Quand les jeunes femmes s’investissent pour leur autonomie financière
Habitante du quartier Aéroport à Niamey, la capitale du Niger, Maryam Sani, surnommée Mary, est à 30 ans cheffe de famille suite au décès de son père. Titulaire d’une licence professionnelle en communication des entreprises, sans attendre comme certains jeunes diplômés, un hypothétique recrutement par l’État, elle a pris l’initiative de s’auto employer. La jeune femme prépare et vend des beignets et des frites d’igname à la devanture d’une école de la capitale. « Je me suis inspirée de notre voisine vendeuse de nourriture et je me suis lancée dans cette activité qui me permet de subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. J’envisage d’ouvrir mon restaurant spécialisé en beignets et en ignames d’ici peu de temps », a-t-elle confié.
Comme Mary, de plus de plus des jeunes nigériens s’illustrent au travers d’initiatives pour faire face au manque d’emploi et au chômage. Même si ces dernières années le Niger a enregistré des progrès au niveau de la baisse des inégalités, le taux de pauvreté de la population reste encore très élevé, environ 45.41 %. Cela est lié à la configuration du marché de l’emploi qui constitue un des défis majeurs pour le pays. Le document sur le Plan du Développement Economique de 2017-2021 révèle que le taux de chômage est en hausse. Passé de 13 % en 2011 à 17 % en 2014, et l’incidence chez les femmes est plus forte que chez les hommes avec des niveaux respectifs de 28,9 % et 4, 4 % en 2014. La situation est également plus marquée chez les jeunes avec un taux de chômage de 23.7 % pour la tranche d’âge de 15 à 29 ans. Quant au sous-emploi, il affecte 68.4 % de la population active et en milieu rural il affecte 70.4 %.
Dans le cadre de la mise en œuvre du programme de gouvernance du président Mohamed Bazoum, dit programme de renaissance acte III, dès le lendemain de son installation le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou, avait fait une annonce. C’était en mai 2021 à l’occasion de la présentation et du vote de la Déclaration de Politique Générale du gouvernement. Il s’agissait d’insérer 500.000 jeunes dans le circuit de l’entrepreneuriat. Pour ce faire, le gouvernement incite les jeunes vers l’entrepreneuriat dans les secteurs agricoles, la transformation agroalimentaire et le numérique à travers notamment le concours E Takara.
Les initiatives poussent…
Au Niger, ainsi que dans d’autres pays de la sous-région, l’entrepreneuriat suscite de plus en plus d’engouement. Des hommes et des femmes se battent corps et âme pour lancer leurs propres affaires. Pour les femmes, l’objectif est surtout d’être financièrement autonomes. C’est ainsi qu’elles sont en train de couper « leurs anciennes cordes » qui les liaient aux tâches ménagères et à la garde des enfants. Aujourd’hui elles sont présentes dans tous les secteurs d’activités génératrices de revenus, notamment dans la mode, la transformation agricole, etc.
Mami Shannel, de son vrai nom Mme Abdoul Kader Sahiya Bachir est une jeune entrepreneure de 26 ans. Juriste de formation, cette jeune dame a toujours été passionnée par la mode et la création. Elle est la promotrice de Shannel Fashion, une petite entreprise située au quartier Koubia et spécialisée dans la couture, la confection et la personnalisation d’accessoires, à savoir des parures pour femme et homme, inspirées du patrimoine culturel traditionnel nigérien (bracelets, boucles d’oreilles, chaussures, porte-clé, ceinture, sac, porte-mouchoir) avec différentes matières (pagnes, tissu, lèches ou Bazin). Outre la personnalisation des articles, Shannel Fashion est spécialisée dans l’attache de foulard, la confection de bonnets et le maquillage pour les jeunes mariées ainsi que les jeunes filles. Elle raconte que tout a commencé à son jeune âge. « J’étais au collège lorsque j’ai commencé à confectionner des articles pour moi-même. Mais c’est seulement l’année dernière que j’ai décidé d’en faire un métier et de rentabiliser cela », a-t-elle précisé. Les articles de Shannel Fashion sont faits à la main et par elle-même, explique la jeune dame. Elle travaille généralement avec des pagnes africains, à savoir « Téra Téra, Say tangara et autres » qui représentent la culture nigérienne. Comme matières premières, elle utilise certains objets recyclés. Les prix de ses articles varient selon la qualité. Elle arrive à écouler ses produits à travers des canaux tels que les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Tiktok). Mme Abdoul Kader Sahiya Bachir engage des agents qui assurent la livraison de ses articles aux clientes et se faisant elle participe à la réduction du taux de chômage. Aussi, explique-t-elle, suite à la demande des clientes qui veulent être formées notamment sur la technique de l’attache de foulards, Mme Abdoul Kader Sahiya Bachir a dispensé plusieurs formations. La jeune Sahiya a confié avoir eu quelques difficultés qu’elle a pu surmonter avec le soutien de sa famille et de ses amies proches qui n’ont cessé de l’encourager et de l’accompagner jusqu’à l’ouverture de son atelier. Aussi, conseille-t-elle aux femmes qui ont des projets de se lancer, dans le respect de la dignité tout en gardant leur principe de vie. « Nous devons oser, car ce n’est pas parce que c’est difficile que nous devons rester les bras croisés », a affirmé Mme Abdoul Kader Sahiya Bachir.
« Nomade Agro » est un autre exemple d’initiative, dont la promotrice est Zeinabou Amadou Abdoulaye, une jeune femme de 34 ans. Titulaire d’une licence en management des entreprises, Zeina n’a pas attendu longtemps pour se lancer dans l’agroalimentaire. Elle est actuellement à la tête de Nomade Agro, une entreprise de transformation agroalimentaire créée en 2016, située au quartier Wadata (route fillingué).
Spécialisée dans la transformation de produits locaux et naturels Zeina épice est une société qui produit, conditionne, commercialise beaucoup d’aliments, de boissons dont les gens raffolent notamment la tomate concentrée, les épices et les tisanes. Cette jeune battante se retrouve bien dans la préparation des jus de yaourts de différentes variétés. Elle explique que son rêve était d’être financièrement autonome : « Pour moi être indépendante est aussi bien important pour l’homme que pour la femme, au lieu de toujours tendre la main aux époux et autres petits amis, la femme doit se battre pour chercher sa nourriture et assurer son autonomie financière. Et après mures réflexions, je me suis convaincue d’entreprendre, de travailler pour soi-même. J’ai commencé petit à petit avec une petite bourse et là tout est bien parti, et ‘’Nomade Agro’’ est née à la grande satisfaction de tous. »
L’Entreprise Nomade Agro a grandi et continue de faire son petit bout de chemin. Elle a eu la chance de participer à plusieurs foires dont, entre autres, le SAFEM, la foire de SANEF à partir de 2018 et 2019, et toutes les éditions de la foire annuelle 100/100 Made in Niger et plusieurs foires dans la capitale et dans l’intérieur du pays. Cette entreprise contribue à la valorisation des produits locaux, car elle répond aux critères élaborés sans risques sanitaires. « Je suis satisfaite de tous les résultats que nous enregistrons chaque jour, car nos produits sont bien appréciés par les consommateurs, et ils sont vendus comme des petits pains. Nos produits sont emballés et étiquetés », a-t-elle souligné. Cette jeune entrepreneure concourt au développement économique du pays en luttant contre le chômage des jeunes au Niger, en offrant des emplois dans sa Boutique. Mais Zeina, déplore souvent la faible consommation des produits locaux dans le secteur, ce qui réduit les revenus. D’où son appelle à l’égard de la population nigérienne pour la consommation des produits locaux et naturels qui sont sans risque pour la santé et dont les prix sont abordables. « L’achat des produits contribue au développement socio-économique du pays ; consommons local c’est seulement de cette manière qu’on peut émerger vers un développement durable », argumente-t-elle. Elle invite également les femmes et les jeunes à se lancer dans les activités génératrices de revenus pour gagner leur vie dignement.
Quant à Mme Moctar née Yasmina Boubacar âgée de 26 ans, juriste de formation, elle est la promotrice d’une entreprise spécialisée en pâtisserie, en henné et maquillage connu sous le nom de les délices de chez nous. Après avoir assimilé plusieurs formations dans ces domaines cités, Mme Moctar Yasmina décide de mettre en pratique son expérience en volant de ses propres ailes. Elle a ainsi monté son propre commerce. Elle fait ses activités à la maison, pour les croissants, les gâteaux et tout ce qui va avec la pâtisserie. Elle les prépare pour ensuite partir les revendre. Pour le service henné et le maquillage, Yasmina Boubacar reçoit ses clientes à la maison. « Entreprendre nous permet d’être autonome, de nous faire une place dans la société et montrer notre capacité d’aider. Ça permet aussi aux femmes d’être respectée et d’assurer certaines dépenses sans encombrer les parents et les maris. »
Dans cette dynamique on peut évoquer le foyer d’apprentissage de l’Association des Tailleurs et Couturiers de l’Aéroport (ATCA) créée en 2016. Ce foyer se focalise uniquement sur la formation et l’encadrement des jeunes filles dans le domaine des travaux manufacturés. En effet, ces jeunes filles sont formées entre autres aux métiers de la couture (draps, vêtements, tricotage), de l’artisanat (de tableau, des sacs en main et pochettes en perle...). Selon le président de ladite association Ibrahim Hassan lui-même couturier, le foyer d’apprentissage a ouvert ses portes le 1er octobre de cette année 2022. C’est une initiative née avec le partenariat de la maison de l’artisanat de Wadata et d’une bonne volonté, Issoufou Yacouba dit Kadafi. Toujours selon M. Ibrahim, l’école compte plus de 100 élèves et forme uniquement des femmes et jeunes filles déscolarisées ou non scolarisées. Ces apprenantes passent une année de formation pratique. « Après la création de l’association, lors d’une réunion nous avons décidé avec les autres membres d’ouvrir ce foyer en vue d’apporter notre contribution pour la lutte contre le chômage, car les filles qui ne font rien passent généralement leurs temps dans des habitudes déplaisantes ou se prostituent pour se procurer des revenus. Nous espérons aider celles de notre quartier avec cette école, car l’accès est gratuit et sans critère d’âge », explique Ibrahim Hassan. Ainsi, à leur sortie de formation, ces jeunes vont recevoir des diplômes qui attestent qu’elles sont prêtes à mettre en pratique leurs connaissances et qu’elles peuvent entreprendre leurs propres activités dans ces domaines.
Article écrit dans le cadre de la création d’un réseau international de jeunes journalistes enquêtant sur les Objectifs de développement durable afin de sensibiliser les populations au respect de ceux-ci.
Organisation Internationale de la Francophonie ; Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France) ; Ministère de la Francophonie (Québec) : Principauté d’Andorre.
Avec le soutien de l’École supérieure de journalisme de Lille (France) et de l’Institut francophone du Développement durable (Québec).