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Un pays plus francophile que francophone

Un pays plus francophile que francophone

5 octobre 2018 - par Anne-Françoise Counet 
Charles Aznavour, symbole de la langue française en Arménie - © Arnaud Galy
Charles Aznavour, symbole de la langue française en Arménie
© Arnaud Galy
La joie de vivre à L’École française Anatole France

Le français tient une place particulière en Arménie, en raison des liens étroits tissés avec la France. Des liens entre intellectuels au XIXe siècle, renforcés grâce à l’accueil en France, d’un nombre important de réfugiés. Après l’indépendance en 1991, les deux états ont encore consolidé leurs relations par la signature de plusieurs traités portant notamment sur la coopération éducative et culturelle. Par exemple, des dizaines d’agglomérations françaises et arméniennes sont jumelées.

D’après les données publiées par l’OIF dans «  La langue française dans le monde 2014  », on estime à 20.000 le nombre de francophones et 180.000 les francophones partiels soit respectivement 0,6 % et 6 % de la population. Peu de francophones donc, mais un peuple francophile qui ne se limite pas à admirer Charles Aznavour, leur meilleur ambassadeur.

Pacte linguistique

L’Arménie est membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie depuis 2004 et membre de plein droit depuis 2012. Dans ce cadre, elle a signé avec l’OIF un Pacte linguistique comportant un plan d’action pour promouvoir le français dans les domaines de l’éducation, la communication et la culture, le tourisme ainsi que sur la scène internationale.

L’Arménie s’est engagée à renforcer le français dans ses écoles. Depuis quelques années, il a été convenu d’enseigner une troisième langue étrangère ce qui fait que le français a gagné du terrain. Le plus souvent, il est enseigné après le russe et l’anglais. Une dizaine d’écoles proposent des classes de français renforcé dès la 2e année primaire.

L’Arménie privilégie aussi l’utilisation du français dans sa diplomatie. Des formations spécialisées en français des relations internationales sont offertes aux fonctionnaires et diplomates et les compétences en français sont valorisées dans l’accès à la carrière diplomatique. Le Premier ministre montre l’exemple puisqu’il a sérieusement perfectionné ses connaissances en français pour accueillir le Sommet de l’OIF.

Dans le secteur du tourisme, des efforts sont faits pour rendre les informations disponibles dans notre langue et pour former des professionnels francophones.

En Arménie, il est possible de poursuivre sa scolarité de l’école maternelle jusqu’au doctorat, entièrement en français.

L’École française Anatole France accueille près de 240 enfants de la maternelle à la fin du secondaire. Son succès est croissant puisqu’à la rentrée 2018, il y avait 27 % d’inscrits en plus qu’en 2017. Les parents choisissent cet établissement d’abord pour la qualité de son enseignement. Le directeur Martin Becker peut se vanter d’un taux de réussite de 100 % au Bac français. Il s’agit d’une école privée donc payante. Mais le directeur précise que « près d’un tiers des enfants a droit à une bourse de l’État français, car il s’agit d’enfants arméniens issus de familles réfugiées en France lors du génocide qui sont rentrées en Arménie après la Seconde Guerre mondiale lorsque Lénine les a attirés pour tenter de repeupler le pays ». Parmi les élèves, on trouve aussi quelques enfants d’expatriés français et d’autres nationalités très variées qui profitent du réseau français mondial.

L’Université française d’Arménie (UFAR) compte environ 1.500 étudiants. Elle délivre des diplômes français de niveau Master, dans 5 filières : droit, gestion, marketing, finances et depuis septembre, informatique et mathématiques appliquées qui donnent accès très rapidement à un emploi. Ici, on recherche la qualité de l’enseignement, mais pas seulement. Une fois un diplôme en mains, on est assuré de trouver un emploi rapidement. D’après le recteur Jean-Marc Lavest, 10 % des diplômés partent à l’étranger et 90 % travaillent en Arménie. « Notre université insiste également sur les valeurs morales et l’engagement citoyen qui donnent à ces jeunes une certaine forme de combativité très appréciée sur le marché de l’emploi arménien », explique le recteur. En marge du Sommet de l’OIF, l’UFAR a organisé un Colloque international
intitulé « Les élites féminines dans l’espace francophone » réunissant des personnalités de plus de 10 pays et rehaussé par la participation de Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie.

Les Arméniens ont aussi la possibilité d’apprendre le français dans les universités d’État dans les filières de langues ou en dehors du système scolaire proprement dit, à l’Alliance française d’Erevan. « La tenue du Sommet de l’OIF en Arménie et les nombreuses activités organisées en parallèle permettent de sensibiliser parents et jeunes à l’apprentissage du français », souligne Susan Gharamyan, la directrice. L’offre de l’Alliance est variée : cours pour les particuliers de tout âge, mais aussi pour les diplomates et fonctionnaires nationaux ainsi que pour les entreprises. En partenariat avec l’OIF, l’Alliance organise une formation continue à destination des enseignants de français arméniens à raison de 2 périodes de formation par an plus une formation regroupant les professeurs des divers pays de la région. À cela s’ajoute tout un volet culturel avec des conférences, rencontres d’écrivains, festival cinéma et bien d’autres activités dans le cadre de la « saison francophone ». Notons cette année, la mise en place du premier Festival national de théâtre des jeunes francophones en Arménie, qui a réuni 11 écoles et plus de 150 élèves ayant le français comme deuxième ou troisième langue.

Solidarité Protestante France-Arménie (SPFA) est créée au lendemain de l’indépendance, dans le but de mobiliser la jeunesse pour aider le pays qui avait subi le tremblement de terre dévastateur de 1988 et traversait une période très difficile à cause d’une économie paralysée suite à l’effondrement de l’URSS et d’une importante crise énergétique comme l’explique Vartouhi Petrossian responsable de la promotion de la francophonie de l’association. À côté de projets sociaux et culturels, SPFA organise des clubs de jeunes francophones dans huit villes (le plus vaste réseau du pays) qui offrent des cours de langues, animations dans les bibliothèques, rencontres, voyages, stages d’été en collaboration avec divers groupes de jeunes Français. Une fois par mois, les « Jeudis politiques » réunissent les jeunes qui s’intéressent à la vie politique et à la société.

Lusine Nalbandyan et Shiraz Hovakimyan sont de brillants francophones qui travaillent au ministère des Affaires étrangères, dans le département en charge de la francophonie et notamment de l’organisation du Sommet de l’OIF. Ils sont aussi responsables du Parlement francophone des jeunes qui propose tous les deux ans, dans un pays de l’OIF, une simulation qui fonctionne à l’instar de l’Assemblée parlementaire francophone. Ils proposent aussi des séances d’information sur la Francophonie, dans les écoles et universités. En préparation du Sommet de l’OIF, ils ont aussi organisé pendant deux jours, un Forum francophone des jeunes, pour débattre en français, sur le thème de «  vivre ensemble dans un environnement durable et une société engagée  ». Un sympathique espace de rencontres auquel a participé Edgar Fonck, directeur de l’APFF (voir par ailleurs).

Zara Nazarian - Présidente de la section arménienne de l’Union de la Presse Francophone

Au niveau des médias, TV5 Monde est distribué sur le câble et par satellite. La télévision publique possède un site en quatre langues où les actualités sont résumées en français. Il n’existe pas de journaux en français. Mais, en 2012, Zara Nazarian, présidente de la section arménienne de l’Union de la Presse francophone créait le Courrier d’Erevan, un site d’informations sur les activités culturelles et l’enseignement du français dans le pays. « Suite à des problèmes techniques, le site a dû être fermé, mais nous sommes heureux de pouvoir proposer un nouveau concept à l’occasion du Sommet de l’OIF » se réjouit la rédactrice en chef. Un projet complètement remanié avec de nouveaux collaborateurs, de nouvelles rubriques et une présentation plus actuelle pour fournir des informations générales en français sur l’Arménie et en Arménie.

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