« L’art ne change pas le monde, mais il change notre vision du monde ». Férue d’art depuis sa plus tendre enfance, Ivanka Costru illustre et édite aujourd’hui des livres pour enfants en plusieurs langues.
À douze ans Ivanka a pris la plus importante décision de sa vie : devenir artiste. Bien que douée pour des langues étrangères, elle a jeté son dévolu sur un lycée dédié à l’art puis sur l’Académie des beaux-arts. « En Moldavie on dit que le talent se transmet de génération en génération. Ma grand-mère dessinait aussi. C’était la période de la guerre, la vie était très dure, il n’y avait pas de moyens d’apprendre, d’approfondir ses connaissances et ses capacités en peinture. Elle dessinait donc pour le plaisir. Je n’ai pas eu la chance de la connaître, mais j’ai l’impression qu’elle est mon ange gardien, que c’est grâce à elle que j’exerce mon métier. Je fais ce qu’elle n’a pas pu faire. C’est le plus bel hommage que je puisse lui rendre », raconte Ivanka.
Le talent n’est pas suffisant…
Spécialisée dans l’illustration jeunesse, elle collabore aujourd’hui avec des maisons d’édition et travaille également sur plusieurs projets en tant qu’indépendante. Les clés du métier d’illustrateur ? La créativité, l’imagination, la détermination et … le talent bien sûr, mais pour autant : « Dans l’art, le talent est une condition nécessaire, mais non suffisante. C’est la persévérance qui permet de le développer. Il faut travailler d’arrache-pied pour aboutir à un résultat, souligne l’artiste, et pour moi, chaque illustration est un défi. On veut apporter
quelque chose de nouveau, alors que tout est déjà fait. En ces moments de crise, je fais quand même des efforts, je me mets à travailler tout en sachant qu’une fois que la main dessine, les idées viennent. Une deuxième solution : je m’occupe à autre chose, je me donne du temps. Puis, mon esprit se calme et devient capable de créer ».
Illustration des contes : un voyage dans le temps & l’espace
Illustrer, c’est accompagner le texte, transformer les mots en images. Derrière les coulisses de ce métier riche et haut en couleurs, se cachent pas mal de recherches et de documentation à réaliser. Voyager dans le temps et l’espace, s’emparer de l’ambiance et de l’univers du texte pour mieux se l’approprier, créer ses personnages, ses décors, choisir les
cadrages et les couleurs. « Le texte guide et commande l’illustrateur, ce qui veut dire qu’il y a une certaine restriction, mais en même temps cela ne me limite pas. J’essaye de trouver la liberté dans la composition, dans les techniques que j’utilise, pas dans le contenu. Pour moi, le texte est plutôt une source d’inspiration qu’un indicateur »․
Pour Ivanka, il est très important de passer des messages positifs à ses petits lecteurs. « Les livres nourrissent l’imagination et la créativité de l’enfant. En grandissant, les images s’ancrent en eux et construisent des souvenirs. Voilà pourquoi il faut que chaque illustration ait un message. J’essaie d’apprendre à un enfant d’être gentil, poli et généreux, respecter les parents, aimer davantage la nature, voir la beauté ».
Ivanka Costru en est persuadée : l’art est plus puissant qu’on le croit. C’est vrai qu’il ne change pas le monde, mais il change la vision du monde. Il a aidé les gens à supporter le confinement. D’ailleurs, l’obligation de rester chez soi a inspiré à Ivanka un nouveau projet. Tout au long du confinement, chaque semaine elle a créé et a publié sur son site quatre illustrations que les enfants et leurs parents pouvaient télécharger gratuitement et colorier.
« La francophonie m’a ouvert les yeux sur le monde... »
« À 20 ans, je suis allée à Paris avec une amie, et je suis tout de suite tombée amoureuse de la langue française. Il m’a fallu un an pour l’apprendre. Aujourd’hui je peux dire que la connaissance du français a un rôle important dans ma carrière. Je voyage souvent dans des pays francophones pour des expositions, des formations, des stages et je communique facilement avec le public. Quand on parle une langue étrangère, on comprend la culture,
les gens, les habitudes et les traditions ». Mais la francophonie n’est pas seulement la langue française. C’est aussi un ensemble des valeurs. « La francophonie m’a beaucoup changée. Elle m’a ouvert les yeux sur le monde. Elle m’a appris que le monde est vaste, que les gens sont différents, mais les valeurs humaines sont universelles. En Moldavie, en France, en Belgique, où que ce soit, on est tous pareils, on a les mêmes émotions et les mêmes responsabilités ».