le 10/03/18
... avec "Une fille d’Alger"*, roman en noir et blanc
Si j’écrivais à la plume d’oie noyée dans l’encre de Chine le papier serait maculé de taches rondouillardes tant je tremblote devant ma feuille blanche. Fort heureusement, le clavier purifie les écrits, quitte à, parfois, les rendre froids. Pourquoi, diable, me sens-je obligé d’introduire mon texte par ces lignes d’autoflagellation ? Chut, ne le répétez à personne. Je m’embarque dans une aventure qui me dépasse, un dérapage incontrôlé à fond de 5e, avec comme copilote un champion finlandais dont le regard félin glacerait d’effroi n’importe quelle proie. Je vais oser, malotru que je suis, donner mon interprétation d’Une fille d’Alger de Jean-Michel Devésa. Qui suis-je pour cela ? Tout aurait dû me contraindre à m’abstenir. Pourquoi ?
Avant tout, car j’ai le plaisir de connaître cet homme, depuis peu, certes, mais comment prétendre à l’objectivité quand on a partagé des moments de convivialité et commencé à élaborer ensemble des idées pour une prochaine édition de l’Année Francophone Internationale ? Heureusement qu’à l’objectivité, je préfère l’honnêteté intellectuelle. Faites que je parvienne à m’approcher de celle-ci. Ma gêne tient aussi au fait que je me suis parfaitement éclaté à la lecture de cette Fille d’Alger. Qu’il ne me vient au bout des doigts que des superlatifs, des feux d’artifice et des parfums enivrants. Dire du bien, du très bien, de l’œuvre de quelqu’un qui nous inspire le respect tangente le copinage. J’assume. Mais par conscience professionnelle, je vais toutefois tenter de justifier mon enthousiasme :
Sans doute ma première réflexion vient de mon attirance pour la photographie des Capa, Izis ou Dickey Chapelle. Je ne peux m’empêcher de penser que Jean-Michel Devésa écrit en noir et blanc ! Comme un reporter, il a vu ce qu’il décrit, cela ne fait aucun doute. Je n’en démords pas même si les faits et les dates sont têtus. Sa toile de fond est écrabouillée de soleil, la sueur des corps qu’il dépeint sans détour mouille jusqu’au papier du livre, les odeurs de poudre, de sang et de larmes picotent les narines page après page, les sexes ne se donnent et ne se prennent que dans une banale violence... Rien, rien n’apparaît purement romancé, il écrit sur le principe de l’Instant décisif cher à Cartier Bresson qui tend à harmoniser le fond et la forme pour idéalement composer son image. Pourtant, il est écrit « Roman » sur le papier ivoire de la couverture. Roman, certes, mais pas romancé ! Roman brut et sophistiqué comme le sont les vies des gens ordinaires pris dans l’extraordinaire d’une guerre qui hésite entre civile et militaire. Cette fin de guerre d’Algérie, car là est le nœud du désastre, est décortiquée au scalpel. L’histoire puante de ces quelques mois courant de 1960 à 1962, fracture ouverte qui n’est aujourd’hui que partiellement et maladroitement refermée, moment où des Français pas tout à fait français abandonnent des Algériens plus tout à fait algériens, temps suspendu qui fait que l’Histoire de la Méditerranée s’est rougie de sang et de honte... Le noir et blanc transcende le rouge sang.
Devésa construit son récit grâce à de longues phrases ; longues comme des plans séquence au cinéma. Le lecteur retient sa respiration, poursuit la lecture, halète, doit tenir encore 3 ou 5 lignes, sacrebleu où est donc la ponctuation ? Le lecteur est pris à la gorge. Pourquoi l’écrivain lui permettrait-il de respirer puis qu’irrespirable est la vie des personnages. L’empathie est à ce prix. Tous naviguent en dessous de la ligne de flottaison : Hélène Samia, pensionnaire privilégiée d’une maison close, ouverte à tous les faux-culs, les détraqués et les gentils paumés. Hélène Samia, sorte de Claudia Cardinale, tantôt lucide et froide, tantôt ingénue, amoureuse d’un malfrat stylé qu’aurait pu incarner le jeune Jean Gabin. Autour de ce couple si éloigné de Roméo et Juliette, cohabite une galerie de cabossé. e. s, de profiteurs sans scrupules, de types en perdition et de filles qui n’existent que par et pour leurs formes. L’histoire tourne autour de la vie de l’Andalouse, ce bordel luxueusement glauque où l’Alger des militaires, des vendus, des salopards, des malhonnêtes commerçants et des hommes à vie multiples - les « gibiers » comme les appelle Hélène Samia - se retrouvent bouches bées devant des poules qu’ils s’approprient à coup de biftons et parfois d’amours ambigus. Immuable comédie humaine que cette Andalouse, mais voilà, 1962 sonne la fin d’une tranche de vie pour les uns, tranche de survie pour d’autres. 1962, le moment choisi par les Algériens, certains Algériens, pour sortir les couteaux et brandir la révolte. Pour les « Pieds noirs » et les traîtres à la patrie algérienne, l’heure de partir, de fuir, a retenti. Fissa ! Les lents, les hésitants et les têtes brûlées seront irrémédiablement retrouvés le petit matin venu au fossé, égorgés ou perforés de plomb. Le « grand nettoyage » comme l’écrit Devésa. Des bateaux quittent Alger... direction Marseille ou Bordeaux. Comme le dernier métro de Paris ou d’ailleurs, malheur à celui qui les manque.
À ce tragique sois-disant romancé, Jean-Michel Devésa ajoute, par pincées, des souvenirs personnels. Décalage dans le temps, pas de côté. Lui qui, dans les années 80, fut enseignant sur la terre algérienne encore à vif quand elle « se travoltissait alors qu’avec Khomeyni l’Iran se révoltait ». Partir en Algérie, pour un jeune universitaire politiquement engagé était une incontournable expérience. Tout comme le départ au Congo dit Brazzaville quelques années plus tard. Partager avec les populations ces moments où la colonisation n’était plus structurelle, mais où les pays, soi-disant libres, n’étaient pas encore émancipés - le sont-ils aujourd’hui ? - Tenter de comprendre ce qui pouvait les emporter vers un avenir de progrès social ou constater tristement qu’on n’effacerait pas des siècles de soumission en quelques décennies. Imbroglio assuré.
Imbroglio que l’on retrouve dans Une fille d’Alger. Tel un enchevêtrement de points de vue. Réalité et fiction se croisent, se tamponnent, se repoussent.... le FLN, de Gaulle, Susini, Lili Boniche, Pépé le Moko, l’OAS, le chaâbi, l’Antésite, Sidi Ferruch, les perruches de Zoubida... le lecteur est immergé dans un univers daté et situé où les contradictions s’entrechoquent. La liberté du romancier épouse avec pertinence l’acuité de l’entomologiste. Devésa trimballe une loupe grossissante sur les bosses et les creux de ces personnages. J’insiste et reviens sur le noir et blanc, celui des photographes taillés pour le reportage sans fioritures. Pas n’importe quel reportage : le sensible, l’engagé, celui qui plonge « la plume dans la plaie » selon la formule d’Albert Londres, journaliste peu adepte de la notion d’objectivité. Encore un, le précurseur ! Jean-Michel Devésa appréciera sans doute fort peu le compagnonnage que j’établis entre son œuvre romanesque et le journalisme. Je le comprends. Pourtant, en rencontrant la Fille d’Alger j’ai tant appris sur cette période en noir et rouge que je ne peux m’empêcher de lire le roman comme un carnet de notes. Je m’en excuse. Et puis non, même pas. J’assume mes dérapages incontrôlés.
Abordez La fille d’Alger sans détour. Pour ceux qui se demandent encore pourquoi les relations entre la France et l’Algérie sont si torturées et tortueuses, épidermiques et incandescentes... une partie des réponses s’y trouve. Et, zeste de citron sur un Mkhabez, quelle écriture ciselée... une écriture coup de massue et ciselée ! Point mort, frein à main. Je suis à l’arrêt.
*Une fille d’Alger - Jean-Michel Devésa - Mollat
le 16/04/17
... avec Yannick W.J. Nambo
Au moment d’écrire ces lignes, je suis submergé par un doute. J’ai beau m’interroger, prendre du recul, feuilleter mes notes, refeuilleter mes notes, je ne parviens pas à me décider. Dois-je brosser le portrait de l’auteur et donc de l’homme, Yannick W.J. Nambo, ou plutôt m’attacher au personnage vedette de son roman, Malvo. Question piège. Pas de réponse. Mais pourquoi suis-je confronté à un tel cas d’indécision devant mon écran blanc ?
Sans doute, car Malvo est Yannick ! Ou plutôt son double un brin maléfique. Et puis, non. Penser ainsi est idiot, Yannick n’a rien de commun avec Malvo. Excepté son physique, son envie irrépressible de sauver le monde et son africanité source de fierté et de révolte. Ça fait déjà pas mal de points communs, finalement. Mais non, ça ne va pas. Assimiler les deux est trop simpliste. Reprenons.
Yannick W.J. Nambo est un type droit, direct, aimant autant l’engagement public que la discrétion. Il est absolument obsédé par la justice ; le droit des uns et surtout des autres ; l’expression de la démocratie ici et davantage ailleurs, en Afrique subsaharienne par exemple ; la jeunesse, celle qui à tort ou à raison se sent déracinée, exclue et est tentée par la violence. À cette violence de la jeunesse à l’avenir chaotique ou des peuples privés de démocratie, Yannick W.J. Nambo répond en s’engageant. Avec douceur, mais fermement, totalement : Au sein d’une mairie où il eut en charge le service jeunesse ou en créant une organisation observatrice du respect des droits démocratiques dans certains pays africains. Ceux où les gouvernants prennent quelques libertés avec le résultat des élections. Direction, le Gabon... pays phare des pratiques de gouvernance autoritaire sous un maquillage de démocratie qui ne trompe personne. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir comme dit l’adage, pratiqué avec constance et performance par ladite communauté internationale. (Mais celle-ci existe-t-elle vraiment ? Vaste débat...). Pour satisfaire ce besoin de justice, Yannick W.J. Nambo débat, se débat, entreprend, construit et déconstruit, s’associe, trie et écoute son instinct façon gros chat.
Malvo est un rouleau compresseur classieux ! Un brin schizophrène tendance Jekyll et Hyde ! À l’instar de son créateur, il est absolument obsédé par la justice ; le droit des uns et surtout des autres ; l’expression de la démocratie ici et davantage ailleurs, en Afrique subsaharienne par exemple ; la jeunesse, celle qui à tort ou à raison se sent déracinée, exclue et est tentée par la violence. À cette violence de la jeunesse à l’avenir chaotique ou des peuples privés de démocratie, Malvo répond en s’engageant. Là s’arrête la comparaison, car question moyen pour parvenir à ses fins, Malvo dépasse, surpasse, outrepasse Yannick. Malvo est un avocat sans foi ni loi. Il résout, nettoie et se casse. Capable de pactiser avec le diable si besoin s’en fait sentir. Charismatique au point de délepeniser l’esprit et le cœur de la gourou du mouvement en question. Personnage tarantinesque, qui ferait les beaux jours des salles obscures. (Avis aux producteurs !) Malvo ne gravit pas les marches, il les avale goulûment recrachant les dégâts collatéraux comme on recrache les pépins d’une papaye. Un type qui inspire autant le respect que la crainte. Malvo écoute son instinct façon loup dominant.
Voilà ce qui me gênait. Je devais détricoter l’histoire du chat et du loup. À chacun ses méthodes... Ce qui est certain, Yannick W.J. Nambo est vraiment un type bien. Malvo, lui... c’est du cinéma, pardon, du roman. Le cinéma viendra...
le 17/01/17
... avec Béatrice Blanchard-Duhayon
L’assurance est au cœur de l’économie. C’est pourquoi l’Association Internationale des Établissements Francophones de Formation à l’Assurance occupe une place de choix au sein du RAPF*. L’assurance concerne toutes les strates de la société, les catégories sociales et les activités professionnelles. Elle est transversale ! Certes le sujet n’est pas lumineux au premier abord, l’ensemble semble même un brin nébuleux, mais voilà, il existe des personnes qui vous parlent de ce monde avec un enthousiasme qui vous conduit à vous pincer afin de vérifier que vous ne rêvez pas. Béatrice Blanchard-Duhayon est de celles-là. On comprend vite pourquoi elle représente l’AIEFFA aux quatre coins du monde francophone.
Nous voilà dans un café proche du jardin du Luxembourg à Paris. C’était quelques jours après un séminaire tenu par l’association à la Faculté de Droit de l’Université de Montpellier. Les participants y abordèrent des sujets aussi divers que « l’évolution du risque climatique et les conséquences sur l’assurance » ou « la distribution de l’assurance et les nouveaux enjeux de la formation ». Si ce dernier n’est pas directement abordable pour le néophyte, le premier thème attire l’attention du moindre curieux. Le réchauffement climatique provoque cataclysme sur cataclysme. Ces tragédies défilent sans fin sur nos écrans de télévision, personne ne peut s’en désintéresser. Les assureurs ont, pour sûr, un rôle de premier plan à jouer. C’est pourquoi Béatrice Blanchard-Duhayon est intarissable sur une des missions de l’AIEFFA : l’existence d’un réseau d’assureurs aux pratiques cohérentes et connues de tous. Sont concernés le marché nord américain au travers du Québec, la France, la Belgique, le Liban, le Maghreb et au premier chef le Maroc qui se rêve en hub de l’Afrique et l’Algérie qui souffre de ne pas avoir de bourse. Si le rôle de l’AIEFFA est si primordial, c’est qu’elle remplit des missions qu’on pourrait penser dévolues aux États. Celles de la régulation du marché de l’assurance et le contrôle de l’application du code des assurances. Domaines abandonnés par les puissances publiques. 14 pays regroupés au sein de la CIMA (Conférence Internationale des Contrôles d’Assurances) qui forment, dans chaque pays, des professionnels jusqu’au niveau de la licence avant de regrouper les meilleurs dans une école de niveau master à Yaoundé au Cameroun. L’Institut International des Assurances fait éclore les cadres dirigeants et organise un réseau francophone apte à concurrencer l’armada anglo-saxonne !
Voilà pour le cadre ! Béatrice Blanchard-Duhayon est parfaitement consciente que l’AIEFFA doit encourager les actions de terrain, parfois un terrain difficile ! Trop de personnes, selon elle, pensent que le concept d’assurance n’est lié qu’aux personnes riches ou aux activités économiques qui dépassent le « commun des mortels ». Il faut donc redescendre au niveau de la vie du plus grand nombre...
Comment apporter des services fiables à une population africaine toujours plus nombreuse qui s’assure par téléphone ? Comment établir des contrats de « micro-assurances » afin de protéger le plus grand nombre et diminuer le nombre d’exclus du système ? En innovant ! Dans le milieu agricole par exemple où il est préférable d’anticiper les catastrophes plutôt que les indemniser une fois les récoltes perdues. Les assureurs préfèrent financer des vols de drones qui permettent d’analyser les sécheresses afin de fournir du fourrage en temps voulu plutôt qu’indemniser les paysans une fois le bétail mort ! Autres exemples à développer : la création d’une assurance d’état comme au Cameroun et au Sénégal qui permet aux paysans d’acheter leurs graines sans passer par une banque qui ne manque pas de « profiter » des dettes. Ou, comme en Côte d’Ivoire, la mise en place avec la Banque mondiale d’un « bouclier » pour protéger les femmes artisanes.
Être concret, voilà l’obsession de Béatrice Blanchard-Duhayon. S’il est un pays qui a besoin de concret, c’est bien le Liban, patrie du président de l’AIEFFA. L’arrivée massive de réfugiés dans ce petit pays meurtri par la géopolitique est un défi à relever pour la société civile. Une initiative pensée par l’association permettrait d’inclure des réfugiés aux compétences professionnelles reconnues dans la société libanaise. Combien de médecins, d’infirmières, d’ingénieurs ont trouvé refuge au Liban, leur proposer de retrouver une dignité et des moyens d’existence en leur ouvrant les portes du marché du travail... rien de plus concret, non ? L’assurance est au cœur de l’économie !
*Réseau des Associations Professionnelles Francophones
le 13/12/16
… avec David Pougnaud
Ne souhaitant rien cacher, je me dois de reconnaître que David Pougnaud n’est pas une rencontre comme les autres. C’est un ami. Je vais donc tenter de rester objectif – cela existe-t-il ? Fort heureusement pour moi, je crois que non. Mais que voulez-vous, est-ce de ma faute si David est un type génial, drôle et bouillonnant d’idées. Ce serait une faute professionnelle d’écrire le contraire !
Me voilà donc chez lui à Angoulême, ville qu’il aimerait voir mieux profiter de ses atouts artistiques. Reprochant à certains – à beaucoup – d’être un brin « plan-plan », David se doit d’être actif. Sinon que signifieraient ses critiques ? Sa dernière agitation neuronale est visible sur la toile. Elle est née d’une blessure très personnelle qui lui a valu d’entrer en possession d’une petite somme d’argent dont il se serait bien passé et surtout qu’il voulait absolument utiliser avec intelligence. Certains allument des bougies ou prient, lui, pour qu’une petite flamme continue à éclairer le monde il a souhaité créer. Si David est un touche-à-tout, il y a aussi quelques constantes dans son jeu : la parole, l’engagement, l’Autre.
Voilà qu’il s’est mis en tête qu’il allait tourner des « pastilles », vous savez ce que la télévision appelle des programmes courts. Elles sont insérées le soir entre la météo et la publicité – ou remplacent la publicité – parfois elles sont à picorer au cœur d’une émission comme des instants de sourire et de réflexion. Mais que peut donc apporter David au grand cirque parfois lourdaud et exaspérant de la télévision ? L’idée est de poser une question simple, par exemple, « à quoi ça sert le rock ? » à des individus qui n’ont pas encore ou qui n’ont plus le défaut de faire des réponses préfabriquées ! Les questionnés ont moins de 10 ans ou plus de 70, des âges où il n’est pas nécessaire d’être juste ou correct. ! Ils habitent Angoulême, une ville où une certaine douceur de vivre plane encore. David s’extrait ainsi du brouhaha ambiant, de la violence sous toutes ses formes qui envahit nos écrans même ceux bien intentionnés.
À quoi ça sert l’amour ? L’histoire ? De manifester ? De gagner au loto ? De voyager ? La mémoire ? Autant de pastilles prêtes à être montées et montrées. Tout est prêt. Pour que la « petite lumière » de David connaisse une diffusion méritée (je suis objectif, bien entendu !) il suffit de voir, de partager, de faire connaître... jusqu’à ce qu’un média soit tenté de la programmer. David n’est pas un naïf, il sait que le fantasme du partage sur internet ne conduit pas souvent à décrocher la timbale. Il sait prendre son temps, il est Angoumoisin que diable ! Mais, il ne serait pas contre la réussite de son aventure ! Son karma de touche-à-tout, tranquille et génial (j’y tiens, en toute objectivité !) l’accepterait sans effort ! Latcho Drom* Mathilda !
Contr@st - Mathilda Prod
* Bonne route en rom
le 4 /12/16
... avec Léonce Houngbadji
Le Bénin file un mauvais coton
Ce devrait toujours être un plaisir que de rencontrer un auteur de l’Année Francophone Internationale. Ce mercredi 30 novembre, dans le hall d’un hôtel parisien, m’attendait Léonce Houngbadji, promoteur du journal béninois Notre Voix et plume de l’AFI depuis une dizaine d’années. Bien que parfaitement conviviale, la rencontre était motivée par une bien sombre affaire dont nous aurions bien pu nous passer. Surtout lui... Nous remettrons le plaisir à plus tard.
Résumons ! Depuis quelques jours Léonce Houngbadji est la cible d’intimidations en tous genres, jusqu’aux menaces de mort, proférées par quelques obscurs oiseaux de proie au service d’un pouvoir qui ne dit pas son nom. Après avoir porté plainte contre X auprès du Procureur de la République de Cotonou, Léonce Houngbadji s’est envolé pour Paris. Histoire de prendre un peu de recul, répondre à quelques sollicitations professionnelles et rencontrer des députés européens. Les soutiens hauts et clairs ne se bousculent pas au portillon. Il faut dire que Léonce Houngbadji ne s’est pas lancé dans une croisade contre n’importe qui ! Juste contre le président de son pays... Il est convaincu que Patrice Talon applique à la lettre ce qu’il expliquait tranquillement au journal le Monde Afrique du 20 mai 2016 : « Ça va vous choquer, mais ce que je fais, c’est d’abord pour moi-même. Je pense à moi tout le temps. »
Le nouveau président du Bénin serait selon Léonce Houngbadji en train de faire main basse sur les richesses du pays dans une relative indifférence, la majorité des personnages clefs du pays ayant été « arrosés » par l’affairiste devenu président depuis de longues années tant et si bien qu’ils sont aujourd’hui en mauvaise posture pour dénoncer la moindre malversation. Ainsi personne ne trouverait à redire quand les marchés publics tombent dans l’escarcelle des entreprises Talon, quand les richesses sonnantes et trébuchantes migrent vers la Côte d’Ivoire ou les pays du Golfe et quand la pauvreté d’un peuple, déjà criante, s’accroit aussi vite qu’une épidémie. L’analyse de Léonce Houngbadji est que le pouvoir en place sait que ni le peuple, ni la communauté internationale ne tolèreront longtemps cette situation. Le président Talon serait dans une course contre la montre, ne souhaitant même pas obligatoirement aller au bout de son mandat. Il lui faudrait juste le temps de devenir l’homme d’affaires qu’il a toujours souhaité être. Ne plus seulement être l’homme du coton et du port de Cotonou, mais enfin être à la tête d’une « holding » internationale, multi-activités. Ni la politique, ni même le pouvoir ne seraient son carburant. Juste business !
Mais personne ne réagit ?
Léonce Houngbadji me parle avec conviction, sans emphase, sans hausser la voix. Il est calme malgré la dureté de son propos. Je n’ai pas les moyens de « recouper ou croiser les informations » comme on dit dans les milieux journalistiques. Je me sens désarmé. Les accusations sont graves. Je tente un « mais personne ne réagit ? » Là, Léonce Houngbadji lâche l’argument massue, celui qui ne peut qu’interroger les démocrates du Bénin et d’ailleurs. Le pouvoir de Cotonou a fait fermer 6 chaines de télévision et une radio dont deux appartiennent à Sébastien Ajavon, autre homme d’affaires, arrivé 3e à l’élection de mars 2016. 7 médias fermés en quelques jours. C’est un fait, pas une intuition ou une crainte, un fait. Quid de Notre Voix ? Dans ce contexte, la survie du journal, clairement un média d’opposition, n’est-elle pas en question ? Léonce Houngbadji reconnaît que les partenaires commerciaux sont de plus en plus retissant à soutenir l’empêcheur de tourner en rond. L’équipe est motivée et les salaires tombent... pour le moment. Notre Voix a quelques mois devant elle, mais à terme, elle baissera pavillon, c’est certain.
Bien que conscient de la situation instable qu’il vit, ainsi que ses équipes, Léonce Houngbadji enfonce le clou. Le voilà depuis cet été à la tête d’un parti politique qu’il a créé, le Parti pour la Libération du Peuple (PLP). Un pas de plus allègrement franchi vers le journalisme engagé, pour le moins. La nécessité absolue de vivre dans une société juste, sa foi vissée au cœur et le désir viscéral de s’engager pour autrui conduisent Léonce Houngbadji à prendre des risques et à se lancer dans l’arène politique. Il sait que la jeunesse compte sur lui et qu’une bonne partie de la société civile béninoise partage ses craintes et ses analyses sans encore oser se lever et faire front. A-t-il l’âme d’un « leader » ? Saura-t-il l’être ? Contre vents et marées ? Un point est certain, il a dépassé le cadre du « simple » journaliste. Il est sorti du bois, d’où les menaces explicites qu’il reçoit. Écartant l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, Léonce Houngbadji repart au plus vite au Bénin, Ce samedi, il était attendu à une grande réunion politique organisée par le parti de l’ancien président Boni Yayi qui lui offrait une tribune. Les doutes voire même le combat menés par Léonce Houngbadji commencent-ils à faire tache d’huile ?
Comme s’il fallait un autre fait pour me convaincre, Léonce Houngbadji me parle, encore, de Sébastien Ajavon, le patron des patrons du Bénin, placé en garde à vue après que des enquêteurs aient trouvé de la drogue dans un conteneur de sa société. N’a-t-on pas vu cela 100 fois dans les films de plus ou moins bonne facture ? Un classique qui fonctionne à merveille... Léonce Houngbadji voyage sans bagages en soute, il garde tout à portée de vue. Et si vraiment le Bénin filait un mauvais coton ? Les atteintes frontales aux libertés de la presse et à l’expression des opposants politiques sont rarement un signe de vivacité de la démocratie.
* Notament Sikka Tv, Eden Tv, Etélé, Soleil Fm
le 20/11/16
... avec l’association Demain Nos Langues - DNL
Je suis souvent – toujours ? – tenaillé par un doute proche du malaise quand je me rends à une réunion ou conférence dont l’objet tourne autour de l’avenir de la langue française. Souvent – toujours ? – le mot de « défense » est utilisé à satiété et les postures des intervenants sont un brin martiales. Le combat contre l’anglais et le besoin d’en découdre sans quoi nous perdrions nos valeurs et notre rang conduisent irrémédiablement à un repli sur soi qui me serre la gorge. Il m’a toujours semblé que la lucidité et l’engagement n’avaient aucunement besoin d’être accompagnés d’un sabre ou d’un goupillon. (J’en profite pour vous inviter à écouter Jean Ferrat).
Je mentirais en disant que je ne ressentais pas ce malaise préventif en allant à l’invitation de l’association Demain nos langues. Très vite, je fus apaisé. Thierry Priesley, président de cette jeune structure me rassura d’emblée. Son introduction était limpide : nous sommes des amoureux des langues, nous sommes ouverts sur le monde que nous parcourons, mais nous sommes inquiets de l’évolution et de la hiérarchisation autoritaire qui touchent les langues. Nous voulons comprendre le phénomène qui conduit à imposer une langue unique dans l’espace publique. Ce phénomène ne tombe pas du ciel, il est d’ordre politique. Et de cela personne ne parle. Aucun débat. Nous devons organiser un espace qui étudiera cette évolution dans le monde du travail, dans la vie quotidienne ou, par exemple, dans la chanson ! La question linguistique est partout... il est temps de convoquer les savoirs pour analyser ce processus. De nombreux séminaires ou colloques ont lieu sur la question, mais ils sont sur le principe « les savants parlent aux savants ». C’est une défaillance de notre démocratie, il est temps de mettre le sujet sur le tapis.
Autre motif d’espoir dans l’action et le futur de Demain nos langues, la diversité des profils des animateurs principaux de l’association. Outre Thierry Priestley qui fut inspecteur du travail, la brochette de cerveaux phosphorante comprend Franck Grandmaison, syndicaliste engagé dans la question linguistique au travail ; Quentin Samier, jeune garde universitaire et traducteur professionnel et Gratianne Richer-Onate, doctorante en linguistique spécialisée dans l’étude des politiques linguistiques et les langues régionales. Pour définitivement confirmer que DNL mérite qu’on s’intéresse à ses actions, j’ai été séduit par les moyens d’action sur lesquels elle s’appuie et s’appuiera, à savoir un site internet et un webdoc en cours de réalisation. Des moyens ouverts sur les publics pour que le débat autour de la question linguistique ne soit pas privatisé par... on sait qui !
Affaire à suivre...
- Le quatuor de tête(s) : Quentin Samier, Thierry Priestley, Franck Grandmaison et Gratianne Richer-Onate
le 18/11/16
... avec Nicola Rose
Le moins que l’on puisse dire est que, pour son retour à Paris, Nicola Rose n’est pas passée inaperçue. Silencieuse, la marche lente, la gestuelle réduite à sa plus simple expression et pourtant on ne voyait qu’elle. Au milieu des feuilles jaunes automnales et de la grisaille d’un hiver précoce, Nicola a promené un bouquet de ballons aux couleurs vives toute une journée. Presque figée et pourtant prête à s’envoler ! Nicola au jardin du Luxembourg, Nicola au Quartier latin, Nicolas Place de la Concorde, Nicola sur les Champs Élysées... même les touristes chinois habituellement occupés à se « selfier » frénétiquement la remarquèrent et ramenèrent des souvenirs numériques. J’oubliai, Nicola devant la Comédie Française... Bouille tristo-boudeuse, perplexe, en quête d’on ne sait quoi, tel un personnage des films burlesques d’une époque en Black & White comme on dit du côté de Manhattan.
La jeune Américaine s’est éclipsée quelques jours de son New York adoptif pour retrouver le Paris qu’elle aime... Entourée d’une ultra réduite équipe de tournage, la comédienne, est venue sans ses habituels compagnons d’expressions, ses marionnettes de chiffon ! À Paris, elle est comédienne, seule face à son propre scénario, face à ses inventions, face à sa créativité... Une créativité au cœur de son film en tournage : c’est un court-métrage bilingue mêlant surréalisme et sentiments du quotidien, Creative Block (en français Bloc et Blocage) raconte un moment important dans la vie de Claire, jeune artiste et créatrice de marionnettes vivant à Manhattan. La jeune femme réalise qu’elle souffre d’une grande rupture dans sa vie créatrice et que le seul remède est l’art d’un autre. Celui de Thibaut, un patineur artistique vivant à Paris. Bouleversée par la personnalité artistique de ce dernier qu’elle ne connaît qu’à travers la télévision, Claire, n’écoutant que ses pulsions, se rend à Paris. Elle y découvre l’inattendu : Thibaut, souffre de son propre blocage artistique ! C’est dorénavant à Claire de trouver la route qui la ramènera à sa propre créativité : une route bordée de déceptions, de révélations... et de ballons.
Combien d’enfants ont tiré sur la main d’une maman désarmée afin d’attraper les ballons de Nicola ? Mais, la jeune femme à fait des déçus ! Elle n’a pas cédé. Les ballons étaient les siens, ceux de son imaginaire perdu, ceux du chemin à retrouver, de sa folie douce à récupérer... Là, nous parlons bien du scénario, car dans la vie bien réelle, Nicola Claire Rose cultive une douce folie qui la rend si... tellement... bien plus... que... ! Unique quoi ! À l’origine, j’avais écrit un long scénario de plus de 90 pages et j’avais prévu de le tourner en long-métrage. Ce scénario-là était réaliste, finalement j’ai changé d’avis. J’ai soudainement eu l’envie de réécrire le film, de le transformer en quelque chose de plus miniature, plus silencieux, enfin pas entièrement, je n’en suis pas capable, et plus surréaliste.
Se fondre dans Paris pour renaître et se réoxygéner afin de retrouver sa créativité, voilà une idée qui fait fi du contexte ambiant. Paris n’a pas la côte en ce moment. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, les bords de Seine et les quartiers villages ont perdu de leur superbe sous le coup des balles et des barbes. Qu’il est joyeux et pétillant, mademoiselle Nicola Rose de vous accueillir en ces temps troublés, simplement armée de vos ballons, de votre malice et de vos références françaises : le film a été inspiré par une variété d’influences, y compris plusieurs musiques françaises, surtout les chansons de Poulenc et Ravel, dont certaines feront partie du film. J’ai également été inspirée par un petit livre magnifique et sombre, L’histoire de Monsieur Sommer de Patrick Süsskind. J’ai été particulièrement touchée par les illustrations de Sempé. Enfin, les ballons ! Je réussis toujours à me convaincre, aussi bien que quand j’avais cinq ans, que les ballons portent en eux une sorte de vie et de sensibilité.... Ha, encore un oubli, Nicola dans le métro !
Et maintenant ? Le reste du tournage se déroulera à New York en 2017 avec une équipe new-yorkaise... et aussi quelques francophones. Comme le sont Véronique N. Doumbe la réalisatrice aux manettes à Paris et Nolwenn Lallart, l’assistante de production. Je connais un photographe qui irait bien poursuivre l’aventure à New York, mais ça ce n’est pas du tout réaliste !