POLITIQUE PROVINCIALE
Les évaluations foncières truquées ; un scandale complexe et coriace
Le gouvernement provincial libéral a connu un début d’année difficile lorsque le scandale des évaluations foncières truquées s’est fait jour. Ce fiasco a été une épine dans son pied pendant plusieurs mois. En gros, plus de 2000 évaluations de biens immobiliers (utilisées afin de calculer les taxes foncières à payer au gouvernement provincial) ont été truquées dans la foulée de la mise en œuvre accélérée d’un nouveau programme d’évaluation. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick en a eu plein les bras et a eu beaucoup de peine à rassurer les personnes affectées. Le ministre responsable de ce dossier s’est excusé en avril, tandis que le Premier ministre a annoncé des mesures afin de régler le problème.
Le gouvernement provincial a ensuite annoncé le gel des évaluations foncières pour l’année 2018. Cela a quelque peu apaisé la grogne au sein de la population. Cette décision a toutefois pelleté le problème dans la cour des municipalités (dont les revenus dépendent en très grande partie de l’argent provenant des taxes foncières). Ces dernières sont rapidement montées au créneau pour lutter contre ce gel. La vérificatrice- générale du Nouveau-Brunswick, qui est une haute fonctionnaire indépendante répondant à l’Assemblée législative, a mené une enquête sur cette affaire afin d’y voir plus clair. Elle a remis son rapport à la fin de 2017 et a en partie blanchi le Premier ministre, Brian Gallant.
- Brian Gallant - Ph : Acadie Nouvelle
Un dossier explosif ; la privatisation en santé
En septembre 2017, le gouvernement libéral de Brian Gallant a annoncé qu’il s’était entendu avec une entreprise privée afin de lui confier la gestion des soins de santé extra-muraux et de la ligne de télé-soins. L’entreprise en question est Medavie, une société à but non lucratif basée à Moncton et dirigée par l’ancien premier ministre progressiste-conservateur Bernard Lord. Medavie gère déjà les services ambulatoires dans la province depuis dix ans. La nouvelle a été accueillie par une vive opposition au Nouveau-Brunswick. Des groupes et des organismes francophones et anglophones ont alors fait front commun contre ce qu’ils percevaient comme une érosion injustifiée du système public de soins de santé.
Le conseil d’administration de la régie de santé francophone (un organe gouvernemental qui gère une bonne partie du système de santé et qui est doté d’un conseil d’administration dont la moitié des membres sont nommés par le gouvernement et l’autre moitié élus par la population) a fermement pris position contre cette privatisation. Des rencontres publiques ont été organisées, des pétitions ont circulé et la grogne a monté. Une demande de révision judiciaire a même été déposée devant les tribunaux par un groupe de pression francophone nommé Égalité Santé en Français et dont le président est un médecin de Moncton, le Dr Hubert Dupuis.
Toutes ces démarches n’ont pas porté leurs fruits. Égalité Santé en Français a essuyé un revers en cour et le contrat liant le gouvernement provincial à Medavie dans ce dossier a été signé à la fin décembre. La privatisation de la gestion est entrée en vigueur le 1er janvier 2018.
Les libéraux bien en selle
Élus pour la première fois en septembre 2014 pour un mandat de quatre ans, les libéraux de Brian Gallant ont réussi à maintenir une avance confortable sur leurs plus proches rivaux, les progressistes-conservateurs. C’est du moins ce qu’ont laissé entendre les sondages trimestriels effectués en 2017 par la firme Corporate Research. Ces coups de sonde sont généralement perçus dans la région comme parmi les indicateurs les plus fiables de l’humeur de l’électorat. Les libéraux ont continué de placer leurs pièces sur l’échiquier politique. En septembre, lors d’un remaniement ministériel majeur, Brian Gallant a tassé quelques vétérans qui n’avaient pas l’intention de se représenter lors des élections de 2018 et a braqué les projecteurs sur d’autres députés moins expérimentés.
Lors de ce remaniement, le Premier ministre s’est lui-même nommé ministre responsable de la région de Saint-Jean, nous rappelant que cette ville (la deuxième plus grande du Nouveau-Brunswick) allait sans doute être un champ de bataille important lors de la prochaine campagne électorale. Pendant toute l’année 2017, on a attendu de voir si le nouveau chef du Parti progressiste-conservateur, Blaine Higgs (élu à la tête de son parti en octobre 2016 au terme d’une course à la direction plutôt serrée) allait réussir à redorer le blason de sa formation. La renaissance de ce parti de centre droit, qui forme l’opposition officielle depuis la fin de 2014, s’est fait attendre. Pendant toute l’année 2017, il a traîné de la patte dans les sondages et n’a donné aucun signe qu’il remontait la pente.
Cette formation politique a fait face à des difficultés financières en 2017. Un rapport financier portant sur la première moitié de l’année et déposé auprès d’Élections Nouveau-Brunswick démontre que le Parti progressiste-conservateur n’avait pas grand-chose en banque à la mi-2017 et qu’il croulait sous les dettes (comparés aux libéraux dont les coffres étaient très bien garnis) à un peu plus d’un an des élections. Quelques mois plus tard, cette formation a même mis en vente l’immeuble dans lequel se trouve son siège social, situé dans la capitale provinciale.
Pendant ce temps, le Parti vert (un parti environnementaliste de gauche) a continué à solidifier ses bases. Son seul député élu à l’Assemblée législative provinciale (et seul de son histoire), son chef David Coon, a continué d’agir comme une troisième voix en Chambre. Connu pour son calme et sa maîtrise des dossiers, cet ancien directeur général d’une organisation environnementaliste provinciale est resté bien loin des scandales et a réussi à traverser l’année sans s’empêtrer dans quelque controverse que ce soit.
Quant au Nouveau parti démocratique (une formation de gauche qui n’a pas réussi à faire élire de députés à l’Assemblée législative depuis plusieurs années) il a passé l’année à se reconstruire. Son chef, Dominic Cardy, a claqué la porte le 1er janvier 2017 et est passé chez les progressistes-conservateurs peu après. Une course à la direction sans intérêt et avec une seule candidate a mené au couronnement de Jennifer McKenzie en août 2017. Cette ingénieure de formation a pris la tête d’un parti en lambeaux et affaibli par des luttes internes au cours du règne de Dominic Cardy, notamment des tiraillements entre ses membres plus centristes et leurs collègues campés à gauche.
ÉCONOMIE
Faible croissance et marché de l’emploi au neutre
L’économie du Nouveau-Brunswick a connu, encore une fois, une année difficile en 2017. Elle a continué sa croissance, mais à un rythme très modeste, comme le témoigne son PIB réel qui n’a progressé que de 1,3 %. Pendant ce temps, le marché de l’emploi a connu des ratées. Le taux de chômage est demeuré élevé dans la province, passant la majeure partie de l’année au-delà du seuil des 8 %. Le nombre d’emplois a été relativement stable.
D’importants défis pour le secteur des ressources naturelles
Dans le secteur privé, certains secteurs ont fait face à d’importants défis. Ce fut le cas de l’industrie forestière, un important morceau de l’économie néo-brunswickoise, qui s’est retrouvé bien malgré elle au cœur d’un conflit commercial entre le Canada et les États-Unis. En 2017, les États-Unis ont relancé la guerre commerciale en décidant d’imposer d’importants droits compensateurs pour punir les producteurs canadiens de bois d’œuvre qui, selon les Américains, reçoivent des subventions gouvernementales injustes qui leur permettent de vendre leurs produits au rabais au sud de la frontière.
- Ph : Acadie Nouvelle
Un autre dossier lié aux ressources naturelles a été un dur coup pour l’économie néo-brunswickoise, soit l’annulation du projet de pipeline Énergie Est. Cet oléoduc devait transporter du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta à un terminal maritime situé à Saint-Jean (dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, où se trouve déjà la plus grande raffinerie de pétrole au Canada). Le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait beaucoup misé sur ce projet pour donner un coup de pouce à l’économie provinciale. Le Premier ministre, Brian Gallant, n’avait pas ménagé d’efforts pour faire la promotion d’Énergie Est sur les scènes provinciale et nationale.
En août, l’Office national de l’énergie (l’organe national qui réglemente les pipelines) a décidé de faire une évaluation plus poussée de l’impact environnemental d’Énergie Est. L’entreprise qui pilotait le projet, TransCanada, a demandé quelques jours plus tard la suspension du processus d’approbation. En octobre, l’entreprise a annoncé qu’elle annulait le projet.
Finances publiques : une autre année dans le rouge
En février 2017, le gouvernement provincial a déposé son dixième budget déficitaire consécutif. Les libéraux, au pouvoir depuis 2014, ont cependant poursuivi leur lente marche vers l’équilibre budgétaire en limitant le déficit à 191 millions $ (sur un budget de 9,3 milliards $). Avant la fin de l’année, ils ont même réussi à réduire encore davantage le déficit, qui a fondu pour atteindre 115 millions $. Pendant toute l’année, ils ont maintenu que l’équilibre serait atteint en 2020-2021.
En janvier 2018, lorsqu’il a déposé son dernier budget avant les élections provinciales, le gouvernement libéral n’a pas pu résister à la tentation de dépenser davantage en fin de mandat (comme bon nombre d’élus avant eux d’ailleurs). Il a alors prévu un déficit de 188 millions et repoussé le retour à l’équilibre budgétaire d’un an, à 2021-2022.
SOCIÉTÉ et CULTURE
La société civile acadienne a poursuivi son évolution en 2017, après avoir traversé des années très tumultueuses en 2015 et 2016.
- Kevin Arseneau - Ph : Acadie Nouvelle
La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), un organisme nationaliste qui représente la minorité francophone de la province, a continué sa lente reconstruction. Elle avait été complètement paralysée par des luttes internes en 2015 qui avaient neutralisé sa capacité d’agir pendant plusieurs mois. L’organisme a semblé être sur la bonne voie lorsqu’un jeune agriculteur et artiste acadien, Kevin Arseneau, a été élu à sa présidence en 2016. Cet ancien leader étudiant et gauchiste engagé était porteur d’un certain vent de renouvellement. Tous les espoirs étaient permis.
Ce nouveau venu a cependant quitté la présidence de la SANB moins d’un an plus tard, en septembre 2017, pour tenter sa chance en politique provinciale. Il a annoncé son intention de briguer l’investiture du Parti libéral dans sa région en vue des élections du 24 septembre 2018, mais le parti n’a pas voulu de lui. Il a fini par se tourner vers le Parti vert, avec qui il avait déjà entretenu des liens étroits par le passé. En attendant qu’il soit remplacé à la tête de la SANB, un président par intérim a été nommé. Il s’agit de Joey Couturier, un jeune animateur de radio du nord-ouest du Nouveau-Brunswick.
Pendant ce temps, la Société Nationale de l’Acadie a poursuivi sa propre reconstruction. Cet organisme est une fédération regroupant les organismes porte-parole (dont la SANB) et les organismes représentant la jeunesse francophone des quatre provinces de l’Atlantique. En 2016, la SNA avait été complètement décimée par des mises à pied et par des démissions. Son président, l’artiste multidisciplinaire néo-brunswickois René Cormier, avait alors quitté son poste après avoir été nommé au Sénat canadien. Son directeur général, l’ex-journaliste Janic Godin, avait lui aussi remis sa démission après moins de deux ans en poste.
En mai 2017, Véronique Mallet a pris les rênes de la SNA. Elle a alors entamé la reconstruction de l’organisme en s’entourant d’une toute nouvelle équipe d’employés. En septembre 2017, l’ex-journaliste et éditrice Louise Imbeault a été élu à la tête de l’organisme pour un mandat d’un an, marquant une autre étape de la renaissance de la SNA.
- Le cannabis en question ! Ph : Acadie Nouvelle
Légalisation du cannabis : un dossier loin d’être clos
L’année 2017 a été marquée par un dossier majeur, au Nouveau-Brunswick et dans toutes les provinces ; la légalisation du cannabis à des fins récréatives. Il s’agit d’un changement légal, social et économique majeur.
Au printemps 2017, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a tenu promesse et déposé son projet de loi afin de légaliser cette drogue. Il a dit qu’il souhaitait que le projet de loi en question entre en vigueur le 1er juillet 2018. Cela a donc donné au fédéral et aux provinces moins de deux ans pour se réparer à la légalisation. Le gouvernement fédéral a établi certains paramètres de base, mais a laissé les provinces adopter leurs propres règles pour encadrer la vente et la distribution du cannabis à des fins récréatives. Au cours des mois suivants, le gouvernement Nouveau-Brunswick est passé en quatrième vitesse pour ne pas être pris au dépourvu en juillet 2017. Des consultations ont été menées par des députés afin de préparer le terrain et des rapports ont été déposés.
Le gouvernement a fini par décider mettre sur pied une nouvelle société de la Couronne afin de gérer la distribution et la vente de cette drogue : Cannabis NB. Il aussi décidé que cette drogue allait pouvoir être achetée à compter de l’âge de 19 ans et qu’elle allait devoir être gardée sous clé par les consommateurs de la province (ce qui lui a valu d’être la risée du reste du pays).