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ÉDITORIAL

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Donald Trump triomphe : l’Europe au pied d’un mur épais

6 novembre 2024 - par Jean-Noël Cuenod 
 - Coup de crayon signé Bernard Thomas-Roudeix (site http://www.thomas-roudeix.com) © Bernard_Thomas-Roudeix
Coup de crayon signé Bernard Thomas-Roudeix (site http://www.thomas-roudeix.com) © Bernard_Thomas-Roudeix

Il y a des matins comme ça où l’on quitte un doux rêve pour se réveiller en plein cauchemar. La matinée de mercredi 6 novembre 2024, par exemple. Le soleil est-il à peine levé que le voilà étouffé sous une Moumoute Jaune toute ébouriffée de bonheur : Donald Trump revient à la Maison Blanche nimbé d’une légitimité qu’il n’avait jamais eue lors de sa première présidence. On fait quoi maintenant ?

Tout d’abord constater l’ampleur cataclysmique des dégâts. Trump dispose maintenant de tous les leviers de commande. L’un après l’autre, les bastions des contre-pouvoirs s’effondrent.

– La Cour Suprême ? Il en nomme les juges.

– Le parlement ? Le Parti républicain – plus que jamais soumis à ses bottes vernies de vainqueur – domine désormais les deux Chambres (Représentants et Sénat).

– La presse ? Elle a perdu son influence au profit des réseaux sociaux devenus de gigantesques entreprises de décervelage.

– Comme principal contre-pouvoir, il reste donc les Etats composant la fédération états-unienne qui possèdent de larges pouvoirs incarnés par son gouverneur élu, son parlement (une ou deux Chambres selon les Etats) et son pouvoir judiciaire. Actuellement, 26 gouverneurs appartiennent au Parti républicain et 24, au Parti démocrate. Mais leur influence sur la politique étrangère des Etats-Unis sera sans doute de faible intensité.

– Et l’opposition politique, alors ? Le Parti démocrate mettra du temps à se remettre de la faible présidence de Jo Biden et de la mauvaise campagne de Kamala Harris qui est tombée dans le piège des insultes tendu par Trump sans qu’elle imprime quoique ce soit auprès des électeurs.

Kamala Harris ou la politique du flou
Défenderesse du capitalisme, tout en prônant la justice pour les plus pauvres ; soutien à Israël mais pas trop ; clin d’œil à la cause palestinienne mais très discret… Bref, Kamala Harris a fait du flou sa marque de fabrique pendant que Moumoute Jaune scandait des idées, simplistes certes, mais claires.

Sans doute mesurera-t-on plus tard, l’impact négatif du conflit israélo-palestinien sur cette élection. Ainsi une partie de la gauche, opposée à la politique pro-israélienne de Washington, a fait campagne contre la candidate démocrate. Elle lui a préféré celle des Verts, Jill Stein, qui avait refusé de se désister en faveur de Kamala Harris malgré les demandes pressantes en ce sens émises par les écologistes européens.

Elon Musk au sommet
Le pire n’est jamais certain. Mais il devient de plus en plus probable. D’autant plus que Trump va placer Elon Musk à la tête d’une commission chargée de « réformer le gouvernement fédéral » notamment en procédant à des coupes sévères dans les budgets sociaux.

Sur les trois foyers de guerre ouverte ou potentielle – l’Ukraine, le Proche-Orient et la mer de Chine – le revenant de la Maison-Blanche pourra donner libre cours à son hybris, sans doute pas pour le meilleur et peut-être pour le pire ! Il ne nous reste plus qu’à espérer être « déçus en bien » comme l’on dit en Suisse.

L’Europe va morfler
Et l’Europe ? Elle va morfler. Donald Trump avait annoncé, lors de sa campagne, une hausse généralisée des droits de douane de 10, voire 20%. Tous les pays européens, membres ou non de l’UE, qui exportent massivement vers les Etats-Unis seront pénalisés ; en premier lieu l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suisse.
Nous allons donc évoluer dans un monde cadenassé et menaçant, pris dans les contradictions qui ne manqueront pas d’intervenir entre les égoïsmes d’empires dominés par les différents aspects du national-conservatisme (Parti communiste chinois compris, bien sûr).

Les Européens enfin adultes ?
Que faire dans ce magma en fusion ? Même le plus inspiré des prophètes ne pourrait pas nous aider. Il ne reste plus aux Européens qu’à devenir enfin adultes, le pare-balle états-unien n’étant plus à disposition. Ce qui suppose, en premier lieu, d’organiser leur propre défense en plein marasme budgétaire.
Lorsque le président français Macron avait envisagé la possibilité d’envoyer des troupes au sol pour défendre l’Ukraine contre l’agresseur russe, il avait essuyé sarcasmes et rebuffades. Pourtant, cette possibilité, il faudra bien l’examiner si Trump laisse tomber l’Ukraine ouvrant ainsi la voie à une victoire de Poutine qui ne s’arrêtera pas en si bon chemin.

Une nouvelle Communauté européenne de défense ?
L’architecture baroque de l’Union européenne – conglomérat informe de 27 Etats membres – ne paraît pas être en mesure d’organiser une défense militaire digne de ce nom. D’autant plus que cette Union compte un ennemi intérieur, la Hongrie d’Orban dévouée au Kremlin.

Le parlement français avait refusé, il y tout juste 70 ans, la Communauté européenne de défense destinée à créer une armée apte à défendre notre continent. Si l’on veut conserver notre mode de vie démocratique et nos libertés, il va falloir songer à la réactiver sous une forme ou une autre, avec des Etats à l’économie solide et cohérents sur le plan des valeurs et des principes.

Ce sera tout sauf un chemin de roses. Ou alors de roses bien garnies d’épines.

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