C’est un beau film, lent. Au rythme de la parole malgache. Lent, mais sans temps morts. Ce patchwork brut d’images, de visages, de photos ou films d’archives, de scènes de la vie quotidienne en brousse, a la saveur inimitable de l’authenticité. Il respire l’humanité.
Rien n’est forcé, surtout pas la parole. Elle prend son temps, vient à son heure, traite le sujet par touches successives. Rien de manichéen, que de l’humain. Dialogue à distance entre le Malgache combattant patriote flanqué de son fils né en forêt pendant le tabataba , et le Malgache du côté des militaires français pour protéger sa famille. Irruption de la complexe problématique du métis : « J’avais un bras vazaha et un bras gasy. Fallait-il que je m’ampute ? »
Rien de revanchard donc dans cette description sincère d’une époque trop occultée. Les duretés de l’oppression, de la répression, ne sont pas cachées mais dites sans fard, sans exagération, sans haine. Le témoignage pro-vazaha n’est pas même censuré. Subtilité de l’approche en particulier dans le fief colonial de Nosy Varika.
Ce film ne fait pas de politique. C’est un film au plus proche de la réalité vécue par les hommes -et les femmes, quelle profondeur de visage de celles qui témoignent ! Ce film ne fait pas œuvre d’historien comptant et recomptant les morts, les dégâts, les destructions. Ce film ne fait pas œuvre de juge de paix comptabilisant les arguments des uns et des autres sur leurs torts ou sur leurs droits ; ou portant un jugement moral sur les acteurs de l’époque avec les critères d’aujourd’hui. Laissant tout ouvert le champ de la parole, servi par une qualité d’images exceptionnelle, c’est un film pour l’historien, pour le citoyen, pour le Malgache ou le Vazaha ouvert à approcher sans schémas préfabriqués la réalité vécue. C’est un film précieux. Un film rare. C’est un film politique.