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UKRAINE - Budget 2024 : gagner pour survivre ?

UKRAINE - Budget 2024 : gagner pour survivre ?

2 novembre 2023 - par Olesia Tytarenko 
 - ©Pixabay
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Ces derniers temps, parallèlement aux bombardements quotidiens de villes ukrainiennes, à une nouvelle vague d’attaques sur Avdiivka, dans le Donbass, et à la situation dans la bande de Gaza, les médias ukrainiens analysaient un essai publié dans le magazine américain Time sur le président Zelensky et “ses efforts pour maintenir l’Ukraine dans le combat". La réputation ambiguë de l’auteur de l’article, l’image du président ukrainien tissée d’épuisement, de colère et de foi inébranlable dans la victoire et l’interprétation des problèmes internes liés à la corruption, à la mobilisation et aux cadres dirigeants de l’État ont été discutées avec une certaine déception vu que l’Ukraine et son peuple ont été une fois de plus présentées dans la presse de manière peu flatteuse. “Ils m’ont directement demandé : si on ne vous aide pas, que se passe-t-il ?” se souvient Zelensky. "Ce qui se passe, c’est que nous allons perdre”. L’auteur de l’article cite une conversation entre le président ukrainien et ses alliés sur la nécessité de poursuivre l’assistance militaire à l’Ukraine.

Compte tenu du déficit budgétaire ukrainien et du fait que presque toutes les recettes intérieures sont aujourd’hui consacrées aux besoins de l’armée, il est impossible de se passer de l’aide occidentale également dans le domaine socio-économique. En Ukraine, personne ne le nie.
Cependant, lorsque la lutte pour le pays et sa rationalité pour quelqu’un sont proportionnelles uniquement aux désirs ou aux convictions d’une personne ou d’un groupe, malgré leurs mérites indéniables, aux Ukrainiens, cela semble au moins injuste. 
Des milliards de hryvnias donnés par la population pour l’armée, la restauration progressive de l’économie nationale et près de 50 % des citoyens ukrainiens s’opposant aux concessions à la Russie au nom de la paix à tout prix et étant prête à endurer des conditions socio-économiques difficiles à cause de cela en disent long, n’est-ce pas ?

Le 19 octobre, le parlement ukrainien a adopté le projet de budget pour 2024 en première lecture. 285 députés de la Verkhovna Rada, dont la majorité sont des représentants de la faction “présidentielle” du “Serviteur du peuple”, ont soutenu le document, selon lequel des revenus d’un montant de 1,7 trillion de hryvnias sont prévus, les dépenses s’élèveront à 3,3 trillion de hryvnias et la limite du déficit est fixée à 1,6 trillions de hryvnias. Cependant, il convient de garder à l’esprit que le Cabinet des ministres doit désormais prendre en compte les conclusions et les propositions. Le vote final du budget 2024 devrait avoir lieu au Parlement vers le 20 novembre.

La principale caractéristique de ce budget réside non seulement dans l’accumulation de ressources maximales pour le secteur de la sécurité et de la défense, mais également dans la création des conditions nécessaires à la relance du complexe industriel de défense national. Il s’agit donc d’un budget visant à développer l’économie pour la victoire”, c’est ainsi que le ministre des Finances Serhiy Marchenko a décrit le document lors de la présentation du projet de budget au parlement.

Cependant, les économistes ukrainiens s’accordent à dire que le budget de l’année prochaine n’est pas une question de victoires ou de percées, mais une question de survie.

Olena Korobkova, économiste, présidente du conseil d’administration de la “Ligue des banques d’Ukraine” lors d’une conférence de presse à Media Center Ukraine a souligné qu’en 2024 “il y aura une augmentation du salaire minimum de 16 % et d’ici à la fin de l’année, il s’élèvera à 8 000 hryvnias, et la pension minimum augmentera de 13 % et s’élèvera à 6 000 hryvnias d’ici à la fin de l’année”. 
Selon elle, ce sont des mesures essentielles, qui nécessiteront toutefois 40 milliards de dollars de financement extérieur. 
Ce sont d’ailleurs eux, avec les impôts qui seront collectés à l’intérieur du pays et dont la part du lion reviendra au secteur de l’armée et de la défense, selon le projet de budget du gouvernement, qui constitueront un élément clé des revenus pour 2024. 
En réalité, ce sont les injections extérieures grâce auxquelles le gouvernement peuvent remplir pleinement ses obligations sociales. Par exemple, elles permettent d’indexer les retraites, payer intégralement les salaires des enseignants ou verser des subventions.

Selon certains experts, comme Oleg Pendzyn, directeur du Club de discussion économique, cet argent est primordial, cependant est politiquement motivé. Autrement dit, lorsqu’elles espèrent une aide financière de l’UE, les autorités ukrainiennes doivent prendre en compte le facteur de la Hongrie ou de la Slovaquie, et lorsqu’elles parlent d’injections financières américaines, elles doivent tenir compte des élections présidentielles aux États-Unis en 2024.

Autrement dit, derrière chaque centime d’aide se cachent des exigences politiques. Ils sont décrits de la manière la plus détaillée dans le mémorandum avec le FMI, dans une moindre mesure dans une lettre du Département d’État américain contenant une liste de réformes que l’Ukraine doit mettre en œuvre, y compris des réformes impopulaires - comme la fixation des prix et des tarifs des sources d’énergie pour la population au niveau du marché. Mais le principal problème est qu’il n’y a pas encore de garanties quant à la réception de ces fonds", a souligné l’économiste.

Selon les experts, tout retard dans l’assistance macrofinancière entraînera l’émission monétaire et, par conséquent, une augmentation de l’inflation, une baisse du PIB et une dévaluation de la monnaie nationale.

Qu’arrive-t-il aux taux d’inflation cette année ? La Banque nationale a amélioré ses prévisions pour la fin de l’année en cours de 10,6% à 5,8%.
Parmi les raisons figurent l’insuffisance des exportations de céréales de l’Ukraine, qui entraîne une baisse des prix dans le pays, une récolte assez bonne malgré les bombardements et la perte temporaire de terres, la politique équilibrée de la Banque nationale et les prix réglementés des services publics.

Il est à noter que les prix du chauffage et du gaz n’augmenteront pas avant la fin de la saison de chauffage en Ukraine, il en va de même pour l’eau chaude et froide. Mais il faut souligner que les factures d’électricité cette année ont presque doublé.

Il est intéressant de noter qu’en août 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé des lois introduisant un moratoire sur l’augmentation des tarifs des services publics. Selon ces documents, pendant la loi martiale et six mois après sa fin, les prix du gaz, du chauffage et de l’eau chaude en Ukraine ne changeront pas.

Pourtant, l’année prochaine, l’inflation sera plus élevée. La Banque Nationale donne une prévision de 9,8% sur la base des résultats de 2024. L’accélération de la croissance des prix aura également ses raisons, dont la poursuite de la guerre en Ukraine, l’augmentation du niveau de salaire moyen et la hausse des prix des services publics.

En 2022, selon l’économiste Oleg Pendzyn, les Ukrainiens ont perdu 25 % de leurs revenus réels. En 2023, environ 60 % des entreprises ukrainiennes n’augmenteront pas leurs salaires. "Oui, une inflation de 7,2%, c’est bien, mais si votre salaire n’augmente pas, vous perdez des revenus réels. Par conséquent, le fait que l’année prochaine, il soit prévu de doubler le salaire minimum et d’indexer les pensions selon la nouvelle idéologie signifie que ce n’est qu’une étape forcée, car le seul marché pour le développement de la production nationale est le marché intérieur", estime Pendzyn.

Dans cette situation, selon Yuliya Markuts, la dirigeante du Centre d’analyse des finances publiques de l’Ecole d’économie de Kyiv, la seule solution, c’est de répondre aux demandes des partenaires, d’accélérer les réformes qui sont actuellement une condition pour bénéficier de l’aide budgétaire. "Nous ne pouvons pas nous permettre d’émettre de l’argent, car c’est une condition de la coopération avec le Fonds monétaire international. Par conséquent, si nous avons des problèmes avec le FMI, il y aura des problèmes avec l’aide des États-Unis, du Canada et du Japon”, résume-t-elle. 

Il ne fait aucun doute que l’aide à l’Ukraine constitue une charge supplémentaire pour le budget de l’UE et pour les budgets nationaux des pays alliés. Toutefois, cela ne doit pas nécessairement être le seul moyen de soutenir l’Ukraine. C’était la Belgique qui est devenu le premier pays à proposer la méthode alternative. 

Lors d’une conférence de presse conjointe avec le président Volodymyr Zelensky, le Premier ministre belge Alexander De Croo a annoncé que la Belgique a l’intention de créer cette année un fonds spécial pour soutenir l’Ukraine d’un montant de 1,7 milliard d’euros provenant de la taxation des avoirs russes gelés dans le pays. Ce fonds servira, par exemple, à l’achat d’équipements militaires, à l’aide humanitaire et à l’assistance macrofinancière. 

Quelques semaines plus tard, lors du dernier sommet à Bruxelles, les dirigeants de l’UE ont aussi approuvé l’affectation de milliards d’euros de bénéfices provenant des avoirs russes gelés à l’aide à l’Ukraine.Il est prévu que début décembre, la Commission européenne légalise cette décision.

Le problème c’est que, d’après le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, les États-Unis et l’Union européenne recherchent actuellement des bases juridiques pour le transfert de 300 milliards de dollars russes vers l’Ukraine. En plus, la plupart de ces actifs ne se trouvent pas aux États-Unis, mais en Europe. Cela représente près de 300 milliards de dollars.

Selon des sources du Washington Post, les autorités américaines et de nombreux pays de l’UE qui soutiennent Kiev se sont récemment heurtées à des obstacles de plus en plus sérieux à l’allocation de nouveaux fonds pour l’aide à l’Ukraine, sans toutefois être liés à des difficultés budgétaires. Par conséquent, le transfert des impôts sur les avoirs russes gelés, tant pour le budget ukrainien que pour les pays partenaires, constitue actuellement une bonne solution.

Après tout, pour être franc, c’est la Russie qui devrait payer.

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