Le titre de cet article est plutôt clair : nous allons parler du changement climatique. Sujet auquel vous avez probablement été exposé ces derniers mois par des publicités, reportages, et cris d’alarme sur les réseaux sociaux. Vous savez déjà que l’être humain en est la cause, que c’est un problème global, qu’on doit agir et qu’il est important de protéger l’environnement. Alors pourquoi ce énième article vient s’ajouter à la liste, pourquoi faut-il que ce message soit répété une autre fois ? Tout simplement parce qu’il ne fonctionne pas.
On est de plus en plus alerté par les médias et différents intervenants d’organismes autour de nous, pourtant très peu d’entre nous finissent réellement par s’investir. Pire, loin de comprendre et accepter ce phénomène, de plus en plus de gens rejettent cette réalité et la traite d’écran de fumée, de fausse rumeur, de complot orchestré par les gouvernements, les Chinois et/ou les Illuminati. Alors pourquoi ? Pourquoi, devant un consensus scientifique global, car oui, il y a un consensus scientifique là-dessus depuis longtemps – ce n’est pas que du bruit –, certains décident d’ignorer en créant leurs propres interprétations plus loufoques les unes que les autres ? Pourquoi beaucoup d’autres doutent de la véracité ou de l’ampleur de la crise à laquelle on fait face ? Et surtout, qu’est-ce que la science de la communication et Twitter ont à voir là-dedans ? Toutes ces questions sont complexes, mais un simple, « autre article sur le changement climatique », vous expliquera d’où la controverse vient et vous présentera une étude qui pourrait nous donner des éléments de réponse.
Pourquoi douter du changement climatique ?
La réponse à cette question semble évidente pour la grande majorité des non-climatosceptiques, c’est-à-dire les personnes qui ne sont pas sceptiques au sujet du changement climatique, autrement dit celles qui y croient, et pour mieux comprendre, il faut se référer aux débuts de la théorie du changement climatique. En effet, son créateur, Ben Sander, a eu sa vie complètement détruite par cette thèse qu’il a déposé, parce que son rapport était controversé, car il allait à l’encontre des théories de l’époque – qui se sont avérées invalides à la longue. Sander a aussi vécu les contrecoups de sa théorie climatique vraisemblablement parce que ce rapport remettait en question un mode de vie sur lequel toute la société était basée, en faisant se sentir coupables les individus. Ces deux motifs ont certainement provoqué un mouvement pour faire tomber la réputation de ce scientifique. La majorité de la communauté scientifique qui elle, n’était nullement certifiée dans le domaine de la climatologie, contrairement à lui, s’est mise en tête d’arrêter la propagation de ses idées.
Le problème, c’était que, scientifiquement parlant, Sander avait raison, car plusieurs expériences allaient dans le sens de ses idées. C’est à ce moment qu’est arrivée la plus grande erreur qui a permis de développer le phénomène de doute par rapport aux changements climatiques : plutôt que de se baser sur des faits concrets et accepter de changer d’avis, certains scientifiques ont décidé de s’attaquer aux idées de Sander par un autre angle, soit la discussion publique. Plusieurs scientifiques de l’époque ont réussi à convaincre la population que toutes ses études étaient fausses, et ayant l’avantage du nombre et de ne pas avoir une théorie qui va à l’encontre du statu quo, la vie, la carrière et le ménage de cet homme furent totalement détruits.
Nous avons donc déjà un élément de réponse : si on doute du changement climatique, c’est parce qu’au lieu de se baser sur les faits scientifiques et sur le rationnel, on se base sur les émotions et la force du nombre à savoir le raisonnement « si tout le monde est d’accord, alors on a raison » qui a été désapprouvé maintes et maintes fois par des psychologues bien plus qualifiés dans le domaine des biais cognitifs. Plutôt que de prendre la science comme un monde changeant, où il faut adapter ses opinions en fonction des nouvelles connaissances acquises, elle devient une guerre où il faut défendre son point de vue à tout prix.
Rien qu’avec cette théorie, on peut élucider un des plus grands mystères de la guerre des changements climatiques, à savoir pourquoi il y a une si grande disparité entre l’opinion publique et l’opinion scientifique. La première activité est mitigée, car débattue constamment, et est placée au milieu d’un débat sur la véracité du changement climatique, tandis que l’autre semble s’être déjà rangée assez fermement d’un côté, soit le fait que ça existe et que l’on doit définitivement s’en soucier. Si on reprend l’histoire du climatoscepticisme, on comprendra donc qu’il ne s’agit pas tant d’arriver à la vérité que de gagner le débat, qu’il s’agit de camps opposés, alors qu’ils devraient être unis dans la recherche de solutions aux problèmes qui existent réellement. Cette guerre d’idées vient soulever plusieurs facteurs qui ne sont pas visibles, notamment les enjeux financiers, politiques, sociaux, culturels. Par exemple, les États privilégient les intérêts économiques au lieu de se soucier des questions liées à l’environnement puisqu’ils continuent de produire et d’utiliser du matériel et des objets qui polluent. Ce qui nous amène donc à la question suivante.
Pourquoi certains choisissent-ils de douter du changement climatique ?
Cette question est importante, car, si l’on applique uniquement ce qui a été dit précédemment, on devrait se retrouver avec très peu de climatosceptiques. En effet, les fameux « camps » dont on parle auraient déjà été choisis, vu qu’on nous bombarde constamment d’informations sur ce problème. Il est abordé tout au long du parcours scolaire et très souvent dans les médias, en tout cas les plus réputés. En effet, dans les moins fiables, on a tendance à être plutôt mitigé dans son avis, voire même carrément du côté opposé. À part ça, comme si ça ne suffisait pas, la réalité des changements climatiques est martelée constamment par publicités et messages d’alerte. Alors qu’est-ce qui peut « possiblement » faire changer une personne d’avis alors que son opinion sur le sujet est déjà censée être profondément enracinée dans sa tête ? Dans ce cas précis, on ne peut imaginer qu’une seule réponse : pour un individu, toutes les sources d’informations ne se valent pas, et celles qui sont les plus susceptibles d’être biaisées sont favorisées, d’une manière ou d’une autre. Et comme on sait grâce au biais cognitif d’exposition que l’information à laquelle on est exposée le plus souvent nous semblera naturellement la plus vraie, il faut se tourner vers le type de média le plus utilisé et le plus influençant : les médias sociaux et médias sociaux numériques.
Si cette dernière supposition est correcte, c’est dans cet espace numérique que l’on devrait le plus retrouver l’opinion climatosceptique, car c’est là qu’on a le plus de chance d’être influencé par ce point de vue, et également là où on a le moins de chances de trouver des sources fiables. Le partage sur les médias sociaux numériques étant instantané et spontané, toute information qui y est trouvée n’a probablement pas eu le temps d’être validée par de véritables sources et des informations venant d’experts.
C’est ainsi qu’on en arrive au dernier point, la confirmation de tout ceci, dans une enquête pour laquelle des résultats préliminaires ont été présentés par Oumar Kane, professeur au département de communication sociale et publique, à l’UQAM, lors de la 87e édition du congrès de l’ACFAS.
Twitter et les informations sur le climat
Lors de cette étude intitulée « Twitter et le climat. Considérations méthodologiques et thématiques dominantes », les chercheurs dont le professeur Oumar Kane, se sont concentrés sur la plateforme Twitter et ont analysé tous les tweets contenant les mots « global warming » publiés entre le 31 mai 2015 et le 1er juin 2018. Ils ont ensuite fait des classements et des listes pour déterminer qui étaient les 20 comptes qui mentionnaient le plus ce terme, quels étaient les comptes plus suivis et quels étaient les 20 « tweets » les plus viraux. Lorsque les chercheurs ont analysé les résultats, ils se sont rendu compte que sur les 20 tweets viraux, seulement quatre acceptaient le consensus scientifique, et trois avaient une position ambiguë. Ce qui signifie que 13 tweets sur 20, soit la majorité, sont climatosceptiques. Une donnée intéressante, puisqu’elle nous montre que dans les médias sociaux numériques, ce sont les climatosceptiques qui gagnent le débat. Serait-ce une piste sur pourquoi autant de personnes sont influencées ? De plus, lorsque le professeur Kane a regardé les posts les plus viraux, là encore, on voit que la majorité d’entre eux ont été publiés par des célébrités, dont Donald J. Trump fait partie… et qui est indéniablement du côté de ceux qui ne croient pas en la science du changement climatique. On voit ici l’impact des messages véhiculés par les célébrités. La position sociale est très importante, car elle peut influencer l’opinion publique.
Finalement, la conclusion des résultats préliminaires de cette étude présentée par le professeur Kane et ses collègues est que la science a beau avoir les faits de son côté, une fois mise en débats, elle ne peut rien contre la défense agressive d’une opinion climatosceptique. C’est une nuance importante à saisir, car cela signifie que les modes de communication actuels pour se battre contre le changement climatique doivent être revus, car les faits purs ne peuvent pas convaincre à eux seuls. La science doit être capable à la fois d’avoir raison et de gagner les débats et controverses – ce qui, malheureusement pour elle, ne dépend pas de la véracité des faits. La réalité est là, car il n’est un secret pour personne que notre planète va mal et qu’il est urgent de la sauver. Il faut convaincre chacun de contribuer à sa manière et cela dès la maison. Nous devrions tous adopter des attitudes qui peuvent sauver notre environnement en polluant moins, des petits gestes qui vont faire la différence et qui contribueront à notre bien-être, car nous sommes les premiers gagnants – ou perdants – dans ce combat pour l’environnement.
- Valérie Paquet (UQAM), Julien Hocine (UQAM), Sébastian Weissenberger (UQAM), Aimé-Jules Bizimana (UQO)