Linguiste et spécialiste en didactique, Máté Kovács enseigne à l’université Eötveös Lorand de Budapest et dans un lycée pilote. Passion cachée : l’argot !
Au lycée, raconte Máté, nous avions plusieurs langues proposées comme deuxième langue étrangère. Nous avions le choix entre le français, l’italien et l’allemand : je voulais choisir l’italien, mais il y avait déjà trop d’élèves dans le groupe... Alors je me suis dit pourquoi pas essayer le français ; nous n’étions qu’une douzaine d’élèves à avoir fait ce choix, car le français est toujours considéré comme une langue très difficile à apprendre... Donc c’était par hasard, finalement, que je suis tombé sur le français !
Votre projet professionnel est fondé sur la langue française ?
La rencontre avec ma professeure au lycée, puis plus tard à l’université, un examen oral de phonétique que j’avais très bien réussi ont été décisifs. Mon professeur avait très vite vu en moi un potentiel pour construire un projet professionnel autour du français. J’avoue que la phonétique n’était pas vraiment ma passion, mais cela a été un point déterminant durant ma première année à l’université et m’a permis de poursuivre dans cette voie. D’une manière générale, même si j’adore la littérature, la civilisation, la culture, c’était toujours la perspective linguistique qui m’intéressait. Aujourd’hui, je suis maître assistant au département de français. Je donne essentiellement des cours de linguistique, surtout de morphologie, de syntaxe, d’analyse du discours ou de linguistique textuelle. Depuis six ans, je suis également coresponsable du centre de réussite universitaire, fondé par l’Agence Universitaire de la Francophonie au sein de notre université. Avec le CIUEF (Centre inter-universitaire d’études française), qui est aussi à l’université, nous organisons des activités : des ciné clubs, des clubs gastronomie, des sorties culturelles, des expositions, etc. Dans le cadre du CIUEF nous éditons une revue scientifique – La revue d’études françaises – dans laquelle nous publions des actes de colloques, des articles scientifiques et des numéros thématiques. Je travaille également pour une maison d’édition hongroise pour relire et évaluer, d’un point de vue didactique, des manuels de français.
Quelle est la place du français en Hongrie ?
Malheureusement le français est en déclin en Hongrie, même s’il y a des signes prometteurs. Nous avons une place privilégiée à l’université de Budapest : en tant que capitale, nous avons toujours beaucoup d’étudiants en français. Mais les universités de province ont du mal à recruter des étudiants pour des études en français car ceux-ci préfèrent poursuivre ces études à l’étranger.
Que représente la francophonie pour vous ?
La francophonie... c’est difficile à expliquer ! À l’université, j’ai justement un cours où l’on explore toute la richesse que représente la francophonie du point de vue linguistique, des civilisations, des cultures, des relations entre les cultures et la langue françaises, ainsi que des différentes manières de parler français. Pour moi c’est une vraie richesse. C’est aussi en quelque sorte une grande famille ; quand on parle français, on trouve toujours des locuteurs de français où que l’on soit dans le monde. C’est aussi rassurant de savoir que je peux voyager partout dans le monde en ayant la possibilité de me faire comprendre. D’ailleurs, la langue française me fait voyager : ces dernières années, je suis intervenu en français dans des colloques scientifiques organisés en France, en Espagne, en Allemagne, en République tchèque, en Pologne, en Hongrie, en Slovénie et en Grèce. J’ai une véritable passion pour les variétés non standard du français : je travaille beaucoup dans le domaine de la sociolinguistique sur les argots, le français contemporain des cités, le français familier. Je travaille sur différents types de corpus : sur des forums de discussion, sur des blogs. Depuis quelques temps, je m’intéresse également à la présence du français non standard dans la
littérature contemporaine francophone : je suis en train de publier deux articles sur Johann Zarca, jeune auteur de 36 ans, qui écrit ses œuvres en argot. Son style est très oral, c’est de la langue parlée, et c’est tout à fait passionnant. Pour moi la francophonie est liée aussi à toute cette richesse linguistique et culturelle autour du français.
Un livre, un film et une chanson qui ont marqué votre vie francophone ?
Un livre : Paname Underground, de Johann Zarca. Pour le film, je dirais Bienvenue chez les Ch’tis : c’est un film que j’ai vu en France lors de mon séjour Erasmus à Lyon et qui m’a ouvert les yeux à la grande richesse de la langue française. Et pour la chanson, je mentionnerais le nom du rappeur Soprano : j’aime beaucoup ses chansons et je les utilise souvent dans mes cours de FLE.