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WALLIS et FUTUNA - Retour sur l’année 2015-2016

WALLIS et FUTUNA - Retour sur l’année 2015-2016

Wallis, un royaume sans roi depuis des mois, avec deux chefferies en lutte pour le pouvoir, les royalistes et les rénovateurs. Dans ce système coutumier divisé depuis maintenant dix ans et faute de développement économique, la baisse de la démographie se poursuit avec le départ chaque année de près de trois cents jeunes dont beaucoup ne voient pas d’avenir sur le territoire et se disent affectés par la crise coutumière.

4 décembre 2015 - par Christian Jost 
 - © Flickr - Martainn mac dhomhnaill
© Flickr - Martainn mac dhomhnaill
Kapeliele Faupala, le roi de Wallis destitué (Nouvelle Calédonie la 1ère)

POLITIQUE

Dans ce territoire où cohabitent trois pouvoirs, celui de la République, celui de trois rois coutumiers dont deux à Futuna, et celui plus discret de l’Église catholique, Wallis est sans roi depuis que le Lavelua, ou roi de Wallis, Kapeliele Faupala, 74 ans, a été démis de ses fonctions en septembre par les chefs des trois districts coutumiers de l’île principale habitée d’Uvéa. En place depuis juillet 2008, Kapeliele Faupala faisait figure de « roi de transition » car il avait succédé à Tomasi Kulimoetoke, dont il fut le Premier ministre, lequel avait régné pendant 48 ans avant d’être confronté en 2005 à une fronde menée par des coutumiers souhaitant rénover la coutume et donnant naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui la chefferie des rénovateurs face à la chefferie des royalistes, reconnue et payée par l’État français. Les causes initiales de la crise actuelle qui perdure tiennent en partie à la visite du roi, et donc à la légitimation, des nouvelles installations par la chefferie du centre d’un complexe marial et d’une chapelle monumentale sur les terres de la chefferie du sud sans l’accord de celle-ci. En désaccord avec son Premier ministre, le Kalaekivalu, le Lavelua a décidé de le démettre de ses fonctions ainsi que son maître de cérémonie, provoquant un nouveau tollé au sein de la grande chefferie et des chefferies de l’île. Il est de coutume, en cas de défaillance du Lavelua, par décès, démission ou destitution, que le Kalaekivalu mène l’action de la chefferie en lieu et place de ce dernier. Dans le cas présent, le Lavelua ayant démis le Kalaekivalu la veille de sa destitution, et même si cette destitution n’est pas admise par certains, le Mahé Fotuaika, ministre de l’Environnement et des Affaires maritimes, a été désigné comme porte-parole officiel de la grande chefferie, le Kalaekivalu ne gardant qu’une légitimité coutumière, ce qui a pour effet de bloquer le paiement de ses indemnités par l’État. La population d’Uvéa a formulé de façon très claire (vœux officiels des autorités, posts sur réseaux sociaux...) pour l’année 2015 leur souhait d’une réconciliation retrouvée... et l’intronisation d’un nouveau Lavelua.
La période de désignation d’un nouveau roi, généralement de plusieurs mois, se clôt par la remise de la racine de kava, signe traditionnel de la désignation et de l’allégeance au nouveau roi. Contrairement à la répartition des fonctions ministérielles, la fonction royale peut échoir à un prince de l’île, sans considération géographique. Pendant ce temps, la grande chefferie gère les affaires courantes. Le nouveau roi aura fort à faire pour restaurer la confiance dans la coutume après dix ans d’instabilité et les observateurs locaux restent attentifs. L’État également qui change de représentant avec le remplacement en janvier du préfet Michel Aubouin par le nouveau préfet Marcel Renouf.


George Pau-Langevin lors de la signature de la Convention cadre (Presse ministère)

La ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin, a signé en juillet avec la délégation des élus de Wallis-et-Futuna composée du député Napole Polutele, du sénateur Robert Laufoaulu et du président de l’Assemblée Mikaele Kulimoetoke, trois conventions, pour la première fois « pluriannuelles » couvrant la période 2015-2017, formalisant les engagements de l’État et du territoire sur les projets de développement du territoire. L’État apportera chaque année 1,7 million d’euros et le territoire 420 000 euros. Cette clé de répartition (80 % pour l’État et 20 % pour le territoire) constitue une avancée récente, que cette nouvelle convention pérennise. Outre l’aide aux personnes âgées, ces accords confirment le dispositif de la Convention Cadre qui a permis de former 50 cadres depuis 2012. L’État consacrera annuellement 300 000 euros pour former 7 à 8 nouveaux cadres. De nouveaux projets permettront également d’améliorer les routes du territoire et de conduire des travaux d’adduction d’eau et d’électrification. Au total sur la période 2012-2017, le contrat prévoit un financement de plus de 49 millions d’euros, dont près de 41,8 millions d’euros sont pris en charge par l’État et 7,2 millions d’euros par le territoire. À l’occasion de cette signature, des élèves d’une école primaire de Futuna, en visite dans l’Hexagone, ont été accueillis à l’Hôtel Montmorin.

Tomasi Manuhaapai-Falaeo, ancien premier ministre coutumier du Lavelua est décédé et a été inhumé à Nouméa le 7 février 2015.


L’assemblée territoriale de Wallis (Ministère des Outre-mer)

ÉCONOMIE

L’administration publique assure toujours un rôle prépondérant de soutien de l’économie : elle est à l’origine de 54 % du produit intérieur brut (PIB) et de 75 % des salaires distribués, là où en 1976, elle n’employait que 10 % des actifs. La contribution du secteur privé dans la création de richesses reste faible. Les activités agricoles et artisanales s’exercent essentiellement sous la forme d’entreprises d’une seule personne. L’activité commerciale — avec près de 80 % de commerces de détail, dont trois supermarchés à Wallis et un à Futuna — contribue significativement à l’économie locale : elle emploie 291 personnes, soit 11,5 % des salariés déclarés et 33,4 % des effectifs du secteur privé (IEOM).
Initié au début de l’année 2014, le projet de déploiement d’un réseau de téléphonie mobile 3G se heurte comme toutes les nouvelles implantations d’infrastructures au problème foncier. Ce projet qui devrait être financé à hauteur de 30 % par une subvention de l’État et 70 % par un emprunt bancaire sur quinze ans devrait pouvoir assurer à terme un taux de couverture de la population de 90 % pour Wallis et pour Futuna. L’installation de certains pylônes d’antenne se heurte toutefois à Wallis à des refus de familles, voire du clergé, ce qui complique les installations et limitera le taux de couverture.


(Ministère des Outre-mer)

FOCUS

Le régime des terres coutumières à Wallis-et-Futuna
Le droit foncier dans les îles Walli et Futuna procède des structures coutumières royales, villageoises et familiales. Les terrains possédés par les personnes soumises au statut de droit local sont donc, de fait, soumis à la coutume [… qui] distingue trois types de propriétés foncières :
— la propriété publique des autorités coutumières, qui est l’objet de droits coutumiers tels que la cueillette et le ramassage de bois, de chauffage ou de construction. Elle est composée des zones non cultivées, des routes et de la partie du rivage à marée basse.
— la propriété de village, qui appartient à un ou plusieurs propriétaires, mais qui est laissée sous la direction du chef de village. S’agissant des îlots, seuls trois d’entre eux sont la propriété d’un village : Nukuhifala appartient à Mata’Utu, Nukuhione au village de Liku et Nukutapu au village d’Alele  ; les autres îlots sont des propriétés familiales. À Futuna, la propriété de village n’existe pas.
— la propriété familiale, qui confère au groupe familial un droit perpétuel, exclusif et inaliénable sur le sol qu’elle exploite. En règle générale, chaque groupe familial possède un terrain résidentiel dans le village d’origine, un terrain de plantation dans l’intérieur des terres et une cocoteraie, souvent contiguë. […]
Certains aspects de la coutume, telle l’inaliénabilité des terres, ne permettraient pas de céder celles-ci à l’État et à la collectivité territoriale pour l’exercice de leurs missions d’intérêts publics et économiques.
À Wallis comme à Futuna, les règles coutumières foncières se fondent sur un principe ancestral selon lequel les rois ont un droit de « haut domaine » sur les biens fonciers privés. Ainsi, ils peuvent procéder à une reprise de terres, mais également à des attributions de biens pour des raisons politiques, comme l’attribution à des alliés étrangers, ou pour des raisons d’intérêts collectifs.
Juridiquement, la notion de domaine public existe dans la coutume et les droits relatifs à la propriété familiale s’analysent en un démembrement de la pleine propriété dont les rois conservent la nue-propriété. Les propriétés familiales ne portent donc que sur l’usufruit.
Source : ministère des Outre-mer


Le projet de raccordement des îles par un nouveau câble sous-marin a été débattu et approuvé par l’assemblée territoriale. La participation de Wallis-et-Futuna à un projet commun de câble sous-marin avec Samoa, reliant Samoa à Fidji, avec une bretelle vers Wallis est privilégiée à moyen terme. Dans l’immédiat, une évolution de l’offre satellitaire pourrait améliorer l’accès à l’internet.
Treize ans après le premier recensement de l’agriculture à Wallis-et-Futuna, le Service Territorial de la Statistique et des Études Économiques (STSEE) a publié le 6 juillet dernier une nouvelle enquête agricole. Réalisée entre le 1er septembre et le 4 octobre 2014, elle a permis d’interroger les exploitants de Wallis et de Futuna, vivant aussi bien du maraîchage, de l’élevage, de la pêche ou de l’artisanat. Principale conclusion du recensement, le Territoire a perdu 15 % de ses exploitations (2 052 exploitations recensées en 2014 contre 2 422 en 2001) depuis la dernière enquête réalisée. Cette diminution s’explique principalement par la baisse de la population sur le Territoire au cours de la période, l’activité agricole occupant toujours une place importante dans la société. Autres résultats importants, l’agriculture reste, comme lors de la dernière enquête, essentiellement familiale (95 % des exploitations) et très peu professionnalisée (seulement 5 % des exploitants possèdent une patente). Les exploitations demeurent majoritairement de très petite taille. L’activité d’élevage porcin reste fortement présente sur le Territoire. En effet, elle est pratiquée par 89 % des exploitants agricoles et l’archipel compte 22 116 porcs en 2014, soit environ le double de la population totale de Wallis-et-Futuna. Concernant l’activité de pêche, elle est exercée par 32 % des exploitants recensés en 2014. Enfin, 46 % des exploitants agricoles ont également une activité d’artisanat, souvent exercée grâce aux cultures permettant la confection des objets (IEOM).

Une jeunesse en partance... (Ministère des Outre-mer)

SOCIÉTÉ

300 jeunes quittent le territoire chaque année ! Cet exode est amplifié par la crise coutumière qui dure depuis maintenant dix ans. Au recensement de 2013, la population du territoire comptait 12 197 habitants, soit environ 2000 de moins qu’en 1996. Les sénateurs Sophie Joissains et Jean-Pierre Sueur qui se sont rendus à Wallis suite à une demande de la commission des lois de dresser un état des lieux de l’évolution des institutions et du développement local du territoire, ont été particulièrement interpelés quand ils ont relevé que la population totale de Wallis et Futuna pourrait passer au-dessous de la barre des 10 000 âmes dès 2040 au rythme des départs actuels. Ils ont invité les acteurs locaux à s’engager d’autant plus rapidement dans un processus de développement, quitte à « apporter des inflexions » à la gestion coutumière, dont on sait que le statut foncier coutumier des terres notamment, est un frein important pour tous les projets d’infrastructures financés par l’État. Les sénateurs ont également recommandé que les jeunes, qui sont près d’un millier dans l’Armée française, puissent bénéficier d’un service militaire adapté (SMA), largement plébiscité outre-mer, par une implantation locale à Futuna ou, à tout le moins, comme l’a esquissé la ministre des Outre-mer, par un contingent de places garanties pour les Wallisiens et Futuniens dans le régiment implanté en Nouvelle-Calédonie. Les représentants syndicaux locaux ont insisté auprès des deux sénateurs sur l’obsolescence du droit du travail et de la protection sociale applicable, sur l’absence de règles protectrices en matière de maladie professionnelle ou d’accidents du travail ainsi que sur la dissymétrie des droits au congé de maternité entre employés selon qu’ils sont régis ou non par le droit métropolitain. Les sénateurs ont ainsi recommandé que soit réalisé au niveau des administrations centrales, un travail complet d’actualisation et d’adaptation du droit applicable dans cette collectivité d’outre-mer. Relevant que depuis trois ans quatre présidents de l’assemblée territoriale se sont succédé du fait de leur mandat limité à un an, les rapporteurs du Sénat ont préconisé d’aligner la durée du mandat du président sur celle des membres élus de l’Assemblée qui est de cinq ans.

À Futuna le mouvement social qui a entraîné un blocage partiel des activités de l’hôpital de Kaleveleve durant plus de trois semaines, a pris fin avec la signature d’un accord entre les représentants des usagers « La voix du peuple de Futuna » et le directeur de l’Agence de santé en présence du délégué du préfet et des représentants syndicaux. Plusieurs semaines de manifestations de doléances et une marche « pacifique » organisée vers le Falé 2000 (site du siège de la chefferie d’Alo et du Tuiagaifo, Roi d’Alo) ont fini par conduire à cet accord. Celui-ci répond en grande partie aux demandes des usagers en prévoyant le désamiantage de l’hôpital, ce qui n’est que mise aux normes d’un établissement de santé, sa réfection en attendant la construction d’un nouvel hôpital, la réouverture d’une maternité avec bloc opératoire et une étude de la possibilité de mettre en place une unité de dialyse.

La création d’une Académie unique des langues wallisienne et futunienne a été adoptée par l’Assemblée territoriale. Deux antennes devraient être créées, une à Wallis et une à Futuna. Le conseil d’administration de l’Académie sera composé de 13 membres représentant les différentes autorités du Territoire qui siégeront pendant trois ans et nommeront le directeur de l’Académie et les membres du conseil scientifique chargés de mener les études techniques sur les deux langues vernaculaires. L’État et le Territoire sont les principaux acteurs financiers. Le principal défi de l’institution est de réussir à créer rapidement une grammaire et un vocabulaire définitif dans les deux langues, avec l’objectif de créer deux options « wallisien » et « futunien » pour le baccalauréat 2016.

Une médaille d’or, une médaille d’argent et six médailles de bronze ont été remportées par les athlètes de Wallis-et-Futuna aux 15es Jeux du Pacifique qui se sont déroulés en juillet cette fois à Port Moresby, capitale de Papouasie Nouvelle-Guinée (PNG). L’or est revenu à l’équipe masculine de volley-ball qui a battu sévèrement l’équipe de la Nouvelle-Calédonie 3-1, après avoir écrasé les Fidjiens 3-0. La médaille d’argent a été remportée au javelot par Vahaafenua Vito Tipotio avec un jet à 65,41 mètres. Aux Jeux du Pacifique qui se déroulent tous les quatre ans et rassemblent les pays insulaires du Pacifique sud, les chances de médailles sont bien inégales entre des géants comme l’Australie et ses 21 millions d’habitants, la PNG et ses sept millions d’habitants qui a aligné 625 athlètes et Wallis-et-Futuna et ses 12 000 habitants qui a toutefois pu qualifier 64 athlètes pour ces Jeux 2015. Malgré ce handicap les équipes de Wallis-et-Futuna ont remporté 8 médailles et se placent au 18e rang sur les 24 pays participants à ces Jeux dont la PNG sort vainqueur devant la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, l’Australie ne finissant que 6e en total de médailles.

La Délégation des îles Wallis et Futuna à Paris s’équipe d’une nouvelle identité visuelle en étant maintenant visible sur des plateformes comme Twitter ou Facebook – Cette création graphique est signée du collectif SIAPO.

Christian Jost
Professeur à l’Université de la Polynésie française
christian.jost@upf.pf

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