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NIGER - Retour sur l’année 2016-2017

NIGER - Retour sur l’année 2016-2017

15 octobre 2016 - par Auguste Kabore 
 - © Flickr - Gustave Deghilage
© Flickr - Gustave Deghilage

L’actualité cette année a été essentiellement marquée au Niger par les élections couplées (présidentielles et législatives) et la lutte contre Boko Haram.

Quand deux présidents se rencontrent (Ph : présidence française)

POLITIQUE

Les élections couplées ont concerné les présidentielles et les législatives. Les élections présidentielles se sont déroulées le 21 février 2016. Elles ont mis en compétition 15 candidats, dont le président sortant Mahamadou Issoufou. Il avait face à lui 14 autres candidats notamment les grandes figures de l’opposition. Il s’agit entre autres de Mahamane Ousmane (ancien président de la République), Seïni Oumarou chef de file de l’opposition et candidat du MNSD, Nassara (Mouvement National pour la Société de Développement), Cheffou Amadou (ancien 1er ministre), Amadou Boubacar Cissé et Moctar Kassoum (deux anciens ministres), et de Mahamane Hamissou de la société civile. À ceux-là s’ajoutent deux autres personnalités impliquées dans l’affaire dite de « trafic international de bébé », et incarcérées. Ce sont : Hama Amadou président du Moden FA, Lumana (Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine) et ancien président de l’Assemblée nationale en prison pendant les élections et Abdou Labo (ancien ministre de l’Agriculture) actuellement en liberté provisoire.

Ces élections présidentielles qui se sont déroulées en deux tours ont été remportées par Mahamadou Issoufou (président sortant) avec 92,51 % des suffrages. Il était face à Hama Amadou son principal challenger emprisonné à l’époque qui lui a obtenu 7,49 %. Ce dernier, depuis sa défaite et sa mise en liberté provisoire le 29 mars 2016, est à Paris pour des soins médicaux.
Il faut noter que le second tour a été boycotté par l’opposition. Celle-ci l’a qualifiée de « mascarade électorale ». Après avoir réclamé de nouvelles élections « transparentes et crédibles » et refusé de siéger dans le Parlement, elle s’est résolue à réintégrer celui-ci et à participer au gouvernement d’union nationale proposé par le président Issoufou. Le KO qu’il avait prévu au premier tour n’a donc pas eu lieu.

Aussitôt après sa réélection, Mahamadou Issoufou a mis en place un nouveau gouvernement conduit par Brigi Rafini, le Premier ministre sortant. Ce gouvernement qui est passé de 38 à 40 membres est marqué par l’entrée de deux grandes personnalités bien connues. Il s’agit de Rissa Ag Boula, (ancien chef rebelle touareg), ministre à la Présidence de la République, et de Chika Rakiatou Bakou, ministre du Développement communautaire et de l’Aménagement du Territoire.
Le président et son gouvernement ont immédiatement sacrifié à la déclaration des biens, conformément à la constitution. En effet la constitution fait obligation au président de la République et aux membres de son gouvernement de publier la liste de leurs biens non seulement à leur prise de fonction, mais également de façon annuelle.
Après de multiples tractations internes, le MNSD Nassara de Seïni Oumarou a finalement décidé de se rapprocher du PNDS Tarayya (Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme), parti au pouvoir, en vue de soutenir les actions de celui-ci. Le MNSD Nassara devient ainsi le deuxième parti de la majorité présidentielle. Il espère également participer au gouvernement d’union envisagé par Mahamadou Issoufou. Les responsables de ce parti justifient ce rapprochement par le fait de vouloir éviter des dissensions au sein du parti voire la cassure.

De même l’opposition nigérienne regroupée au sein de la Copa 2016 (Coalition pour l’Alternance), après avoir suspendu sa participation à l’Assemblée nationale et à la CENI (Commission électorale nationale indépendante) pour protester contre le déroulement des deux tours des élections présidentielles, a finalement décidé de reprendre sa place au sein du l’hémicycle. Elle a également décidé de retourner à la CENI en vue de préparer les élections locales. L’objectif de la suspension était, selon ses initiateurs, de « freiner l’instauration d’une pensée unique », celle du PNDS Tarayya de Mahamadou Issoufou.


Boko Haram dans toutes les têtes (Ph : US Army)

La lutte contre l’organisation terroriste Boko Haram s’est intensifiée tout au long de l’année écoulée. En effet la Force multinationale créée dans ce cadre a mené plusieurs offensives contre cette organisation notamment à la frontière entre le Niger et le Nigeria. Créée depuis plus d’une année, cette force regroupe plusieurs pays de la sous-région : Bénin, Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad. Elle a pour objectif, selon le Général Abdou Sidikou Issa commandant des troupes dans le Sud Niger, de mettre fin à l’occupation des zones contrôlées par Boko Haram et sécuriser la frontière.

Cependant il faut noter que bien qu’étant affaibli Boko Haram continue de semer la terreur dans l’extrême Sud du Niger, surtout dans la zone de Diffa (frontière Niger-Nigeria), faisant toujours de nombreux morts tant civiles que militaires. Ainsi le 5 avril 2016, 6 civils ont été tués lors d’une explosion perpétrée par deux kamikazes dans un véhicule de transport se rendant à Diffa. Avant cela, 6 agents de la Garde Nationale nigérienne ont été tués dans la même zone le 30 mars 2016 suite à une embuscade tendue par des jihadistes. Le 3 juin, 26 soldats de la Force multinationale mixte de lutte contre Boko Haram (FMM) ont perdu la vie au cours d’attaque perpétrée toujours par ce groupe terroriste. Opérationnelle depuis février 2015, la FMM mène depuis lors une véritable guerre contre ce groupe affilié, lui aussi depuis ce temps à l’État Islamique (EI). Ces attentats se sont particulièrement accentués pendant le mois de juillet. Le 12 juillet 2016, un convoi de 3 véhicules de l’armée nigérienne est tombé dans une embuscade, sur l’axe Bosso-Diffa (encore à la frontière Niger-Nigeria). Cette attaque s’est soldée par la mort d’un militaire. Dans la nuit du 19-20 juillet 2016, c’est le dépôt d’une ONG qui a été pris pour cible. Du 27 au 28 juillet c’est El-hadji Mamari (village de l’Est de Diffa) qui a été touché. Et du 30 au 31 juillet, ce sont Tchoukou Madou Kori, Tchoukou Katiela et Guedira, localités situées dans le Lac-Tchad qui ont été attaqué faisant 97 morts tous civils.

Pour les responsables de la FMM « son éradication n’est plus qu’une question de temps ». Cette situation a conduit également à la création de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT). Elle regroupe le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad, les 4 pays de ladite zone concernés par les attaques terroristes. Toutes ces actions ont eu pour résultats l’affaiblissement de Boko Haram, grâce à des frappes opérées par ces troupes coalisées, avec l’appui logistique des forces américaines et françaises. Pour le ministre nigérien de la Défense, Hassoumi Massaoudou, ils sont entrés « la phase finale d’éradication de Boko Haram ».
À cela s’ajoutent les dissensions internes au sein du groupe. En effet Daesh qui appuie Boko Haram depuis que celui-ci lui a fait allégeance en mars 2015 a nommé Abu Mosab al-Barnaoui comme nouveau chef du groupe, écartant ainsi Abubacar Sheakau. Ce dernier affirme avoir été trahi et se dit déterminé à se battre pour maintenir son poste. Ce changement est incontestablement le signe d’un malaise profond qui mine le groupe.

Lors de son discours télévisé à l’occasion du 57e anniversaire de la proclamation de la République Nigérienne, le président Issoufou a annoncé avoir déjoué un coup d’État. Ce putsch manqué aurait impliqué 13 personnes, dont 12 militaires, parmi lesquels des officiers supérieurs de l’Armée nigérienne et un civil. Ceux-ci auraient prévu de prendre le pouvoir le 18 décembre 2015. Il s’agirait entre autres du Général Salou Souleymane (ancien chef d’État major), du Général Dan Haoua (commandant de la Base aérienne de Niamey). Selon le ministre de la Défense, Hassoumi Massaoudou, ces derniers ont reconnu les faits et ont demandé pardon. Les enquêtes ont également conduit à l’audition des responsables de plusieurs partis politiques dont ceux du Modem Lumana (de Hama Amadou), et du MNSD (de Seïni Oumarou). À cette occasion Hama Amadou lui-même a été entendu alors qu’il était en prison à Filingué. Pour le président Mahamadou Issoufou il s’agit d’une « Haute trahison contre les institutions et contre l’Armée », car ce putsch visait à « renverser le pouvoir démocratiquement élu ».

ÉCONOMIE

Durant l’année écoulée, le Niger a bénéficié de plusieurs accords de financement de la part des Partenaires Techniques et Financiers (PTF). Dans ce cadre il signé avec les États Unis un accord financier d’une valeur de 437,024 millions de dollars US (250 milliards de FCFA). Ce financement est accordé par le Millenium Challenge Corporation (MCC) et va concerner précisément le développement des infrastructures, la réhabilitation des routes d’accès aux périmètres irrigués, la gestion des eaux et des aménagements hydro-agricoles, l’accompagnement de l’initiative 3N (le Niger nourrit les Nigériens). Selon le Premier ministre Brigi Rafini ce financement est le fruit d’un long processus qui a commencé il y a 7 ans. Il entre dans le cadre du programme Compact du Millenium Challenge Account pour le Niger (MCA-NIGER).
Avec la Banque Mondiale, le Niger a signé un accord de financement de fonds additionnels de 70 millions de dollars US (35 milliards de FCFA). Ces fonds seront investis dans les secteurs suivants : l’eau potable, l’assainissement, l’appui institutionnel et le renforcement des capacités.
Dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC) accordée par le FMI (Fonds Monétaire International) aux pays du Sahel, le Niger a bénéficié de 17 millions de dollars US (85 millions de FCFA). Cela porte à environ 150 millions de dollars US (75 milliards de FCFA) le financement que cette institution a apporté au Niger depuis 2012.
Autre financement reçu, 14 millions d’euros (plus de 9 milliards de FCFA), de la part de l’AFD (Agence Française de Développement). Cet appui budgétaire entre dans le cadre de la mise en œuvre du programme économique et financier du Niger. Il concerne les secteurs de l’électricité, l’eau, et la santé.
De son côté la Chine, a accordé au Niger 300 millions de yuans (30 milliards de FCFA) pour l’achèvement des travaux de construction d’un Hôpital de référence à Niamey, et la réalisation d’un 3e pont sur le fleuve Niger.

SOCIÉTÉ

Malgré les efforts effectués, le respect de la liberté de la Presse a connu quelques difficultés aussi bien dans la presse nationale que la presse internationale. En effet, les responsables de l’hebdomaire Le Courrier ont été incarcérés pour avoir publié des documents portant sur une affaire de fraude dans les concours de la fonction publique. Moussa Dado le directeur de publication a été condamné pour divulgation desdits documents, et Ali Soumana le créateur du journal l’a été pour complicité. Cet acte a été condamné par Reporter Sans Frontière (RSF) pour qui ces documents n’avaient aucun caractère confidentiel, car ils avaient déjà été utilisés lors du procès des cadres de l’Administration publique impliqués dans la fraude.

La correspondante de TV5 au Niger, Nathalie Prévost elle, a eu son accréditation retirée par les autorités nigériennes. Selon le ministre de la Communication du Niger cela fait suite à un non-respect des textes régissant la presse nigérienne, en particulier l’ordonnance portant sur le Régime de liberté de la presse au Niger. Ce retrait est relatif à une autorisation de tournage qui avait été accordée à Nathalie Prévost pour la période du 25 octobre 2015 au 25 octobre 2016. Il a suscité une grande indignation au sein des médias nigériens et des certaines organisations de la société civile. Certaines sources affirment que cet acte est lié surtout aux écrits de la journaliste sur la situation sécuritaire au Niger, en particulier sur les dernières attaques de Bosso. En effet celle-ci mit en cause l’efficacité de l’armée lors de ces attaques en affirmant dans un de ses articles que “faute d’intervention aérienne venue les tirer d’affaire les militaires […] ont pris la fuite laissant la ville aux mains des assaillants”.
Outre ces cas, et selon RSF et Amnesty international, plusieurs autres journalistes ont aussi été interpelés, voire emprisonnés. Ils ont interpelé le gouvernement à ce propos.



Un reportage réalisé par Nathalie Prévost en 2015 pour TV5Monde.


Sources
RFI.fr
AFP
Jeune Afrique
Agence Ecofin
Actuniger.com
Le Monde d’Aujourd’hui
Le Temps
Le Sahel
Le Courrier
Xinhua

Auguste Kabore
Université de Ouagadougou - BF
kab_augustus@yahoo.fr
theodore.kabore@iniv-ouaga.bf

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