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Plaidoyer pour les langues de France, un trésor national menacé de disparition

Plaidoyer pour les langues de France, un trésor national menacé de disparition

Michel Feltin-Palas, n’est pas linguiste ; il est pas scientifique, ni politique… Il est journaliste à l’Express, hedomadaire dans lequel il est l’auteur d’une lettre d’information intitulée « Sur le bout des langues ». Cette rubrique est consacrée à la langue française et aux langues de France, car l’homme aime autant l’une que les autres. Il vient de publier aux éditions Héliopodes un livre intitulé « Sauvons les langues régionales ! » à la lecture duquel beaucoup de français découvriront qu’il existe dans leur pays d’autres langues que la langue nationale : le Français.

23 décembre 2024 - par Jean Bonnefon 

En effet pour une large majorité de la population, les langues dites régionales ne seraient que des « patois  », de vulgaires déformations du français et n’auraient d’autres fonctions que folkloriques dans le meilleur des cas, ou dangereuses pour l’unité de la nation dans l’esprit de beaucoup d’entre eux.

Insoupçonnable d’être un agent infiltré d’un ennemi de l’intérieur oeuvrant pour l’éclatement de l’unité nationale, l’amoureux de la langue française s’attache ici à réconcilier justement, la nation avec son patrimoine. Car Feltin-Palas le montre et même le démontre, les langues de France sont partie intégrante du patrimoine national, au même titre que les cathédrales, les paysages, la musique, la danse ou la peinture. Il pose la question : nous viendrait-il à l’idée de laisser s’effriter jusqu’à l’effondrement le château de Versailles ou le musée du Louvres ? Notre pays s’est ému et s’est mobilisé pour sauver et faire renaître Notre Dame de Paris et il laisserait mourir des langues millénaires dans lesquelles nos ancêtres ont bâti ces cathédrales et écrit l’Histoire qui est la notre aujourd’hui ? C’est pourtant ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Les langues de France, l’Occitan, le Corse, le Basque, l’Alsacien, le Breton, le Catalan, les langues créoles… pour les plus connues, mais aussi celles qui représentent moins de locuteurs comme le Picard, le Normand, le Poitevin, etc… sont aujourd’hui menacées d’extinction totale et ne survivent que par l’action de militants qui tentent de les sauver mais qui sont de moins en moins nombreux.

« Sauvons les langues régionales » s’attache à comprendre les raisons de ce déclin dans notre pays. Alors que presque partout en Europe et dans le monde l’Histoire a respecté les différences culturelles, le centralisme qui prévaud à l’organisation politique de la France à contribué à l’effacement des cultures régionales. En raccourcissant le propos, disons que la révolution française a accouché de la victoire des Jacobins sur les Girondins et avec elle du mépris des régions au profit de la capitale. Notre organisation actuelle, politique, économique et culturelle est héritière des choix faits en 1792. Certes, en amont il y avait bien eu au XVIème siècle l’Edit de Villers Cotterêts par lequel François 1er décrétait que « La langue du Roy est la langue du Royaume », mais cette référence est plus subtile et sujette à discussion qu’il n’y parait. Beaucoup de politiques aujourd’hui encore, se réfèrent à ce texte pour déclarer anti-constitutionnelles les propositions qui visent à donner une existence officielle aux langues de notre pays. Michel Feltin-Palas, se référant à de nombreux historiens, chercheurs ou linguistes, s’attache à regarder ce texte de plus près et nous fait découvrir que la rédaction de l’Edit de 1539 n’a pas le sens restrictif vis-à-vis des langues de France que celui que lui donne leurs détracteurs d’aujourd’hui. Que dit ce texte ?

« Nous voulons que dorénavant, tous la arrêts et toutes autres procédures (…) soient prononcés, publiés et notifiés en langage maternel françoys, et non autrement. » Ce texte destiné à écarter le Latin comme langue de référence administratif, avait pour but la rédaction de toutes les décisions officielles prise par le Roi et son administration dans une langue comprise partout et par tous dans le royaume. A une époque où 80% de la population ne parlait et comprenait qu’une langue autre que le Françoys, ou au mieux était bilingue, ce que le texte énnonce comme « langage maternel françoys » ne peux que signifier la prise en compte des diverses langues de France dans l’esprit du rédacteur de l’Edit de Villers-Cotterêts. Il faut bien constater qu’aujourd’hui cette lecture n’est pas partagée par l’ensemble de la classe politique. Notons également que cette question n’est pas l’apanage d’un bord ou d’un autre avec beaucoup de netteté. Si Jean Luc Mélenchon ou Marine Le Pen affichent une même opposition à la reconnaissance officielle par la France des Langues régionales, on ne peut pas affirmer que cette question est portée par le camp des gauches ou celui des droites. L’origine géographique et culturelle des élus de tous bords explique peut-être ces différences d’appréciation sur la question. Il est également impressionant de remarquer l’incroyable méconnaissance de ce sujet dans les cercles de pouvoir, y compris au plus haut sommet de l’Etat, Emmanuel Macron ayant montré à diverses reprises une totale ignorance sur le sujet. Comment apprécier le fait que la France est un des rares pays à ne pas avoir signé la « Charte européenne des langues régionales ou minoritaires » qui existe pourtant depuis 1992 ? Il est souvent mis en avant par les adversaires de cette ratification, que l’unité du pays serait mise en danger par la signature d’une telle charte. L’exemple du reste de l’Europe et pour l’essentiel du monde prouve pourtant le contraire, tout comme le fait que notre pays à été bilingue pendant plus de mille ans sans que son unité patisse de cette pluralité. A l’heure de la mondialisation culturelle, d’internet et des réseaux sociaux, il semble évident que le danger pour la langue et la culture française vienne plutôt de l’anglais et de l’américanisation de notre vocabulaire et de nos modes vie. Le grand danger pourrait bien venir du mécanisme destructeur que certains tenant de la culture unique ont fait subir à la diversité. Autrement dit, ceux-là pourraient mourir par où ils ont péché.

« Sauvons les langues de France » ne s’attache pas seulement au contexte politique au sens historique, il observe et décrit les démarches destructrices qui conduisent à l’effacement de nos langues dans la société et en particulier dans les médias, l’école, les administrations… Il décrit avec beaucoup de justesse le mépris, voire la violence qu’ont subit les générations de nos parents, grand-parents en Bretagne, en Alsace, au Pays Basque, dans les territoires occitans… et on comprend mieux comment on en arrive à la situation dramatique de ces langues aujourd’hui.

Mais Michel Feltin-Palas, ne s’arrête pas à ce sombre constat. Il observe et rapporte les signes encourageants de ces cultures en danger, comme des corps blessés qui bougent encore et rencontrent de beaux succès auprès des jeunes générations. C’est justement à l’aune de la mondialisation que l’intérêt pour les langues vernaculaires suscite, rebondit autour du succès des écoles Diwans, en Bretagne, Ikastolas au Pays Basque, Calendretas en Occitanie, Bressolas en Catalogne… Des artistes musiciens, chanteurs, écrivains retrouvent également de l’intérêt pour les cultures de leurs territoires. Les nouveaux médias profitant de la facilité de diffusion offerts par les réseaux sociaux indépendants, utilisent les langues régionales pour diffuser leurs productions. Des jeunes artistes, des écrivains, des journalistes, ou plus largement celles et ceux que l’on classe sous le nom d’Influenceurs, se revendiquent aujourd’hui de la formule « des racines et des ailes ».
Michel Feltin-Palas termine son livre en s’adressant aux femmes et aux hommes politiques qui adhèreraient à ce beau projet de sauvetage des langues régionales en leur soumettant des pistes de travail et des solutions volontaristes pour y parvenir.
« Sauvons les langues de France » pose un diagnostic accessible à tous, clair et efficace sur les processus qui ont conduit les langues qui ont fait la France a être aujourd’hui en grand danger. Il aide à comprendre pourquoi et comment on en est arrivé tirer des sonnettes d’alarme pour mobiliser l’opinion pour le sauvetage de notre patrimoine linguistique.

Michel Feltin-Palas
« Sauvons les langues de France
Editions Heliopoles 17€

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