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Pologne - Retour sur l’année 2018

Pologne - Retour sur l’année 2018

8 janvier 2019 - par Józef Kwaterko 
Plaisir en altitude dans les Tatras - © Piotr Manowiecki
Plaisir en altitude dans les Tatras
© Piotr Manowiecki

Les hostilités entre Varsovie et Bruxelles continuent. La « politique historique » des conservateurs au pouvoir déclenche une crise diplomatique avec Israël et les États-Unis. Le parti Droit et Justice (PiS) subit un revers aux élections locales. La conférence des Nations unies sur le climat (COP24) à Katowice ne réduit pas la dépendance au charbon en Pologne. Plus de cinq millions de spectateurs ont vu « Kler » (« Le clergé ») film qui dénonce les péchés de l’Église catholique en Pologne

POLITIQUE

La « révolution conservatrice », lancée par le parti Droit et justice (PiS) depuis son arrivée au pouvoir en 2015, n’a cessé de polariser la société polonaise tout en long de 2018. Pour mémoire, ce sont surtout les atteintes aux principes de l’État de droit qui ont forcé la Commission européenne à annoncer, fin décembre 2017, a lancer une procédure d’infraction (selon l’article 7 du Traité sur l’UE) qui peut entraîner une suspension des droits de vote au Conseil européen du pays membre qui viole les principes de l’État de droit. Or, à une série de réformes judiciaires qui a déjà permis au gouvernement de contrôler les tribunaux de droit commun, le Conseil national de la magistrature (KRS) et le Tribunal constitutionnel, s’est ajoutée une nouvelle loi, votée en juillet, qui permet au ministre de la Justice de démettre de leur fonction 40 % des juges de la Cour suprême en rabaissant leur passage à la retraite de 70 à 65 ans.

Malgorzata Gersdorf malmenée par le pouvoir

Cette réforme, qui déroge au principe d’inamovibilité des juges durant leur mandat inscrit dans la Constitution polonaise, contraint 27 des 72 juges à quitter leur fonction − y compris la présidente Malgorzata Gersdorf − dont la durée de la magistrature ne prend fin qu’en avril 2020. Refusant de démissionner, celle-ci a défié le gouvernement. Fin juillet, la Commission européenne avait saisi d’urgence la Cour de justice de l’UE afin de suspendre cette législation, jugée incompatible avec le droit de l’Union. La Cour de Luxembourg a émis une ordonnance demandant à la Pologne de suspendre (avec effet immédiat et rétroactif) la mise en œuvre de la nouvelle loi, en attendant son jugement définitif, prévu pour la fin mars 2019. Répondant à cette ordonnance, et tentant de montrer sa bonne volonté à l’Union européenne, le gouvernement polonais a fait voter un amendement de sa réforme en autorisant les juges à poursuivre l’exercice de leur mandat, sans revenir pour autant sur leur mise à la retraite. Signant cet amendement fin décembre, le Président Andrzej Duda a souligné son désaccord profond avec la Cour de justice de Luxembourg.

Une autre loi controversée, votée en février, et destinée à protéger les Polonais d’accusation de complicité de génocide avec les nazis, a subi le même sort. Elle prévoyait punir par des amendes ou des peines de prison allant jusqu’à trois ans, ceux qui attribuent « à la nation ou à l’État polonais » des crimes commis par les nazis allemands en Pologne occupée. Cette loi, dont les dispositifs épargnaient les chercheurs et les artistes (mais pas les journalistes ou les personnes privées), prétendait surtout de protéger la Pologne d’accusation de complicité de génocide avec les nazis et, en particulier, d’empêcher qu’on utilise l’expression « camps de la mort polonais » à propos de ceux installés par le IIIe Reich sur les territoires polonais pendant la Deuxième Guerre. Cette loi « anti-diffamatoire » a profondément irrité Israël (d’autant plus que le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, avait affirmé lors d’une rencontre avec la presse qu’il y avait aussi « des auteurs juifs » de la Shoah). Elle a fait aussi l’objet d’un sérieux avertissement du département d’État américain. Finalement, elle a été elle aussi substantiellement amendée, quoiqu’elle ait dénié la liberté d’expression au sujet des crimes des Polonais perpétrés sur la population ukrainienne dans l’immédiat après-guerre.


Toujours source de polémique !

Les élections locales du 21 octobre (municipales, régionales et départementales) ont été attendues comme l’un des enjeux-clés (avec un taux de participation de 51,3 %) pour tester l’électorat après trois années au pouvoir du parti Droit et Justice (PiS). Or, à l’encontre des prévisions et des sondages d’opinion, elles se sont avérées être un revers pour PiS qui misait sur un score de 40 % à l’échelle nationale. Si ce dernier arrive en tête avec 32,3 % de voix, le rapport de force lui est globalement défavorable car ses deux opposants alliés, la Coalition civique (KO, centre droit libéral) et le parti conservateur paysan (PSL), ont réalisé respectivement 24,7 % et 12,6 % des voix. Sur les dix villes majeures, six ont été emportées par les candidats libéraux dès le premier tour (à Varsovie, Łódz et Lublin leur victoire a été écrasante). Sur seize voïévodies (régions), le PiS ne sera capable de gouverner que dans quatre. Les campagnes ont, quant à elles, voté à 39,3 % pour le PiS et à 13,5 % pour les libéraux.
Ces élections sont les premières d’une série de quatre scrutins, qui aboutiront aux élections européennes en mai 2019, législatives à l’automne de la même année et à la présidentielle au printemps 2020.


Course de l’Indépendance en rouge et blanc

SOCIÉTÉ

La « politique historique » du gouvernement issu du parti Droit et Justice (PiS) s’est également manifestée à l’occasion du 100e anniversaire de l’indépendance de la Pologne (le 11 novembre 1918, le pays regagnait sa souveraineté après cent vingt-trois ans de partages entre les empires russe, allemand et austro-hongrois). Les Polonais ont fêté ce centenaire, dimanche le 11 novembre, dans une ambiance qui confirme à bien des égards leur division depuis trois ans entre ceux qui représentent un large spectre modéré, démocrate et proeuropéen, et ceux, proches de la droite ultraconservatrice et nationaliste, appuyée par l’église catholique qui a un fort impact sur une partie des électeurs. La grande marche de l’indépendance le 11 novembre à Varsovie a été, comme pendant les deux années précédentes, organisée par les milieux nationalistes. Bien que la maire centriste de Varsovie, Hanna Gronkiewicz-Walz, ait décidé d’interdire la manifestation nationaliste pour des raisons de sécurité, le Président Duda a proclamé vouloir organiser sous son patronat sa propre marche aux « couleurs nationales », « ouverte à tous », sans bannières ou signes d’organisations extrémistes, mais sur le même tracé que la marche des nationalistes. En résultat, la marche présidentielle et celle des milieux nationalistes ont fusionné (nonobstant un cordon de police qui les séparait), ceux derniers atteignant jusqu’à deux cent mille de personnes, y compris les représentants des organisations d’extrême-droite ou fascisantes invitées à l’occasion, venues de Hongrie, de Slovaquie, d’Italie et du Royaume-Uni.

ÉCONOMIE

La politique des réformes radicales du PiS n’a pas d’impact négatif majeur sur l’économie qui bénéficie actuellement d’une combinaison de facteurs favorables à la croissance : le taux de chômage continue de fléchir à 4,5 %, la croissance apparaît comme équilibrée (le PIB en 2018 est de 4,8 %) et la dette publique est estimée à 49,2 % du PIB fin 2018. Parmi les mesures sociales adoptées au cours des deux dernières années, on doit noter le programme « 500+ », lancé le 1er avril 2016 en vue d’augmenter la natalité en Pologne, avec le versement d’une allocation familiale de 500 PLN (120 euros) par mois par enfant à partir du deuxième enfant ; le retour aux âges de départ à la retraite antérieurs à la réforme de 2012, soit 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes ; les hausses successives du salaire minimum qui sera revalorisé de 7,1 % à compter du 1er janvier 2019 (à 2250 PLN/523 euros bruts mensuels).
Toutefois, en dépit d’un bilan macroéconomique positif et des orientations favorables à court terme (surtout grâce à l’amélioration des finances publiques due à un meilleur recouvrement de la TVA), l’économie polonaise pourrait subir une baisse de son potentiel à moyen et long termes en raison du repli des fonds structurels de l’UE après 2020. Le budget prévisionnel pour 2021-2027, présenté par la Commission européenne fin mai 2018, laisse envisager une baisse d’environ 15,5 % des fonds européens alloués à la Pologne (72,724 milliards d’euros), comparé à la période 2014-2020 où la Pologne aura reçu globalement 86,111 milliards d’euros. Par ailleurs, la Pologne, où s’est tenu récemment la COP24 (la 24e Conférence des Nations unies sur le climat) n’est pas prête à renoncer au charbon (elle vient d’annoncer la construction d’une nouvelle centrale marchant à ce combustible) et n’a aucun objectif fiable d’augmenter la production des énergies renouvelables. C’est pourquoi elle risque de payer des amandes considérables pour continuer à contribuer au réchauffement de la planète. Enfin, des affaires récentes de corruption dans le système bancaire, dévoilées notamment au sein de l’Autorité de supervision financière (KNF) et associées aux activités du Gouverneur de la Banque centrale (NBP), risquent d’avoir un impact négatif sur les investissements financiers de l’étranger.



CULTURE et SCIENCE

« Guerre froide », le nouveau film en noir et blanc de Paweł Pawilikowski (réalisateur de « Ida » en 2014), qui raconte un amour violent et impossible sur fond de l’ère stalinienne, a remporté en mai le Prix de la mise en scène en compétition à Cannes. À Séville, en décembre, le film s’est distingué au Prix du meilleur film européen avec quatre trophées, ceux du « Meilleur réalisateur », du « Meilleur scénariste », de la « Meilleure actrice » (Joanna Kulig) et du « Meilleur monteur ».

Le film Kler

Sorti en salles fin septembre, « Kler » (« Le clergé »), un film de Wojcieh Smarzowski, s’annonce déjà avec plus de cinq millions de spectateurs comme le plus grand succès commercial de tous les temps dans le pays. En Pologne où l’Église catholique est omniprésente dans l’espace public, joue un rôle politique de taille et bénéficie de nombreux privilèges, « Kler », qui se veut un reflet des abus du clergé, et notamment, des scandales de pédophilie, est en passe de devenir un véritable phénomène de société. Il n’est pas étonnant qu’il se soit attiré des foudres de la part de Jarosław Kaczyński, le chef des nationalistes au pouvoir, qui a déclaré que « chaque coup porté contre l’Église et un coup porté contre la Pologne ».

Deux importantes conférences internationales, ayant trait à la littérature française et francophone, se sont tenues en 2018. La première, organisée en octobre à l’Institut des Langues Romanes et de Traduction de l’Université de Silésie de Katowice, portait sur « Stéréotypes, idées reçues et lieux communs dans les littératures d’expression française ». La seconde, portant sur « La figure du voyageur dans la littérature française du XVIIIe et du XIXe siècle », qui a eu lieu à Paris en décembre, a été organisée conjointement par le Centre scientifique de l’Académie Polonaise des Sciences à Paris, l’Institut d’études romanes de l’Université de Varsovie, le Centre de civilisation polonaise – Sorbonne et la Société Historique et Littéraire Polonaise/Bibliothèque Polonaise de Paris-Université. Notons également l’inauguration d’un accord de coopération entre l’Université de Varsovie et l’Université d’État d’Haïti par la venue à Varsovie du géographe, Jean-Marie Théodat, avec une série de conférences donnée à l’Institut de géographie et d’études régionales, Institut d’études ibériques et ibéroaméricaines et Institut d’études romanes. Cet accord de coopération, signé en juillet entre les deux universités, a pour objectif de promouvoir les échanges entre les enseignants et les doctorants ainsi que la mise en œuvre des projets de recherches communs autour de l’anthropologie, de l’histoire, de la géographie, des études littéraires en langue française et des études sur les langues créoles (y compris le créole haïtien) dont l’intérêt commence à se manifester parmi les linguistes polonais.

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