La santé et l’éducation sont des droits pour tous. Là où certains luttent pour la scolarisation des filles, d’autres se démènent pour leur maintien à l’école. À côté, il y a un tout autre phénomène qui prend de l’ampleur ; l’accès des filles à l’éducation est quelquefois limité ou menacé. Dans certaines zones, des filles ratent des cours pendant un peu plus de trois jours. Cela est causé par une précarité dans laquelle elles vivent au point de ne pas pouvoir bénéficier d’une hygiène intime adéquate.
« Quand tu as tes règles et que tu n’as pas de serviettes hygiéniques, tu es obligée de rentrer chez toi et cela perturbe tes cours puisque c’est difficile de se rattraper avec les explications de cours ». Ces propos sont tenus par A.Diallo, élève en classe de 3e au Centre d’enseignement moyen de Kénia.
Nous sommes à Ziguinchor, une région située dans la zone sud du Sénégal. Ici, certaines filles n’ont pas de quoi se payer des serviettes hygiéniques, elles sont alors confrontées à une situation des plus désagréables et inconfortables. Au CEM (Collège d’Enseignement Moyen) de Kénia, des jeunes filles la vivent depuis plusieurs années maintenant.
Entre les règles douloureuses et le manque de moyens des parents, elles essaient de trouver des solutions pour pouvoir « se protéger ». Pour Salimata, la solution est toute simple. « J’utilise des morceaux de tissus quand je suis en période de menstrues ». La première fois qu’elle est allée chercher de l’aide au niveau de l’administration de l’école, les surveillantes lui ont fait comprendre qu’elles n’ont malheureusement pas de serviettes à lui donner. Depuis ce jour, elle s’est rabattue sur les morceaux de tissus pour ses menstrues. Pour elle, c’est le moyen le plus adéquat pour se protéger. Elle s’y est habituée malgré les nombreux risques qui peuvent en découler.
Après plusieurs années vécue dans cette situation, elles ont pu bénéficier de l’aide de certaines structures notamment le Village d’enfants SOS de Ziguinchor qui après une formation, a fourni à plusieurs filles des serviettes hygiéniques lavables. Une aubaine pour ces jeunes filles qui voient enfin une chance de pouvoir étudier convenablement sans rater des cours. L’une d’entre elles soutient que les serviettes lavables sont plus adéquates et plus sûres même si elles ont une durée qui ne dépasse pas trois ans d’utilisation.
Ces jeunes filles évoluent toutes dans différents clubs mis en place par le corps professoral de leur collège. Du club Education à la Vie Familiale (EVF), en passant par le club des Jeunes Filles Leaders, elles font des causeries, elles assistent à des formations ou des sensibilisations visant à les conseiller, les guider, leur montrer comment faire face à cette situation. Toutefois, elles ne bénéficient pas d’aide venant de la mairie encore moins des autorités sanitaires ou celles de l’éducation nationale.
Heureusement pour elles, elles peuvent au moins compter sur Madame Bodian, surveillante au CEM Kénia, elle encadre des filles du club des Jeunes Filles Leaders. Elle est celle vers qui ces dernières se tournent quand elles en ont besoin. Cette femme les forme ou encore es prend sous son aile afin de leur apporter toute l’aide et tout le soutien dont elles ont besoin. Très touchée par la cause de ces filles qui vivent dans la précarité au point de ne pas pouvoir se fournir des serviettes hygiéniques, elle achète elle-même parfois avec la participation de quelques-uns de ses collègues, des serviettes hygiéniques ainsi que des médicaments pouvant atténuer les règles douloureuses afin de leur permettre de suivre les cours sans avoir à en manquer.
L’administration de l’école essaie de mettre la main à la pâte. « L’école (le Principal) avait proposé qu’on mette un stock de serviettes hygiéniques pour les filles juste au cas où elles en auraient besoin, mais jusqu’à présent rien a été fait ». Ces propos de Mme Bodian traduisent toute la peine qu’elle ressent en voyant la situation qui empire sans solution concrète.
La santé de la reproduction constitue un sujet sensible et également tabou dans certaines zones du pays. Alors, la question des menstrues qui est liée parfois à la culture met des barrières. Difficile pour ces filles de s’exprimer librement sur le sujet avec n’importe qui. Aujourd’hui, la situation s’améliore même si elle n’a pas totalement changé. Une meilleure implication des autorités est souhaitée par les élèves et le corps professoral afin de changer la donne.
Magor Dia, est un sociologue de formation, également coach en parentalité. Il a mis en place avec d’autres collègues, une association nommée Impact Social 221 dont il est le coordinateur. En réalité, Impact social est une organisation à but non lucratif créée par des travailleurs sociaux, sociologues et psychologues pour promouvoir le développement social à travers des actions qui impactent directement la vie des personnes, des familles et des communautés. L’organisation déroule tous les deux mois une activité sociale pour apporter son soutien à la couche vulnérable. D’ailleurs, « une collecte de serviettes hygiéniques a été lancée depuis le début du mois de mai pour lutter contre la précarité menstruelle. Le choix de cette collecte s’est fait suite au constat que nous avons fait concernant des filles qui sont en situation de précarité menstruelle très avancée ».
Tout comme ces jeunes filles du CEM de Kénia, cette condition est vécue par plusieurs autres femmes que cela soit à la maison, dans les prisons, ou également dans la rue, c’est partout au Sénégal que ce constat est fait. Cette organisation mise en place par des jeunes à la fois dynamiques et engagés pour la bonne cause a réussi à collecter un certain lot de serviettes hygiéniques. « Nous avons ajouté à cette collecte (de serviettes hygiéniques) une collecte de vêtements pour toujours permettre à ces filles en situation de vulnérabilité de ne pas se sentir seules ».
Œuvrant pour toucher positivement le maximum de personnes vulnérables, Impact Social 221 appelle « tous les Sénégalais à faire un geste pour impacter le social ». Car pour eux, « il y a des personnes qui se soucient de leurs (les personnes vulnérables) conditions de vie et qui feront tout pour les accompagner à vivre dans la dignité ».
Article écrit dans le cadre de la création d’un réseau international de jeunes journalistes enquêtant sur les Objectifs de développement durable afin de sensibiliser les populations au respect de ceux-ci.
Organisation Internationale de la Francophonie ; Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France) ; Ministère de la Francophonie (Québec) : Principauté d’Andorre.
Avec le soutien de l’École supérieure de journalisme de Lille (France) et de l’Institut francophone du Développement durable (Québec).