Éliminons de suite la question qui dérange : non, je ne parle pas le créole réunionnais. Ni celui de la Martinique d’ailleurs ! Le créole m’est aussi étranger que le suédois ou le kassonké et pourtant je vibre en écoutant Lisa Ekdal ou Boubacar Traoré. Alors, ne me dites pas que vous êtes rebuté par un spectacle en créole réunionnais. N’écoutez-vous jamais de chansons dans une langue qui ne vous est pas familière ? Ne regardez-vous jamais un film américain en VO, croyant que votre anglais suffira alors que comme tout le monde vous le baragouinez avec prétention ? Alors, que diable, filez rencontrer Ti Katorze.
Le premier choc sera visuel, dès votre entrée dans la salle. Une contrebasse, un accordéon et des percussions en veux tu en voilà. Un mur de percussions ! Ça brille, ça reflète, sans parler de la chaleur du bois de la contrebasse. S’imprégner de l’harmonie de la scène vaut une séance de méditation. Et voilà Nelly qui va vous créoliser durant 60 minutes accompagnée de Serge et Jérôme. Serge, grande classe, s’installe au gouvernail de sa contrebasse, Jérôme, tel un pilote devant un tableau de bord, remet en place une percu-bricolo faite avec une poubelle renversée. Prêt ? Pas une seconde de pause ne vous sera accordée...
Nelly vous prend aux tripes, de suite. Conteuse chanteuse, chanteuse conteuse ? Voix puissante. Expressive. Elle donne vie à son personnage, Ti Katorze, dont on voit bien que la cohérence d’esprit n’est pas la plus grande qualité. Une cohérence toute personnelle. Cabossée Ti Katorze. Trimballant une kyrielle d’objets, gesticulant, picolant, Ti Katorze a du répondant. Que cherche-t-elle ? Le sait-elle ? Les créolophones le savent-ils ? Qu’importe. Envie de sourire, non, on ne se moque pas de Ti Katorze, respect m’sieur-dames ! Il est vrai que la voir entortillée dans une robe de mariée infortunée... le sourire est difficile à retenir.
Mais Ti Katorze est avant tout Nelly Cazal. C’est elle qui l’incarne, qui lui donne souffle et mouvement. Qui porte la folie douce autant que l’agressivité. La petite scène de l’auditorium est pleine de bric à brac chabraque : une vieille valise, un parapluie, des galets, oui des galets. Ces derniers portent un rôle de premier plan, c’est certain... il faudra que je m’initie au créole réunionnais pour savoir lequel.
Les photographies sont prises lors d’une répétition