CONSIGNE
En vue d’une narration (auto)fictive.
Chaque élève détermine deux lieux à Limoges (ou dans la région dont elle est originaire à condition de pouvoir s’y rendre) auxquels sont attachées des anecdotes et/ou des situations importantes de sa vie.
Séance 1 : Observer
Chaque élève se rend sur le lieu 1 et, sur place, le décrit.
En atelier : travail sur la « page » écrite par les élèves décrivant un premier lieu quasiment sur le tas ou juste après s’y être rendu.
Séance 2 : Se souvenir
Écriture d’une page par les élèves se souvenant d’une anecdote vue ou vécue ayant pour cadre ce premier lieu.
En atelier : travail sur cette « page ».
Séance 3 : Se souvenir
Écriture d’une page par les élèves se souvenant d’une anecdote vue ou vécue ayant pour cadre un deuxième lieu.
En atelier : travail sur cette « page ».
Séance 4 : Observer
Chaque élève se rend sur le lieu 1 et, sur place, le décrit.
En atelier : travail sur la « page » écrite par les élèves décrivant un premier lieu quasiment sur le tas ou juste après s’y être rendu.
Séance 5 : Écrire
Écriture une nouvelle de trois pages (au maximum) associant les deux lieux, par leurs descriptions et les souvenirs qui s’y rattachent.
La lune gibbeuse éclaire comme en plein jour. Les ombres sont nettes et la luminosité est forte. On a l’impression que l’astre nocturne nous fixe depuis sa place alors qu’il inonde le monde de gris.
La marée monte, l’océan fait un fracas de tous les diables, on dirait qu’il menace. On l’entend clair de chaque côté et sourd juste devant nous. Son vacarme anesthésie le reste, les autres bruits sont écrasés. Le sable est froid, les contours du décor sont flous. On ne différencie la plage du ciel et le ciel de l’eau que par nuances de bleu. Pour la plage et l’eau, il y a l’écume.
La ligne d’horizon n’est qu’un dégradé indistinct. Chaque forme prend des allures de silhouette hostile. Les distances sont distordues, biaisées, tout a l’air plus loin. Les lumières de la ville sont abolies par l’épaisseur des kilomètres qui la séparent de nous, ou juste par la dune qui nous la cache.
Tout a l’air désert, abandonné. À l’état de vestiges. Il y a deux cannes à pêche plantées dans le sable juste devant la ligne de fracture des vagues, sans fil et sans pêcheur. Des ruines de vies humaines. La plage est pleine d’autres aberrations. Des empreintes noires comme des flaques de pétrole, un poisson mort, entier, tordu à plusieurs mètres de l’eau, une patte de crabe sans crabe de l’autre côté, nous perdus ici.
Le wharf est invisible mais pulse une lumière rouge là-bas, cyclique. C’est l’unique couleur au monde.
La solitude nous encercle. Une solitude si épaisse, si palpable, si immense qu’elle nous avalerait. Nous sommes seuls. Si seuls qu’il semble que plus rien ne nous maintient réels, que ce qui nous fait encore exister est quelque chose de ridiculement mince. Que ce serait possible de s’évaporer, comme ça. Juste s’effacer. Et que personne n’en saurait rien. Ne pas être assez sûr de sa propre existence suffirait à la laisser disparaître.
Tout pourrait arriver, on n’est pas vraiment là, les lois physiques se sont arrêtées sur le front de mer. L’espace-temps ne nous appartient plus.
Une envie de courir, de fuir, presse au creux de l’estomac. Mais la dune nous accule à l’océan, d’un côté de la plage se dresse la lumière sanglante du wharf, de l’autre le brouillard salé que battent les vagues. Il n’y a aucune échappatoire. Tout transpire une espèce de danger poisseux, il n’y a pas âme qui vive, à part nous.
Le vent souffle et s’insinue entre les fibres des vêtements, jusqu’à la peau, colle à l’os. C’est une météo d’avant-tempête.