- Le nouveau chef du gouvernement, Andrej Babis - Ph : wikimedia commons - Jan Polak
POLITIQUE
La polarisation du discours politique, amorcée en 2016, a conduit à la scission au sein de la coalition gouvernementale. Le conflit entre le Premier ministre social-démocrate Bohuslav Sobotka et le ministre des Finances Andrej Babiš, chef du parti ANO, accusé de détournement de fonds européens, mais appuyé par le président de la République Miloš Zeman, a abouti, en mai 2017, à la démission du ministre. Les dissensions au sein du gouvernement entre le Parti social-démocrate, les chrétiens-démocrates et le parti ANO ont donné le ton des élections législatives. La campagne électorale a été influencée non seulement par les questions intérieures, mais aussi par celles qui ont animé les élections en France, Allemagne et Autriche : migration et rôle de l’Union européenne. Les résultats du scrutin du 21 octobre ont été pour le moins surprenants : des trois partis de la coalition sortante, c’est le parti ANO d’Andrej Babiš qui domine la nouvelle Assemblée avec 78 députés (près de 30 % des voix), alors que ses partenaires ont perdu sensiblement, notamment les sociaux-démocrates dont le score est de deux tiers inférieur (7 %) par rapport aux élections précédentes. La chute des sociaux-démocrates est analogue à celle du Parti communiste qui perd plus de la moitié des sièges (7 % au lieu de 15 %), alors que la droite traditionnelle - le Parti civique (ODS) - remonte la pente en retrouvant notamment l’électorat jeune de moins de 30 ans (11 %). Les jeunes électeurs et la génération des quadragénaires ont contribué à l’affirmation d’un parti émergent, anticonformiste, celui des Pirates, dont les idées libérales et modernistes abondent dans le sens de l’ouverture et de la transparence de la gestion (10 %). Un autre parti émergent qui entre à l’Assemblée est le Parti des Maires (5 %), composé de gestionnaires locaux réputés. L’extrémisme nationaliste et xénophobe du parti Liberté et Démocratie Directe (SPD) de Tomio Okamura n’a pas fait de score qui aurait correspondu à sa campagne fracassante (10 %). Le déclin de la gauche traditionnelle, la remontée de la droite et l’affirmation des nouveaux partis, parmi lesquels on peut compter aussi ANO, présent sur la scène politique depuis 2012 seulement, indiquent que la vie politique de la Tchéquie se trouve en phase de transformation. Les hommes politiques se trouvent, à la sortie du scrutin, devant une situation inédite. En effet, si la coalition sortante a été confirmée dans la somme des sièges obtenus, le recul des sociaux-démocrates au profit du parti ANO, sans doute considéré par l’électorat comme le porteur de la politique pragmatique du gouvernement, empêche la continuation. Pour composer son gouvernement, Andrej Babiš se trouve devant une chambre de députés fragmentée. Il lui sera impossible de composer ouvertement avec les communistes et les nationalistes de Tomio Okamura, alors tous les autres partis refusent de participer au gouvernement, et cela sans avoir la force de former par eux-mêmes la majorité requise. On s’achemine sans doute vers un gouvernement minoritaire, toléré par le SPD et le PC, éventuellement vers les élections anticipées que personne ne désire pour le moment.
L’issue va être indiquée sans doute par le résultat des élections présidentielles qui auront lieu en janvier 2018. Dans la campagne électorale, le président actuel qui brigue son second mandat fait face à huit autres candidats. Tous se présentent à titre personnel, sans avoir le mandat d’un parti. Le concurrent le plus en vue du président actuel est Jiří Drahoš, professeur de chimie et ancien président de l‘Académie des Sciences.
- Prague, une vie politique surprenante - Ph : Flickr - Tore Bustad
ÉCONOMIE
La croissance continue sur la lancée de 2016 et va dépasser cette année 4 %. L’excédent budgétaire de l’année passée ne sera pas sans doute pas égalé en 2017, mais le budget ne sera pas déficitaire. Les bons résultats de l’économie et du commerce ont permis à la Banque Nationale de mettre fin, en mai 2017, à la politique interventionniste qui avait maintenu le cours de la couronne tchèque à un niveau inférieur afin de favoriser les exportations. Les prévisions pour 2018 sont optimistes pour le moment, avec 3,5 % de croissance. Le taux de chômage, à moins de 4 %, est à son niveau historique le plus bas, les salaires, notamment dans le secteur privé, augmentent. Les mouvements de grève se sont manifestés surtout dans l’enseignement, à tous les niveaux, y compris les universités, avec, comme revendication les conditions salariales et le financement du secteur public. L’introduction de l’enregistrement informatisé de la T.V.A. dans les points de vente et les services a été une réussite du ministère des Finances en assurant une augmentation importante de la collecte de l’impôt. L’ombre au tableau : la structure de l’économie où le secteur automobile domine. Même si pour le moment les marques Škoda, Hyundai, Peugeot, Citroën ou Toyota poursuivent leur croissance (5 % par rapport à 2016), une transformation sectorielle serait souhaitable pour protéger l’économie des aléas du marché international, alors qu’elle dépend à 70 % des exportations.
SOCIÉTÉ
La Tchéquie a été l’un des derniers pays européens à interdire le tabac dans les établissements de restauration - restaurants, bars, cafés, brasseries. Les tergiversations parlementaires avaient été largement médiatisées une décennie durant. Un autre débat de longue durée avait concerné la limitation des panneaux publicitaires le long des autoroutes et des grandes voies. Dans le système scolaire, les discussions avaient été menées sur l’insertion des enfants inadaptés et handicapés dans le système des écoles. Désormais les trois lois controversées sont appliquées sans problèmes majeurs.
Deux grands anniversaires ont été fêtés. Le premier est celui de la Charte 77, pétition civique des dissidents qui avait ouvert la voie à la Révolution de velours en 1989 et à la chute du régime communiste en Tchécoslovaquie. Plusieurs activités ont aussi rappelé le Tricentenaire de la naissance de la reine Marie Thérèse, une grande réformatrice de l’Empire habsbourgeois et personnalité incontournable du 18e siècle.
Ces deux anniversaires restent toutefois à l’ombre des préparatifs du Centenaire de la naissance de la Tchécoslovaquie à l’issue de la Première Guerre mondiale, en 1918.
CULTURE et ENSEIGNEMENT
Une des manifestations francophones majeures est sans aucun doute la Semaine du cinéma français qui s’est déroulée du 22 au 29 novembre dans cinq villes – Prague, Brno, Ostrava, České Budějovice, Hradec Králové – avec, au programme, une rétrospective de Jean-Pierre Melville et une vingtaine de films, classiques et récents, tels Django d’Étienne Comar, L’Opéra de Jean-Stéphane Bron, Rock’n Roll de Guillaume Canet, Sage femme de Martin Provost, Ma vie de courgette de Claude Barras, Les Fantômes d’Ismël d’Arnaud Desplechin, Le Fidèle de Michaël D. Roskam.
Parmi les manifestations du mois de juillet, il importe de signaler l’Académie musicale franco-tchèque qui se tient régulièrement, depuis 2004, à Telč. Les cours de musique, dispensés par les spécialistes français et tchèques, visent à promouvoir le compositeur Bohuslav Martinů dont la vie et l’œuvre sont liées aux deux pays.
En littérature, deux traductions ont attiré l’attention des lecteurs tchèques : Rue des voleurs de Mathias Énard et La septième fonction du langage de Laurent Binet.
Le Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) dont le rayon d’action comprend l’ensemble de l’Europe Centrale et dispose d’une bibliothèque importante a réorienté la plupart de ses activités en direction des jeunes chercheurs et des études doctorales. À part les séminaires réguliers et les sessions de présentation des nouvelles publications en sciences sociales et humanités, il a lancé le Prix Jacques Derrida destiné aux meilleurs doctorants. En 2017 le prix et une bourse de recherche ont été attribués à Jana Kočková, de l’Université Masaryk de Brno pour son enquête sociologique sur les transformations de l’habitat des quartiers H.L.M. dans les pays ex-socialistes.
Du 17 au 20 mai, Prague a accueilli la 10e édition du Forum Mondial HERACLES qui réunit les Centres universitaires d’enseignement de français. Le congrès organisé par l’Université Charles et l’Université d’Économie a rassemblé une soixantaine d’universitaires sur le thème du français langue de spécialité.
Les contacts durables entre la France et la Tchéquie dans le domaine de l’enseignement ont été rappelés à l’occasion du lancement du livre de l’historien Jiří Hnilica Phénomène Dijon qui résume et analyse l’existence des « sections tchèques » dans trois lycées de France : Dijon (Lycée Carnot), Nîmes (Lycée Alphonse Daudet), et Saint-Germain-en-Laye. Le programme des boursiers tchèques, commencé en 1920, interrompu pour causes historiques entre 1939 et 1946, 1948 et 1966, 1973 et 1990, a repris avec succès après la chute du rideau de fer. Parmi les anciens des sections tchèques, on trouve plusieurs personnalités éminentes de la vie culturelle, économique et scientifique tchèque. Le lancement du livre a eu lieu à l’Ambassade de France à Prague en présence de l’ambassadeur, du ministre de l’Éducation tchèque (un ancien du Lycée Carnot de Dijon) et d’une centaine des anciens des sections tchèques.
- La réunion des sections tchèques à l’ambassade de France - Ph : Radio Prague
- Mars à l’Institut français, ici on sait fêter la francophonie ! Ph : Eva Konnkova - IF
Les Journées de la Francophonie de 2017 ont été organisées dans quatorze villes et localités. Dans le cadre des festivités, le programme du cinéma francophone a présenté par exemple la comédie franco-algérienne Né quelque part de Mohamed Hamidi, le policier belge La fille inconnue de Jean-Pierre et Luc Dardenne ou le drame québécois de Xavier Dolan Juste la fin du monde. À Prague, la soirée franco-tchèque de Poetry Slam a programmé le rappeur montréalais MC June. C’est à Prague aussi que l’Académie de Versailles, en collaboration avec le Collegium Marianum, a organisé une semaine de cours de performances musicales sur les instruments à cordes de l’époque de Louis XIV. Parmi les expositions, l’Arctique canadien en photos, les Calligraphies et les performances de l’artiste tunisien Inkman ont été les points saillants des festivités dans plusieurs villes qui ont participé aux activités de la Francophonie.