis en évidence la décomposition politique des partis, mis à mal lors des élections législatives de juin 2015 : même si le PRI a conservé sa majorité à la Chambre des députés, les trois principaux partis – PRI, PAN (Le Parti action nationale) et PRD (Parti de la Révolution Démocratique) – ont vu leurs résultats reculer. Malgré des violations avérées et récurrentes aux règles électorales, le Parti Vert Écologiste du Mexique (PVEM) n’a reçu que des sanctions mineures. Pour sa part, le parti de gauche Mouvement de Régénération Nationale (Morena), créé en juillet 2014, a réussi une percée significative, devenant ainsi la 4e force politique au Parlement et la 1re dans la capitale.
- Une économie à plusieurs vitesses (Flickr - Mark Nye)
ÉCONOMIE
Les initiatives lancées depuis 2012, ajoutées à la reprise de l’économie des États-Unis – destination de 80 % des marchandises mexicaines exportées –, avaient fait croire à certains analystes que « le moment Mexique » était venu. Les réformes entreprises, très contestées, incluaient quatre grands secteurs : télécommunications, finances, fisc, énergie, auxquels s’ajoute aussi l’éducation. À mi-parcours du sexennat présidentiel en cours, plusieurs de ces réformes n’ont pas encore pu être mises en place. Celles qui ont été approuvées ne sont pas encore toujours appliquées, et celles qui sont allées de l’avant n’ont pas obtenu les résultats escomptés. D’après le Conseil National d’Évaluation de la politique de développement social (Coneval), entre 2012 et 2014, la population vivant sous le seuil de pauvreté, loin de diminuer, est passée de 53,3 à 55,3 millions de personnes, soit 46,2 % de la population totale.
La réforme énergétique, marquée notamment par la fin du monopole public sur l’exploitation du pétrole (août 2014) n’a pas apporté les bénéfices attendus. En juillet 2015, les premières enchères pétrolières pour l’exploration en eaux peu profondes ont échoué et leurs conditions ont dû être revues à la baisse, d’autant plus que les cours internationaux du pétrole mexicain se sont effondrés en un an, dégringolant de plus de la moitié entre 2014 et 2015.
La réforme fiscale a alourdi les charges et les frais de gestion des contribuables captifs, obligés de faire des investissements importants pour s’aligner sur les nouvelles exigences. Les grandes corporations continuent quant à elles de bénéficier d’un régime d’intégration fiscale très favorable, avec un impôt sur le revenu toujours plafonné à 30 %.
Dès février 2015, les dépenses gouvernementales ont dû être revues dramatiquement à la baisse, et les ménages ont vu diminuer un pouvoir d’achat déjà mal en point. La tendance se poursuit avec la forte dépréciation du peso, passé de 13,00 à 16,30 pesos pour un dollar entre juillet 2014 et juillet 2015.
Les défis de l’économie mexicaine sont nombreux : six emplois sur dix y relèvent de l’informel ; les salariés sont très majoritairement sous-payés ; le secteur agricole dépérit ; la balance commerciale souffre d’un déficit chronique ; les catastrophes naturelles sont nombreuses et souvent mal gérées (par exemple les ouragans, dont l’un a ravagé la Basse-Californie en septembre 2014) ; des désastres provoqués par des entreprises peu soucieuses de l’environnement entraînent d’énormes coûts économiques et sanitaires (contamination de trois rivières dans le Sonora en août 2014 et du lac de Cajititlan au Jalisco un mois plus tard, par exemple). Les coûts associés à la violence plombent également l’économie du pays : un rapport publié en mars 2015 par l’Institut pour l’économie et la paix estime ce coût à plus de 17 % du PIB.
- A chacun sa violence... (Flickr - Angeloux)
SOCIÉTÉ
Le Mexique vit une grave crise des droits de l’homme. Des dizaines de milliers de personnes sont actuellement portées disparues sans qu’il en existe un registre fiable ; le « féminicide » est devenu un fléau (six femmes seraient assassinées chaque jour, d’après l’ONU) ; et 10 villes mexicaines sont classées parmi les plus meurtrières au monde. En septembre 2014, Amnesty International déposait un rapport accablant sur le Mexique, pointant du doigt l’implication de l’armée et des forces de l’ordre dans de trop nombreuses exactions. D’après l’étude menée par World Justice Project et publiée en 2015, le Mexique occupe la 79e place sur 102 en fonction de son état de droit, et la 99e du point de vue de la sécurité.
En 2014-2015, la lutte contre les cartels de la drogue a donné lieu à plusieurs arrestations importantes, dont celles de plusieurs leaders : Héctor Beltrán Leyva, Servando Gómez, Omar Treviño. Cependant, dans la même période, la libération inexpliquée d’autres narcotrafiquants, dont Sandra Ávila Beltrán et, surtout, la fugue rocambolesque du baron de la drogue Joaquín « el Chapo » Guzmán en juillet 2015, ont sérieusement terni les résultats de ce même combat. Pour répondre au climat d’insécurité, des groupes d’autodéfense se sont organisés dans plusieurs régions du pays, donnant lieu à divers conflits.
Le journalisme est aujourd’hui au Mexique une profession à très haut risque. Un rapport rendu par « État de censure » relève que toutes les 26,7 heures un journaliste est agressé dans le pays. Plusieurs journalistes ont été brutalement assassinés. La journaliste Carmen Aristegui – très reconnue par son professionnalisme et classée par la revue Forbes parmi les 10 femmes les plus puissantes en 2015 – et plusieurs membres de son équipe ont été licenciés de la chaîne radio MVS en mars 2015, suite à la diffusion de reportages sur un probable conflit d’intérêts impliquant des proches du président.
Une note positive pour clore cette section : en juin 2015, une nouvelle jurisprudence de la Cour Suprême autorise à l’échelle nationale le mariage des couples homosexuels. Reste à harmoniser les législations locales puis à garantir l’application de la loi.
- Une fresque sur le site de Calakmul (Flickr - Daniel Mennerich)
CULTURE
33 sites au Mexique sont reconnus par l’UNESCO sous la déclaration du Patrimoine Cultural de l’Humanité, dont le site maya de Calakmul, situé dans l’État du Campeche, inscrit au Patrimoine mondial mixte de l’UNESCO en août 2014. La richesse archéologique du pays est loin d’avoir dévoilé tous ses secrets : en juin 2015, l’Institut National d’Anthropologie et Histoire (INAH) déclare avoir découvert à Tonina (Chiapas) une pyramide plus haute que celles de Teotihuacan.
La culture contemporaine porte également de beaux fruits : pour preuve, Birdman, film anglophone du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu a raflé en février 2015 quatre Oscars (meilleure photographie, meilleur scénario original, meilleur réalisateur, meilleur film de l’année), une semaine après que le long-métrage 600 Millas, du réalisateur Gabriel Ripstein, ait remporté le prix du meilleur premier film de la Berlinale.
Les spectateurs mexicains ont découvert en 2015 au musée Tamayo une rétrospective consacrée à l’artiste belge Francis Alÿs et au Palais des Beaux-Arts, la première grande rétrospective posthume de l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson.
FRANCOPHONIE
2015 aura été une année faste pour la francophonie au Mexique en général et pour les relations franco-mexicaines en particulier. Après une période houleuse cristallisée par l’affaire Cassez, les relations bilatérales se sont nettement améliorées fin 2012, avec notamment la création d’un conseil stratégique qui a permis de relancer la coopération bilatérale. Après la visite en avril 2014 du chef de l’État français au Mexique, le président mexicain s’est rendu en France en juillet 2015 – il avait visité la Belgique un mois avant –, accompagné de plus de 80 délégations mexicaines. Dans ce cadre, 60 accords de coopération ont été signés, dont de nombreux accords commerciaux – signe du souci de diversification des échanges économiques –, mais aussi des accords universitaires pour la recherche et l’innovation, qui font suite au portail dédié http://www.ctifranciamexico.com/ créé en mars 2015.
Toujours en mars 2015, la plus grande université du Mexique et d’Amérique latine, l’UNAM (Universidad Nacional Autónoma de Mexico), a ouvert à Paris son antenne européenne, le Centre d’études mexicaines. En décembre 2014, l’UNAM avait adhéré à l’association mondiale d’universités francophones, l’Agence universitaire de la francophonie, au même moment où le Mexique est devenu membre observateur de la Francophonie. L’ouverture à la francophonie ne date pas d’hier : fin 2014, l’Institut Français d’Amérique latine a soufflé sa 70e bougie, tandis que la Délégation générale du Québec au Mexique fête en 2015 son 35e anniversaire, et la Journée mondiale de la francophonie est célébrée au Mexique depuis 2005.
La France sera la première nation à être invitée d’honneur à la Foire internationale du livre jeunesse (FILIJ) qui aura lieu en novembre 2015 et les auteurs québécois étaient quant à eux nombreux à la Foire internationale du livre de Guadalajara (décembre 2014). Ces échanges culturels fonctionnent dans les deux sens : les Français ont ainsi pu profiter entre octobre 2014 et février 2015 d’une superbe exposition sur les Mayas organisée au Musée du Quai Branly, à Paris, et le projet d’une Maison du Mexique en bord de Seine avance favorablement.
2014 aura également été l’année du déconventionnement du Lycée Franco-Mexicain – qui accueille près de 3500 élèves dans ses trois établissements –, et celle d’une nouvelle école française à Mexico, l’École Alexandre Dumas.