Donald Tusk, nouveau président du Conseil européen. Andrzej Duda, un conservateur de 43 ans, élu nouveau président. Adoption de la loi sur la fécondation in vitro (FIV). Ida, le long-métrage de Pawel Pawlikowski reçoit l’Oscar à Hollywood.
- Donald Tusk, président du Conseil européen (Flickr - Parlement européen)
POLITIQUE et ÉCONOMIE
La nomination en décembre 2014 du Premier ministre Donald Tusk au poste de président du Conseil européen a accéléré l’affaiblissement de sa formation politique, la Plateforme civique (PO), au pouvoir depuis huit ans. La nouvelle première ministre, Ewa Kopacz, n’a pas pu endiguer le rebondissement de l’affaire des écoutes illégales, dévoilée par la presse en juin 2014, et impliquant de hauts responsables du gouvernement (voir AFI 2014-2015, p. 194). Si ces conversations, enregistrées dans des salons privés de deux restaurants de Varsovie, n’avaient rien de révélateur, c’est le langage grossier et l’impression de connivence entre politiciens de haut rang et du même parti qui restent compromettants pour le gouvernement. En mai dernier, la fuite sur internet et la diffusion sur Facebook d’actes judiciaires de cette affaire a entraîné la démission du président du Parlement polonais, Radoslaw Sikorski, de trois ministres et quatre vice-ministres.
Ces dégâts sur l’image du gouvernement et du parti au pouvoir sont l’une des raisons de la défaite du président sortant, Bronislaw Komorowski, face au candidat conservateur, Andrzej Duda. Au second tour des présidentielles du 24 mai, cet eurodéputé et juriste de 43 ans, membre du parti conservateur et eurosceptique, Droit et Justice (PiS), l’a emporté avec 52 % des voix sur le président sortant, proche des libéraux au pouvoir (PO). Le nouveau président, qui prendra ses fonctions le 6 août, a été vice-ministre de la Justice de 2006 à 2008. En 2008, il a été nommé sous-secrétaire d’État à la chancellerie du président Lech Kaczynski. Vainqueur inattendu (les sondages donnaient une avance à Komorowski), Andrzej Duda cherche à se montrer rassembleur quatre mois avant la tenue d’élections législatives. Prévues à l’automne prochain (le 25 octobre), celles-ci s’annoncent difficiles pour la formation au pouvoir depuis huit ans.
- L’investiture du président Andrzej Duda (Flickr - maciej smiarowski)
La campagne présidentielle a relancé le débat sur l’adoption de la monnaie européenne par la Pologne. L’analyse des bénéfices et des coûts de l’adoption de l’euro faite par le ministère des Finances se montre à court terme négative, étant donnée la période de turbulence financière qu’a connue l’Europe ces dernières années. Si la Pologne ne fixe pas de date à son adhésion à l’euro, elle compte en respecter les critères dès 2016. L’entrée dans la zone euro reste un objectif à long terme, dans la mesure où la monnaie unique réduit les frais de transactions, garantit la transparence des prix sur différents marchés, favorise la compétitivité et augmente le niveau de vie. La conjoncture qui confirme la croissance macroéconomique continue s’y prête tout à fait. La Pologne, avec ses 38 millions d’habitants, constitue la plus grande économie parmi les pays d’Europe centrale. Le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 3,3 % en 2014 et le gouvernement escompte une croissance de 3,4 % en 2015. La loi de finances polonaise pour 2015 prévoit un déficit des finances publiques inférieur à 2,8 % du PIB, ce qui permettrait à la Pologne de sortir de la procédure européenne de déficit excessif.
SOCIÉTÉ
Réclamé depuis des années par la gauche et par les libéraux, le projet de loi sur la fécondation in vitro (FIV), présenté par le gouvernement de la Plateforme civique (PO, libéral), avait été adopté en juin par les députés, puis le 22 juillet entériné par le président Komorowski, trois semaines avant l’entrée en fonction de son successeur, le conservateur Andrzej Duda, opposé à cette loi. Jusqu’à présent, la méthode de procréation médicalement assistée était pratiquée en Pologne, mais échappait à toute régulation juridique, alors qu’environ 1,5 million de couples sont concernés par le problème. La loi adoptée permet à tous les couples, mariés ou non, de recourir à la FIV et en garantit le remboursement. À quatre mois des élections législatives pour lesquelles les conservateurs sont donnés favoris, le texte de cette loi est violemment dénoncé par les évêques polonais. Soutenu par ces derniers, le Parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski a aussitôt annoncé qu’il allait revenir sur la loi une fois au pouvoir.
- Le camp d’Auchwitz, 70 ans de mémoire (Ph - Arnaud Galy)
Le 25 janvier, trois cents survivants et de nombreux chefs d’État du monde entier ont assisté à la cérémonie principale des 70 ans de la libération du camp d’Auschwitz devant le mémorial de Birkenau. Construit en 1940 à l’ouest de Cracovie, ce camp de concentration et d’extermination avait pour objectif de mettre en œuvre la « solution finale » du régime nazi visant l’extermination des juifs et des Tziganes. Les opposants politiques et les prisonniers de guerre détenus dans ce camp y ont trouvé la mort de faim ou d’épuisement en raison du travail surhumain, des tortures et des expériences médicales. Selon les chiffres du musée d’Auschwitz, 1,3 million de personnes, d’origine juive pour la plupart, y sont déportées, et 1,1 million de prisonniers y sont tués. En 1943, on installe dans ce camp de la mort quatre fours crématoires et des chambres à gaz où s’est déroulée la phase la plus achevée du génocide juif. Symbole de la barbarie nazie, lieu de mémoire emblématique de la Shoah, le camp d’Auschwitz-Birkenau, inscrit au patrimoine de l’UNESCO en 1979, est visité par des millions de personnes.
Wladyslaw Bartoszewski, l’ancien chef de la Diplomatie polonaise et ancien prisonnier d’Auschwitz, est mort vendredi 24 avril à Varsovie à l’âge de 93 ans. Il a milité pendant la guerre dans une organisation polonaise d’aide aux juifs, Zegota. Professeur d’histoire, il a écrit plusieurs ouvrages historiques sur les relations entre les Polonais, les Juifs et les Allemands. Après la guerre, il passe sept ans dans les prisons staliniennes. Après la loi des mesures de guerre déclarée par le général Jaruzelski en 1981, il est à nouveau emprisonné avec plusieurs de ses camarades du syndicat Solidarité. Récipiendaire du titre « Juste parmi les Nations », décerné par l’État d’Israël, membre du Comité international du Musée d’Auschwitz, profondément engagé pour le dialogue polono-juif et pour la réconciliation avec l’Allemagne, Bartoszewski a déclaré au moment des cérémonies en janvier du 70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, symbole de l’Holocauste : « Ce que les nazis ont voulu anéantir, nous allons le sauver de l’oubli ».
CULTURE et ÉDUCATION
Le musée de l’Histoire des Juifs de Pologne a été inauguré en avril à Varsovie. « Polin » (ce mot signifiant en hébreu à la fois « ici, repose-toi » et « Pologne ») est un musée narratif. Son exposition permanente, conçue par un collectif international de 120 scientifiques, cherche surtout à raconter mille ans de présence juive dans le pays grâce à des installations multimédias et des scènes de vie ou des paysages urbains reconstitués. Il s’agit du plus grand musée polonais construit depuis la guerre (15 000 m2). Dessinée par les architectes finlandais, Rainer Mahlamaeki et Ilmar Lahdelma, érigée sur le terrain de l’ancien ghetto, sa façade en verre est coupée par une grande brèche symbolique s’ouvrant sur des parois ondulées qui évoquent la traversée biblique de la mer Rouge par les Juifs que Moïse conduisit d’Égypte en Israël. La construction de Polin sur un terrain donné par la ville a été financée par le ministère de la Culture (49 millions d’euros) ; son exposition permanente a été créée grâce à des donations privées (39 millions d’euros).
- Polin (Flickr - liwnik)
Ida, film intimiste en noir et blanc de Pawel Pawlikowski, sorti en salles en 2013, a remporté l’Oscar du meilleur film en langue étrangère à Hollywood le 23 février 2015, en représentant la Pologne. L’action du film qui se déroule en Pologne au début des années 1960 met en scène une jeune orpheline élevée au couvent qui, avant de prononcer des vœux de religieuse, part enquêter sur ce qui est arrivé à sa famille sous l’occupation nazie. Aidée de sa tante, une juge communiste, seule membre de sa famille encore en vie, elle découvre qu’elle est juive et que ses parents ont été tués par un paysan polonais au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
En novembre 2014, lors du 32e Festival international des Bardes à Varsovie, Claude Michaud du Québec a interprété les chansons de Félix Leclerc. Du 3 au 31 mars, le Festival de la Francophonie, organisé traditionnellement dans plusieurs villes par les ambassades des pays francophones en Pologne, a offert entre autres des activités théâtrales : une conférence sur la dramaturgie suisse avec Jolande Herradi et d’Antoinette Rychner, accompagnée de la lecture d’une pièce de cette dernière, « De mémoire d’estomac », ainsi qu’une rencontre avec la dramaturge québécoise, Suzanne Lebeau, précédée d’une représentation de sa pièce « Petit Pierre » par la Compagnie d’Avignon La Sauce aux Clowns. Dans ce même cadre, un débat par vidéoconférence sur le thème du « droit à l’expression en tant qu’élève et en tant qu’adolescent » a été proposé aux classes de lycée avec section francophone bilingue ou section de français. L’objectif de cette activité (conçue dans le sillage du 25e anniversaire de la convention des droits de l’enfant) était de mettre en lumière la francophonie dans sa dimension internationale et de favoriser une situation de communication authentique en français. Le projet a permis de mettre en relation plusieurs lycées de Pologne avec des établissements au Canada (île du prince Édouard), en Suisse (Saint Maurice) ou en Belgique (Kelmis).
Du côté académique, notons la mise en place à l’Université de Silésie (Sosnowiec) d’un groupe de recherche sur l’hybridité comme catégorie esthétique dans les littératures françaises (XVIII-XXI siècles) et francophones de la Belgique et du Maghreb. Notons également la parution chez Peter Lang en 2014 d’un ouvrage de Judyta Zbierska-Moscicka, Lieux de vie, lieux de sens. Le couple lieu/identité dans le roman belge contemporain. Rolin-Harpman-Feyder-Lalande-Lamarche-Deltenre.